Héritage : droits de succession, 49 % des Français voudraient les supprimer

Patrimoine - Ce lundi 28 mars, Le Cercle de l’Épargne/Amphitéa dévoile son enquête 2022 sur « Les Français, l'épargne et la retraite » — en partenariat avec AG2R La Mondiale. Il en ressort que les Français sont très hostiles aux droits de succession. Pourquoi ce rejet ? Que représente l'héritage en France ? Le point avec Le Courrier Financier.

Les Français, peuple d’héritiers ? Ce lundi 28 mars, s’ouvrait la cinquième édition de la Semaine de l’Épargne Salariale. Le Cercle de l’Épargne/Amphitéa en a profité pour dévoiler son enquête 2022 sur « Les Français, l’épargne et la retraite » — en partenariat avec AG2R La Mondiale. Dans leurs motivations, 16 % des Français déclarent mettre de côté « pour laisser après leur mort » (21 % chez les plus de 65 ans). La question de l’héritage et de l’impôt sur les successions occupe une grande place dans la campagne présidentielle 2022. D’après l’enquête, près d’un Français sur deux (49 %) se prononce pour la suppression totale des droits de succession, « quel que soit le montant de l’héritage ».

100 000 d’héritage en moyenne

Cette position semble assez radicale, surtout si nous considérons qu’un Français sur deux ne payera pas de droits de succession. L’époux ou le partenaire de pacs survivant sera ainsi toujours exonéré. Les enfants bénéficient d’un abattement jusqu’à 100 000 euros — soit le montant moyen des successions en France en 2022 ! Les frères et sœurs du défunt peuvent aussi bénéficier d’une exonération, sous conditions. L’exonération peut enfin être liée à une qualité du défunt : victime de guerre ou d’acte de terrorisme ; militaire décédé en opération extérieure ou de sécurité intérieure ; sapeur-pompier, policier, gendarme, ou agent de douane mort d’une blessure dans le cadre ou suite à sa mission.

Pourtant, près de trois Français sur quatre (74 %) demandent d’alléger les droits de succession. Un Français sur quatre (25 %) réclame même l’abattement à 200 000 euros pour les héritiers en ligne directe — surtout chez les électeurs de Yannick Jadot (34 %), Emmanuel Macron (33 %) et Valérie Pécresse (26 %). « Il y a un écart entre les faits et les opinions. Les Français sont très hostiles envers ce qu’ils perçoivent, à tort ou à raison, comme un impôt sur la mort », explique André Renaudin, Directeur Général d’AG2R La Mondiale. Avec le vieillissement démographique, l’héritage devient affaire de seniors. D’après l’Insee, plus de trois Français sur quatre qui ont hérité en 2018 avaient plus de 50 ans.

L’hostilité des foyers modestes

Les Français s’enrichissent plus par l’héritage que par le travail. « Selon le conseil d’analyse économique, aujourd’hui la part de la fortune héritée représente 60 % du patrimoine des Français alors qu’elle représentait 35 % en début des années 1970 », relève Stéphane Debair, PDG et co-fondateur de Selexium, contacté par Le Courrier Financier. Tout le monde n’hérite pas, mais ce sont pourtant les moins dotés qui se prononcent le plus souvent pour la suppression des droits de succession. Un tiers des Français (35 %) qui disposent d’un patrimoine financier élevé réclament cette mesure. Cette proportion monte à 44 % chez les ménages avec un patrimoine financier modeste… et jusqu’à 54 % des sans patrimoine.

En cas de patrimoine financier élevé, les droits de succession sont mieux acceptés — même si près d’un concerné sur deux (46 %) plaide pour monter l’exonération à 200 000 euros. « Tout se passe ici comme si la mort et le désir de transmission aux vivants effaçait les demandes de redistribution et d’égalité », pointent les auteurs de l’enquête. Les Français qui pensent laisser un héritage important sont très favorables (48 %) à la suppression totale des droits de succession — une mesure en faveur de leurs héritiers, donc. Mais chose plus surprenante, ce sont les Français qui n’ont ni héritage à transmettre ni espoir d’héritage qui se prononcent le plus nettement (52 %) en faveur de la suppression totale.

Focus avec… Stéphane Debair, PDG de Selexium

D’après l’Insee, la majorité des héritages reçus en 2018 — quel que soit l’âge de l’héritier — concernaient deux fois plus souvent des biens immobiliers (70,4 %) que des bien financiers (37,7 %) comme de l’argent, une assurance vie ou des valeurs mobilières. La suppression des droits de succession revient peut-être symboliquement à vouloir transmettre un toit ? Les Français aiment la pierre, et l’aspiration à la propriété les mène rapidement vers l’épargne. Dans la tranche des 18-34 ans, plus de quatre sondés sur dix (43 %) épargnent pour « acheter un logement ». Pour en savoir plus, Le Courrier Financier a interrogé Stéphane Debair, PDG et co-fondateur de Selexium (groupe de conseil en gestion de patrimoine) :

Le Courrier Financier : A l’heure de préparer sa succession, comment optimiser la transmission d’un patrimoine immobilier ?

Héritage : droits de succession, 49 % des Français voudraient les supprimer
Stéphane Debair

Stéphane Debair : Le démembrement de propriété est un outil parfait afin d’optimiser la transmission de son patrimoine immobilier. Ce dernier consiste à séparer la pleine propriété d’un bien en nue-propriété et usufruit. Le démembrement se compose d’un côté de l’ « usus », le droit d’utiliser le bien et du « fructus », le droit d’en percevoir les fruits, pour l’usufruitier ; de l’autre côté, on trouve l’abusus, le droit de disposer du bien pour le nu-propriétaire. Le démembrement le plus courant est celui où des parents donnent à leurs enfants la nue-propriété d’un bien et en conservent l’usufruit. Ils peuvent ainsi soit occuper le bien, ou le mettre en location et percevoir les loyers.

Le démembrement prend fin lors du décès de l’usufruitier. Le nu-propriétaire devient alors entièrement propriétaire du bien et n’a aucun droit de succession à payer. L’avantage se trouve au moment de la donation en démembrement. Les droits de succession sont moins élevés car ils ne sont calculés que sur la nue-propriété et non sur la valeur totale du bien. La valeur de la nue-propriété va dépendre de l’âge du donateur au moment de la donation. Plus il sera jeune, plus la valeur de la nue-propriété sera faible. Sur cette valeur seront également appliqués les différents abattements concernant la donation ce qui permet le plus souvent d’optimiser et de préparer au mieux la transmission de son patrimoine immobilier à ses héritiers.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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