Deborah Labre – Fundimmo : les femmes et l’épargne, « l’investissement ne doit plus être un boys’ club »

Patrimoine - D'après une récente étude Opinionway pour Atland Voisin & Fundimmo, une Française sur deux juge sa culture financière insuffisante. Toutefois, elles s'intéressent de plus en plus à l'investissement et aux produits d'épargne. Quel bilan pouvons-nous faire de leur autonomie financière ? Deborah Labre, Chief Marketing Officer (CMO) chez Fundimmo, répond au Courrier Financier.

En 2022, certains biais persistent et pèsent sur l’autonomie financières des femmes en France. Pourtant, « une part significative des femmes sont déjà des investisseuses averties ». C’est ce qui ressort d’une étude Opinionway pour Atland Voisin & Fundimmo, publiée le 23 février dernier. L’enquête a été menée sur un échantillon de 2 053 personnes, représentatives des Françaises âgées de 18 ans et plus (méthode des quotas). Education financière, cryptomonnaies et épargne dématérialisée… Comment les Françaises construisent-elles leur autonomie financière ? Deborah Labre, Chief Marketing Officer (CMO) chez Fundimmo, répond en exclusivité au Courrier Financier.

Le Courrier Financier : En 2022, quel portrait-robot pouvons-nous faire de la femme-investisseuse ?

Deborah Labre - Fundimmo : les femmes et l'épargne, « l'investissement ne doit plus être un boys' club »
Deborah Labre

Deborah Labre : Nous parlerons avec précaution des femmes en général, car il y a des disparités selon les générations et les CSP. Dessinée à grands traits, l’investisseuse-type a 35 ans, son intérêt pour les produits d’investissement et les objectifs d’épargne est corrélé à ses revenus. Elle se documente grâce aux médias et forums. Elle a sans doute bénéficié, aussi, d’une familiarisation héritée de ses parents.

Comme ses aînées qui investissent moins, elle a encore tendance à minimiser les risques, à favoriser le Livret A, à privilégier la pierre. Mais cela est vrai aussi pour les hommes. Enfin, les plus jeunes investisseuses peuvent se montrer aventureuses : elles se disent favorables à un investissement totalement dématérialisé. Et 53 % des 18-24 ans déclarent avoir investi dans des cryptomonnaies ou envisager de le faire.  

C.F. : Quels sont aujourd’hui les principaux objectifs d’épargne des Françaises ? Quels sont les produits financiers les mieux adaptés à leurs aspirations ?

D.L. : Le Livret A reste la valeur refuge pour une grande majorité d’entre elles. L’assurance vie et d’autres placements plus rémunérateurs et facilement accessibles peuvent être très intéressants en complément, et ce dès le premier euro épargné disponible. Par exemple, le crowdfunding immobilier, accessible dès 1 000 euros et qui propose un rendement moyen de plus de 9 % par an. Ou encore les SCPI, qui permettent également d’investir dans la pierre, à partir de quelques milliers d’euros seulement. 

En moyenne, les femmes restent prudentes. La constitution d’une épargne de précaution les motive pour prévenir les aléas de la vie et s’assurer une stabilité financière à long terme, notamment pour la retraite. Accroître son patrimoine n’arrive qu’en huitième position de leurs objectifs. Mais cela évolue : cet objectif remonte à la quatrième position chez les 25-34ans.

C.F. : Pouvons-nous dire aujourd’hui que les Françaises épargnent et/ou investissent conformément à leurs intérêts ?

D.L. : En plaçant une majeure partie de leur argent sur le Livret A parce que le capital est garanti, elles ne sont pas gagnantes. D’autres placements aux rendements plus attrayants sont largement à leur portée, en complément des supports habituels. Il semble qu’elles en prennent conscience, mais elles manquent encore d’information pour les aider à faire les bons choix selon leur situation et leurs objectifs de vie.

Elles sont malheureusement 52 % à ne pas savoir vers qui se trouver pour les conseiller. Les femmes investissent moins que les hommes, et 35 % d’entre elles laissent encore le soin à leur conjoint de gérer l’intégralité de leurs placements. En même temps, l’étude montre qu’elles sont de plus en plus nombreuses, notamment dans les jeunes générations, à reprendre le pouvoir sur leur épargne. 

C.F. : Qu’est-ce qui freine leur réflexion patrimoniale ? Quelles mesures permettraient d’y remédier ?

D.L. : La peur du lendemain constitue l’un des principaux freins à la réflexion patrimoniale, suivie par une méconnaissance globale des produits d’investissement, une moindre tolérance au risque… et cette croyance — erronée — que l’investissement est réservé aux plus fortunés. Ces autocensures existent chez les hommes, plus encore chez les femmes.

Il n’est pas nécessaire de parler aux femmes comme à des êtres à part, aux sensibilités spécifiques. Il faut mener un travail d’information et de pédagogie, en améliorant la culture financière des Français dès le plus jeune âge. 66 % des Français plébiscitent son apprentissage à l’école et 57 % des femmes regrettent de ne pas avoir pu être formées aux placements financiers. Cela permettrait de faire un grand pas vers une égalité hommes / femmes face à l’investissement. 

C.F. : Pourquoi les femmes sont-elles plus intéressées par l’épargne dématérialisée et les cryptomonnaies ?

D.L. : Cela concerne les femmes plus jeunes, c’est une des belles surprises de l’étude. Nous devons nous réjouir de cet engouement qui traduit une vraie envie d’investir. C’est la preuve que lorsqu’un placement est accessible facilement, il séduit, même s’il est risqué. C’est une illustration de l’évolution des mentalités et des pratiques influencées par la culture internet. L’investissement en ligne — dématérialisé — permet d’investir plus aisément, plus librement.

Plus ambitieuses, les femmes assument de plus en plus de parler d’argent sur les réseaux sociaux ou avec leurs proches, de s’informer et croiser les sources… Cela marque un pas supplémentaire vers une forme d’indépendance et d’autonomisation financière des femmes, qui peuvent investir sans intermédiaire depuis leur smartphone. Aujourd’hui, presque tout se fait en ligne. Elles ont compris qu’investir aussi. 

C.F. : Comment les CGP peuvent-ils les accompagner pour favoriser leur indépendance financière ?

D.L. : L’ensemble des acteurs financiers ont un rôle à jouer, les conseillers en gestion de patrimoine inclus. 67 % des répondantes indiquent qu’elles se tourneraient en priorité vers un CGP pour des conseils d’investissement, preuve qu’ils restent des interlocuteurs privilégiés.

Aux premières loges des stratégies d’investissement, leur expertise est précieuse pour accompagner les épargnantes, indépendamment de leurs revenus ou leur âge. Il est essentiel qu’elles soient conseillées par des professionnels pour s’y retrouver parmi l’offre pléthorique de placements. L’investissement ne doit plus être un boys’ club

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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