Matthieu Silva Santos — Goodvest : COP28 et décarbonation, « certains secteurs sont incompatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris »

Actualités - Du 30 novembre au 12 décembre prochains, la 28e Conférence de l’ONU pour le climat (COP28) se tient à Dubaï (Emirats arabes unis). Quelles mesures pour décarboner l'économie ? Comment financer ce changement ? Matthieu Silva Santos, Directeur de l'offre et de l'ISR chez Goodvest, répond aux questions du Courrier Financier.

Ce jeudi 30 novembre, la 28e Conférence de l’ONU pour le climat (COP28) s’ouvre à Dubaï. Jusqu’au 12 décembre, des représentants de près de 200 pays se réunissent pour débattre des actions climatiques à mettre en place pour réduire les émissions de carbone. Objectif, maintenir les hausses des températures à 1,5°C conformément à l’Accord de Paris. Quelles seraient les implications économiques de la décarbonation ? Quelles stratégies d’investissement pour la financer ? Matthieu Silva Santos, Directeur de l’offre et de l’ISR chez Goodvest, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

Le Courrier Financier : La COP28 s’ouvre ce jeudi 30 novembre à Dubaï (Émirats arabes unis). Quelle place la transition énergétique va-t-elle prendre dans les débats ?

Matthieu Silva Santos — Goodvest : COP28 et décarbonation, « certains secteurs sont incompatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris »
Matthieu Silva Santos

Matthieu Silva Santos : La COP28 est une occasion de dresser le bilan sur les mesures prises depuis l’Accord de Paris en 2015. Nous espérons que la transition énergétique et la sortie des énergies fossiles seront au centre des débats. Les besoins de financement sont colossaux et au-delà de l’action individuelle, les pouvoirs publics et les entreprises doivent participer de manière significative à l’action collective. Chaque tonne de CO2 compte.

Néanmoins, la place prépondérante occupée par les lobbies lors des précédentes COP et la présidence de cette 28e édition par le dirigeant d’une société pétrolière nous interrogent quant aux réelles avancées que l’on peut attendre de ce sommet. D’ailleurs, cette COP28 devrait battre le record de fréquentation d’une COP et, par la même occasion, celui de l’empreinte carbone de l’événement en raison des émissions liées au transport des participants.

C.F. : D’après une enquête de l’AIE, les énergies fossiles émettent plus de 36,8 milliards de tonnes de CO2 par an. Quelles seraient les implications économiques de la décarbonation ? Quelles pistes pour la financer ?

M.S.S. : Le rôle prépondérant des énergies fossiles dans le changement climatique n’est plus à démontrer. Le GIEC souligne d’ailleurs la nécessité de mettre un terme à tout nouveau projet pétrolier et gazier. Tous les secteurs de l’économie doivent se décarboner, en particulier les secteurs les plus émetteurs tels que celui de l’énergie.

L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) préconise d’investir 5 000 milliards de dollars par an (contre 2 000 milliards aujourd’hui) vers la transition énergétique d’ici 2030, si nous souhaitons atteindre la neutralité carbone en 2050 et réussir cette transition climatique.

La décarbonation du secteur énergétique implique une mobilisation massive de l’ensemble des flux publics et privés. Le déploiement de plans d’investissement ambitieux de la part des pouvoirs publics, à l’instar de l’IRA aux États-Unis, et la réorientation des flux de l’épargne des ménages constituent des leviers d’actions considérables qui ne demandent qu’à être actionnés.

C.F. : En France, les entreprises du secteur des énergies fossiles sont désormais exclues du Label ISR. Faut-il recourir aux stratégies d’exclusion pour éviter le greenwashing de son épargne ?

M.S.S. : Après deux ans de débats sur la présence ou non de sociétés impliquées dans le développement de nouveaux projets fossiles, le label ISR évolue et c’est une bonne nouvelle pour nos épargnants. Néanmoins, certaines questions restent en suspens. Y aura-t-il un seuil de tolérance ? Sur quelle base seront évaluées ces entreprises qui disposent, ou non, d’actifs fossiles ou qui en développent ?

La stratégie d’exclusion reste pertinente dans une stratégie d’investissement. Certains secteurs sont, de facto, incompatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris. Il est donc primordial de cibler des secteurs et entreprises qui présentent des solutions innovantes et qui contribuent de manière significative à la transition écologique.

C.F. : D’après une enquête AMF de 2021, un Français sur quatre serait prêt à investir dans un placement durable. Chez Goodvest, comment les accompagnez-vous dans la construction d’une stratégie d’épargne durable ? Quelle méthodologie leur proposez-vous ?

M.S.S. : Chez Goodvest, nous accompagnons nos clients en leur proposant des solutions d’investissement engagées pour l’environnement, adaptés à leurs projets. À ce jour, nous proposons le premier contrat d’assurance-vie et le premier Plan Épargne Retraite (PER) compatible avec l’Accord de Paris.

Nous excluons toutes les entreprises impliquées dans la production et l’extraction d’énergies fossiles et nous analysons l’empreinte carbone de l’ensemble de nos investissements nous permettant de limiter la trajectoire de réchauffement climatique de nos portefeuilles à maximum +2°C à horizon 2100.  

L’ensemble de nos contrats sont proposés en gestion pilotée et sont construits selon les projets de nos clients, leur horizon d’investissement mais également selon les thématiques d’investissement choisies telles que la transition écologique, l’accès à l’eau, ou les forêts.

Et dans une démarche de transparence totale, nos clients ont accès à une batterie d’indicateurs clés sur leur espace : trajectoire de réchauffement climatique, empreinte carbone de leur investissement ou encore émissions de CO2 évitées. Nos épargnants peuvent donc bénéficier d’une épargne 100 % personnalisée, en accord avec leurs projets, leur situation et leurs valeurs.

C.F. : En novembre 2023, Goodvest a levé 10 millions d’euros pour étoffer son offre en épargne durable. Quels nouveaux supports allez-vous proposer à partir de 2024 pour financer la transition énergétique ? Quelles sont vos perspectives de développement ?

M.S.S. : Notre récente levée de fonds est une étape importante de notre développement et notre mission de rendre l’épargne plus durable et transparente. Il s’agit d’un levier essentiel pour réaliser nos ambitions, étoffer notre offre et approfondir davantage notre méthodologie de sélection.

Nous prévoyons de commercialiser de nouvelles enveloppes d’investissement, en complément de l’assurance-vie et du PER afin de répondre aux besoins d’un maximum d’épargnants. Nous souhaitons également proposer de nouvelles classes d’actifs au sein de nos portefeuilles (Private Equity, infrastructures, investissement immobilier). Nous travaillons enfin sur l’intégration de nouveaux indicateurs d’impact, toujours dans une démarche de transparence.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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