SCPI de rendement : baisse des prix de part en 2023, le vaisseau flotte et ne coule pas

Immobilier - Dans un contexte de hausses des taux, l'inquiétude gagne le marché des SCPI. Fin août 2023, six SCPI ont déjà annoncé une baisse du prix de leur part. Quelles sont les classes d'actifs concernées ? Faut-il craindre la contagion ? Le point du Courrier Financier — avec les réponses exclusives de Nicolas Barrailler, PDG et fondateur de Nyko.

Le marché des SCPI va-t-il nous rejouer le mythe d’Icare ? En 2022, ces fonds d’investissement réalisaient une collecte nette de 10,2 milliards d’euros — en hausse annuelle de +37 % d’après les chiffres de l’ASPIM, un record ! Mais depuis début 2023, l’horizon s’est assombri. Six SCPI ont revu à la baisse leur prix de part : Accimmo Pierre (BNP Paribas), Elysées Pierre (HSBC Reim), Laffitte Pierre (AEW), Edissimmo, Génépierre et Rivoli Avenir Patrimoine (Amundi). Pendant l’été, l’inquiétude a saisi le marché : après s’être trop approchée du soleil pendant près d’une décennie, la SCPI s’est-elle brûlée les ailes ?

SCPI de bureaux, le petit bout de la lorgnette

Tout d’abord, intéressons-nous à ce qu’est le prix de la part. C’est une donnée publique, définie par le gérant, et que l’épargnant peut facilement trouver en ligne. Ce prix doit se situer obligatoirement dans une fourchette de plus ou moins 10 % par rapport à la valeur de reconstitution de la SCPI — un indicateur qui se calcule à partir de la valeur d’expertise des biens immobiliers détenus par la SCPI, plus les frais de reconstitution du fonds. Les SCPI publient une fois par an la valeur d’expertise de leur patrimoine. Si cette valeur d’expertise recule, le gérant procède à un ajustement du prix de souscription de la part.

Les SCPI qui ont revu leur prix de part à la baisse cette année ont toutes un point commun. Ce sont des SCPI de bureaux, dont les deux tiers des actifs se trouvent en Ile-de-France. Or, depuis la crise sanitaire, c’est un marché en perte de vitesse d’après les chiffres Immostat du S1 2023 publiés par JLL . « Les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité, sont impactées par la hausse des coûts et cherchent à optimiser leurs coûts immobiliers », rappelle Marie Martins, Directeur Tenant Representation France chez JLL. Nous avons donc un biais sectoriel dans le recul constaté des prix de part sur le marché des SCPI.

L’impact de la hausse des taux

En 2023, le marché des SCPI reste assez hétérogène. Les SCPI de bureaux ne représentent que 29 % de la collecte nette au S1 2023, rappelle Raphaël Oziel, Fondateur de La Boutique des Placements. « La SCPI est avant tout un placement de long terme dont la promesse est de vous verser une rente nette de tous frais et de toutes contraintes d’un investissement locatif. La plus-value n’est que la cerise sur le gâteau », explique-t-il. « Il est anormal de traiter tout un pan de l’économie des SCPI au seul visage de la SCPI de bureaux », ajoute Nicolas Barrailler, PDG & Fondateur de Nyko — qui répond en exclusivité au Courrier Financier.

Le bureau, coupable idéal ? Pour Pierre-Antoine Burgala, Directeur Général Adjoint et associé chez Iroko, le marché des SCPI souffre avant tout de la hausse des taux menée par les banques centrales, afin de lutter contre l’inflation. « Les SCPI qui ont baissé leur prix de parts — ne l’oublions pas — ont massivement collecté ces dernières années. Elles ont constitué un stock d’immobilier « acheté cher », qui offrait peu de rendement. Elles servent depuis quelques années des rendements proches des 3,5 %. Ce qui était acceptable dans un contexte de taux bas ne l’est plus aujourd’hui » déclare-t-il, dans une interview exclusive pour Le Courrier Financier.

SCPI de rendement : baisse des prix de part, le vaisseau flotte et ne coule pas
Capture d’écran du 30/08/2023
Source : Nyko.io « C’est la fin des SCPI – Été 2023 » 08/08/2023

3 questions à… Nicolas Barrailler, PDG & Fondateur de Nyko

Le Courrier Financier : En juillet dernier, l’AMF adressait un courrier à l’ASPIM et l’AFG dans lequel elle demandait aux SCPI de réévaluer la valeur de leur patrimoine. Faut-il s’attendre à des baisses massives du prix des parts sur le marché des SCPI ?

SCPI de rendement : baisse des prix de part, le vaisseau flotte et ne coule pas
Nicolas Barrailler

Nicolas Barrailler : Avant de répondre à cette question, il faut resituer le contexte de cette demande. Évidemment, le contexte de hausse de taux a un impact direct sur l’immobilier. Même si la baisse est sensible en région, elle est assez marquée en Île-de-France, bastion des actifs des SCPI. D’autre part, cette même hausse de taux a incité certains institutionnels à se tourner davantage vers des produits de taux (obligataire) que vers des SCPI.  

En parallèle, l’annonce de baisse de parts d’Amundi sur toutes ses SCPI a créé un mouvement d’inquiétude sur le secteur.  Pour autant, à ce jour, seules 6 SCPI sur plus de 200 ont enregistré une baisse de parts. Certaines ont même augmenté leur valeur début 2023. Il n’y aura pas de baisses massives, mais nous ne pouvons pas exclure quelques baisses plus ou moins significatives selon la typologie de SCPI (diversifiée, bureaux, santé, etc.). 

C.F. : Face à la hausse des taux de crédit et des prix de l’immobilier, le marché des SCPI risque-t-il de connaître une crise de liquidité cet automne ?

N.B. : Les prix de l’immobilier, à la hausse ou à la baisse, n’auront que peu d’impact sur la liquidité des SCPI. Lorsque vous achetez de l’immobilier d’investissement, vous ne revendez pas le bien parce que le marché fait +5 % ou – 5 %. Il en va de même pour la SCPI. 

En revanche, la hausse des taux directeurs — rendant les produits de taux plus favorables — peut inciter les institutionnels à revendre (ou à ne pas acheter) de parts de SCPI. Les montants importants investis par cette catégorie d’investisseurs jouent grandement sur la liquidité des parts. Une fois de plus, toutes les thématiques des SCPI ne seront pas impactées de la même façon. 

C.F. : Quel conseil donneriez-vous à l’investisseur qui souhaiterait investir en SCPI ?

N.B. : L’investissement SCPI a toujours été un investissement long terme (+ de 10 ans) et dans une logique de revenus. En clair, vous achetez des parts de SCPI pour obtenir un rendement régulier et rentable. Sur ce point là, les SCPI répondent à la demande. Même les SCPI Amundi ont un taux de distribution intéressant et performant dans le temps. 

Bien entendu, l’investissement doit être accompagné d’une durée de détention longue — comme tout investissement immobilier. La SCPI est un produit intéressant, classé parmi les sept meilleurs produits en termes de rentabilité sur les 30 dernières années. 

Mon conseil principal, prenez le temps. Choisissez plusieurs SCPI avec des thématiques différentes, et n’hésitez pas à programmer des achats mensuels à l’image des DCA [dollar cost averaging, stratégie d’investissement qui consiste à programmer l’achat régulier d’un actif, toujours pour le même montant en devises — qu’il s’agisse ou non de dollars NDLR].

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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