Réunion de la BCE — 3 questions à… Sylvain Bersinger, économiste chez Asterès

Asset Management - Ce jeudi 16 mars, la Banque centrale européenne (BCE) annonce une hausse des taux de 0,5 point de pourcentage. Quels enjeux derrière cette décision de politique monétaire ? Sylvain Bersinger, économiste chez Asterès, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

Contre vents et marées. Ce jeudi 16 mars, la Banque centrale européenne (BCE) a augmenté comme prévu ses taux d’un demi-point — en dépit des récentes turbulences dans le secteur bancaire, dans le sillage de la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) aux Etats-Unis. Comment ce resserrement de politique monétaire permettra-t-il de lutter contre l’inflation ? Quel sera l’impact de cette décision sur les marchés financiers ? Sylvain Bersinger, économiste chez Asterès, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

Le Courrier Financier : Ce jeudi 16 mars, la BCE annonce une hausse des taux de 0,5 point de pourcentage. Faut-il craindre une accélération de la crise bancaire ?

Réunion de la BCE — 3 questions à... Sylvain Bersinger, économiste chez Asterès
Sylvain Bersinger

Sylvain Bersinger : Probablement pas, en tout cas pas du fait de cette décision de hausse des taux. La BCE est consciente qu’augmenter les taux peut accroître le risque de crise bancaire — car des taux plus élevés diminuent mécaniquement la valeur des obligations que les banques détiennent à leur actif.

La BCE a certes un objectif de lutte contre l’inflation, mais aussi de garantir la stabilité financière, et il semble évident que Christine Lagarde n’aurait pas procédé à une hausse de taux si elle et les économistes qui la conseillent estimaient qu’une telle décision risquait de créer une panique bancaire. La BCE a donc sûrement voulu envoyer un double message : sa détermination à combattre l’inflation, et sa confiance dans la solidité du secteur bancaire européen.

C.F. : La BCE dissocie le pilotage monétaire de celui des risques financiers. Cette politique aura-t-elle des conséquences déflationnistes ?

S.B. : L’objectif de la BCE, en augmentant ses taux malgré le contexte de crise bancaire, est clairement de montrer sa détermination à combattre l’inflation, ce qui est important car cela réduit les anticipations d’inflation des agents économiques. Depuis la faillite de Silicon Valley Bank, les spéculations allaient bon train pour savoir si Christine Lagarde relèverait les taux de 0,5 point comme elle l’avait annoncé.

Ce qui ne veut pas dire que la BCE se désintéresse des risques financiers, elle garde en réserve des capacités à fournir des liquidités aux banques en cas de besoin. La décision de la BCE de poursuivre la hausse des taux aura donc des conséquences déflationnistes, mais elles mettront du temps à se matérialiser, la transmission de la politique monétaire dans les prix prend plusieurs trimestres.

C.F. : Comment les marchés financiers réagissent-ils ? Quelles perspectives pour le secteur bancaire européen en 2023 ?

S.B. : Le CAC 40 était en hausse suite à cette décision, après avoir baissé la veille. Il est possible que cette hausse de taux ait été perçue comme un message d’optimisme, la BCE indiquant qu’elle ne croit pas au scénario d’une crise bancaire profonde. Un scénario de hausse des taux peut être négatif pour les banques, en ce sens qu’il diminue la valeur des obligations qu’elles détiennent.

En revanche, des taux plus élevés permettent également aux banques d’accroître les taux qu’elles facturent à leurs clients. La situation de taux nuls — et même parfois négatifs — que nous avons connu ces dernières années était problématique pour les banques. Pour 2023, le scénario central n’a pas changé, il reste celui d’une croissance très poussive et d’une inflation qui baisse lentement.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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