Epargne et éducation financière : il faut réduire les inégalités de connaissances entre les Français

Patrimoine - En 2023, les Français manquent encore d'éducation financière — une situation qui impacte négativement le marché de l'épargne. Comment réduire les inégalités de connaissances financières entre les Français ? Le point avec Didier Kling, Président du Groupe CNCEF et Stéphane Fantuz, Président de la CNCEF Patrimoine.

L’épargne sera un des enjeux de la prochaine mandature du Parlement européen dont le renouvellement interviendra en juin 2024. Cette question est en effet liée aux grands agrégats sur lesquels l’Union intervient en lien avec la Commission européenne.

Pourquoi positionner la question à cette échelle ? Une récente étude d’Allianz sur la culture financière a été conduite auprès des habitants de sept pays : l’Allemagne, l’Australie, l’Espagne, les Etats-Unis, la France, l’Italie et le Royaume-Uni. 7 000 personnes ont été interrogées sur des sujets précis tels les taux d’intérêt, l’inflation, les risques et rendements associés aux investissements.

Les résultats sont éloquents. 18 % des répondants ont un niveau élevé de culture financière ; l’Italie se classant en haut du tableau. La France et les Etats-Unis ferment la marche avec un faible niveau. Par ailleurs, deux tiers des répondants ont l’impression d’en savoir moins que l’investisseur moyen sur les marchés financiers et l’investissement.

Un Français sur quatre concerné

S’agissant plus spécifiquement de la France, 26 % des sondés précisent qu’ils n’ont pas les connaissances nécessaires pour prendre des décisions financières éclairées. Voilà de quoi alimenter le débat de place au moment où l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a fait de la pédagogie, l’une de ses priorités stratégique à l’horizon 2027.

Il en va de même pour le Ministère de l’Economie et des Finances qui cherche des marges de manœuvre pour relancer la croissance, appelant à la confiance et à la décollecte. C’est enfin un défi pour les professionnels de la Finance que nous représentons, acteurs de proximité des projets des investisseurs et des consommateurs. Bien sûr, l’inflation est venue troubler la donne face à l’épargne abondante. Elle résulte de la pandémie qui a suscité la précaution.

Cette vie chère se heurte au faible niveau de connaissance des Français s’agissant de l’allocation de leurs actifs et de leur rentabilité sur les marchés réglementés et/ou obligataires. Ainsi, Allianz chiffre-t-elle le manque à gagner pour chaque Français de l’ordre de 2 400 euros par an. Sur une période de 10 ans, ce cumul équivaudrait à 39 270 euros, par rapport à des ménages bénéficiant de connaissances financières fondamentales.

Le rôle des conseillers patrimoniaux

Les pouvoirs publics français et européens, en lien avec nos professions, ont donc un véritable chantier à faire aboutir qui, à l’épreuve de ces données, doit vite dépasser le stade des intentions. Depuis plus d’une décennie, nos associations professionnelles sont sans cesse consultées sur la redirection de l’épargne vers l’économie réelle, en vain.

Alors que cette dernière est une vraie opportunité de redémarrage de notre pays, de confiance en direction des entreprises mais aussi d’éducation financière envers les épargnants. Cela aurait pour intérêt de limiter la mise à l’index de nos métiers souvent jugés comme étant l’un des responsables de cette épargne infructueuse.

Nous devons avoir la même exigence et le même devoir collectif s’agissant des jeunes générations. Demandeurs d’une finance plus responsable et accessible, les jeunes investisseurs veulent saisir les enjeux de leur patrimoine personnel. Les Millennials nés dans les années 1980 et le début des années 1990 ne sont que 11 % à détenir une éducation financière et 6 % du côté des générations dites « Z » nées à la fin des années 1990 et début 2000.

Enfin, comme nous le présentions, le marché de la finance verte et responsable n’est que balbutiant, ceci alors même que les produits se multiplient. Cependant, l’ISR et l’ESG occupent une part marginale. Seules 10 % des personnes interrogées par Allianz sur les critères ESG (environnement, social et gouvernance) en connaissent l’existence.

Nécessité de réduire les inégalités

En conclusion, l’Europe et la France ont une responsabilité à saisir pour réduire les inégalités de connaissances des mécanismes financiers en général et l’épargne en particulier. Au double motif que sa démographie appelle à une prise de responsabilité pour le financement des retraites et que la nouvelle génération porte des revendications d’une finance plus respectueuse des attentes en matière de climat.

Cela passera entre autres par une harmonisation et une simplification des réglementations européennes que nous appelons de nos vœux depuis fort longtemps. ou encore l’arrêt du millefeuille législatif qui, au motif de protéger le consommateur, le confronte à une somme de documents préalables à toute démarche de placements où il se perd littéralement.

Aussi pourrions-nous dire comme des jeunes écoliers, que l’Europe et la France ont voulu imposer aux professionnels et consommateurs un tout autre langage que l’apprentissage des fondamentaux. Il ne serait pas déraisonnable d’y revenir.

Didier Kling et Stéphane Fantuz - CNCEF

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