Culture financière : que savent les investisseurs particuliers français ?

Asset Management - Ce mercredi 8 novembre, une étude de l’OCDE pour l’AMF dresse le portrait des nouveaux investisseurs particuliers français. Qui sont ces boursicoteurs ? Comment améliorer leur éducation financière ? Le point avec Le Courrier Financier.

La crise sanitaire avait apporté une vague de nouveaux investisseurs particuliers. Entre 2020 et 2022, l’Autorité des marchés financiers (AMF) estime que 800 000 nouveaux investisseurs ont commencé à investir en actions. Comment évaluer leur culture financière ? Quelles ressources leur proposer ? Ce mercredi 8 novembre, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publie une étude sur le sujet, à la demande de l’AMF. Ce document réalisé avec l’appui de la Commission européenne dresse le portrait de ces nouveaux investisseurs — qui représentent aujourd’hui 12 % de la population française.

Le rapport s’appuie sur deux études (quantitative et qualitative). L’étude quantitative a été réalisée en ligne, auprès de plus de 2 100 investisseurs. Près de la moitié d’entre eux étaient de nouveaux investisseurs. Ils détenaient depuis 2020 des actions, des fonds d’investissement, des titres dans le cadre du financement participatif ou des crypto-actifs. L’étude qualitative s’appuie sur des entretiens individuels complémentaires, menés avec 40 nouveaux investisseurs. « C’est un élément clef dans l’orientation de nos actions de pédagogie dans le cadre de notre mission de protection des investisseurs », réagit Marie-Anne Barbat-Layani, la présidente de l’AMF.

Quelle éducation financière ?

Dans son rapport, l’OCDE identifie quatre profils d’investisseurs : « néophytes », « non-informés », « dynamiques » et « consciencieux ». Leurs attentes en matière d’information financière, telles qu’identifiées dans cette enquête, serviront à l’OCDE pour élaborer une proposition de stratégie d’éducation financière pour ces nouveaux investisseurs particuliers. L’organisme soumettra cette proposition à l’AMF d’ici le premier semestre 2024. Objectif, améliorer la culture financière des nouveaux investisseurs, mais aussi les sensibiliser aux risques liés à l’investissement, aux tentatives de fraude et aux enjeux de cybersécurité.

Il y a du pain sur la planche. L’étude pointe un excès de confiance de ces nouveaux investisseurs à l’égard de leurs connaissances financières, souvent corrélé avec leur âge. Près des trois quarts d’entre eux estiment ainsi avoir un niveau « élevé ». Ils sont 73 % à l’affirmer chez les 18-24 ans, et 75 % chez les 25-34 ans. Ce taux tombe à 67 % en moyenne, tous âges confondus, contre 58 % chez les investisseurs de plus longue date. Certaines notions simples comme l’impact de l’inflation sur l’épargne (51 %), la diversification des actifs (48 %) ou que les performances passées n’indiquent pas les performances futures (42 %) restent en partie méconnues.

Culture financière : que savent les investisseurs particuliers français ?
« Connaissances financières des nouveaux investisseurs »
Source : étude OCDE, Les nouveaux investisseurs particuliers en France : Attitudes, connaissances et comportements, 2023
Culture financière : que savent les investisseurs particuliers français ?
« Connaissances financières autoévaluées par rapport aux connaissances financières avérées »
Source : étude OCDE, Les nouveaux investisseurs particuliers en France : Attitudes, connaissances et comportements, 2023

En quête d’un rendement rapide

Les nouveaux investisseurs sont en majorité des hommes (64 %) de moins de 35 ans (56 %). Ils sont plus jeunes que les investisseurs traditionnels. Ils vivent dans les centres urbains, comme la région parisienne. Plus diplômés que la moyenne des Français, près de la moitié d’entre eux (46 %) appartiennent à la catégorie des CSP+. Leurs revenus et leur patrimoine financier sont donc plus élevés que ceux de la moyenne des Français. Les trois quarts (76 %) de ces investisseurs détiennent plus d’un produit financier. Ils ont une préférence marquée pour les crypto-actifs. Plus de la moitié (54 %) y ont investi, contre un quart (23 %) des investisseurs traditionnels.

Depuis 2020, ce public investit un montant « relativement faible » (6 743 euros en moyenne) au regard de ses revenus mensuels ou de son patrimoine financier global. Leur horizon de placement est également plus court que celui des investisseurs traditionnels. Les deux tiers des nouveaux investisseurs (66 %) ont investi pour moins de 10 ans, ce qui n’est le cas que d’un gros tiers (37 %) des investisseurs traditionnels. Ce comportement est cohérent avec la priorité de près trois sondés sur quatre (73 %) à savoir « gagner beaucoup d’argent rapidement » avec leur investissement — en dépit d’une aversion culturelle marquée pour le risque.

Culture financière : que savent les investisseurs particuliers français ?
« Préférences des nouveaux investisseurs en termes de risque/rendement »
Source : étude OCDE, Les nouveaux investisseurs particuliers en France : Attitudes, connaissances et comportements, 2023
Culture financière : que savent les investisseurs particuliers français ?
« Nouveaux investisseurs et investisseurs traditionnels par âge »
Source : étude OCDE, Les nouveaux investisseurs particuliers en France : Attitudes, connaissances et comportements, 2023

Des clients pour les néo-brokers

Symptôme de leur jeunesse ? Les nouveaux investisseurs investissent aussi par pure curiosité (29 %) et même… par jeu (18 %). Dans la vie civile, l’écrasante majorité d’entre eux (89 %) sont des joueurs (jeux vidéos en ligne) ou des parieurs adeptes des jeux d’argent (paris sportifs, loterie, casino). Avant d’investir, la majorité des nouveaux investisseurs recherchent des informations (69 %) ou prennent conseil (52 %) auprès de différentes sources d’informations — officielles ou non. Ils se tournent autant vers les conseillers financiers professionnels (49 %) que vers leurs proches, c’est-à-dire leurs amis ou collègues (48 %) ou leur famille (40 %).

Les plus jeunes (18 à 25 ans) se tournent plus facilement vers les réseaux sociaux et les influenceurs. Quel que soit leur âge, les nouveaux investisseurs utilisent massivement le numérique pour réaliser leurs transactions. Plus des deux tiers d’entre eux (70 %) se servent d’outils comme des applications mobiles, ou des plateformes internet. Dans la même proportion, ils utilisent des intermédiaires digitaux (néo-courtiers, banques en ligne ou plateformes spécialisées). Dans une précédente étude publiée en 2021, l’AMF soulignait déjà le rôle accru des néo-brokers auprès de cette catégorie des nouveaux investisseurs.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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