Etats-Unis : Covid-19, reprise fragile juste avant les résultats d’entreprises

Asset Management - Malgré la progression du coronavirus, les marchés américains ont connu une reprise pendant la semaine de Pâques. Les attentes des investisseurs restent optimistes, tandis que s'ouvre la saison des publications de bénéfices pour les entreprises. Faut-il se fier aux valorisations actuelles ? Quels sont les indicateurs à surveiller ? Le point marché d'Etsy Dwek, Directrice de la Stratégie Marchés Mondiaux du pôle Dynamic Solutions chez Natixis IM.

La semaine dernière, les marchés américains ont enregistré leur meilleure performance depuis 1974, avec une hausse de 12 % du S&P500. Le virus semble atteindre son apogée dans certains pays et des mesures de relance supplémentaires ont été annoncées. Cependant, les marchés américains étaient ouverts ce lundi 13 avril et ont reculé d’environ 1 %. Les nouveaux cas ou le nombre de décès ont de nouveau augmenté dans certaines régions, et la réalité du coût économique pourrait commencer à se manifester avec le début de la saison des résultats.

Orientation générale des marchés

Les marchés européens ont été fermés pour le vendredi et le lundi de Pâques, mais ont fini leur courte semaine à environ 8 %. Ce mardi 14 avril, les futures américains et européens sont tous deux orientés à la hausse. La Réserve fédérale (Fed) a annoncé une nouvelle série de facilités totalisant 2 300 milliards de dollars, y compris des mesures de soutien pour les prêts aux petites entreprises, davantage d’achats de crédit, notamment des « anges déchus » high yield (HY), certains ETF HY et des loans, ainsi qu’un soutien aux États et aux municipalités.

Les mesures prises par la Fed ont contribué à soulager les marchés du crédit, les spreads s’étant resserrés tout au long de la semaine dernière (et hier aux États-Unis). L’IG américain est tombé à 213 pb, l’IG européen à 211 pb et le HY européen à 698 pb. Les spreads du HY américain sont passés de 1100 à 747 points de base, l’annonce de la réduction de la production par l’OPEP+ ayant également contribué à atténuer le stress dans ce secteur.

Pétrole, fin de la guerre des prix

L’OPEP+ a accepté de réduire la production de pétrole de près de 10 millions de barils par jour à partir du 1er mai, dans un geste historique qui met fin à la guerre des prix entre l’Arabie saoudite et la Russie. Les États-Unis, le Canada et le Brésil sont censés réduire encore de 3,7 millions de barils et le reste du G20 de 1,3 million de barils supplémentaires, mais ces réductions seront lentes à se concrétiser car elles reflètent davantage l’impact de la baisse des prix sur la production qu’une réduction proactive.

Alors que les prix ont fait un bond au départ, le Brent se négociant à 34 USD le baril et le WTI à 25 USD le baril, les deux ont reculé depuis (à 31 USD le baril pour le Brent et 22 USD le baril pour le WTI) car des questions subsistent quant à l’effondrement de la demande, et si même des réductions aussi importantes suffiront à les compenser. Selon nous, étant donné l’arrêt de l’économie mondiale, les prix resteront plafonnés pendant un certain temps : l’offre reste abondante et la demande sera lente à se redresser.

Coronabonds et regain d’optimisme

Les ministres des finances de la zone euro se sont finalement mis d’accord sur un paquet fiscal de 500 milliards d’euros, qui ne comprend pas de « coronabonds » mais se concentre principalement sur le mécanisme de stabilité européen (ESM). Il comprend une assurance emploi commune, une facilité de liquidité pour les entreprises et des lignes de crédit. Il a également été question d’un fonds de relance, qui pourrait nécessiter une « émission commune », mais les Pays-Bas et l’Allemagne s’opposent toujours à cette option. L’accord est maintenant soumis à l’approbation des dirigeants européens et pourrait se heurter à d’autres obstacles.

Avec la reprise des marchés, le sentiment est devenu plus optimiste et les flux ont commencé à revenir vers les actions, ainsi que vers le high yield. Les actions ont enregistré des entrées de 16,5 milliards d’USD et les obligations HY ont enregistré 4,1 milliards d’USD, tandis que les obligations du Trésor et les obligations indexées ont enregistré des sorties de 2,3 milliards d’USD et 4 milliards d’USD, respectivement. Les rendements des obligations du Trésor américain ont repris leur ascension cette semaine, les obligations américaines à 10 ans atteignant désormais 0,77 %, l’appétit pour le risque s’étant amélioré. Les rendements allemands à 10 ans ont reculé vendredi à -0,34 %, avant l’annonce des ministres européens des finances.

Résultats des enteprises

La saison des bénéfices commence cette semaine, avec des attentes encore relativement optimistes. Même si les publications seront pour la plupart rétrospectives, nous verrons déjà l’impact des mesures de confinement sur les données de mars. Nous extrapolerons ce à quoi les prochains mois pourraient ressembler. Les indications pour le reste de l’année 2020 seront également à l’honneur. À notre avis, les marchés sous-estiment actuellement l’impact de l’arrêt complet de l’activité sur les bénéfices, et en particulier la lenteur de la reprise. En conséquence, les valorisations ne sont peut-être pas aussi bon marché qu’elles le paraissent, surtout après les récents mouvements de marchés.

Comme indiqué précédemment, nous prévoyons que les mesures de confinement dureront plus longtemps que prévu et que les mesures ne seront que progressivement allégées, ce qui laisse supposer un retour plus lent et plus progressif à la « normale ». La France a déjà prolongé les mesures jusqu’au 11 mai prochain et a déclaré qu’elle envisagerait alors une réouverture progressive. Ainsi, la reprise de l’activité sera-t-elle lente et échelonnée entre les pays, les régions et les secteurs, mais aussi au sein d’un même pays. Nous pensons que les risques pour la croissance et les bénéfices demeurent. Nous restons donc prudents sur les marchés, car des risques de baisse subsistent.

Ces indicateurs à surveiller

Nous continuons à surveiller le pic des cas dans les pays plus « avancés » dans l’épidémie pour savoir combien de temps un confinement strict sera nécessaire. Plus l’immobilisme économique dure longtemps, plus les dégâts sont importants et plus le risque de conséquences négatives est élevé. Nous examinons comment les mesures de relance peuvent être déployées pour éviter des vagues de faillites et de défauts, et comment les défauts peuvent être clôturés si/quand ils se produisent.

Il est encore trop tôt pour dire si ces mesures seront suffisantes pour éviter les conséquences les plus négatives de l’épidémie, bien que la Fed en particulier fasse tout ce qui est en son pouvoir — et même au-delà — pour limiter ces risques… Nous examinerons de près les estimations des bénéfices à mesure qu’elles seront révisées à la baisse. Il se peut que les marchés ne tiennent actuellement pas suffisamment compte de l’ajustement, d’autant plus que les valorisations ne seraient pas aussi attrayantes avec un « E » beaucoup plus bas.

Nous surveillons les marchés du crédit et du financement pour voir si les mesures massives prises par les banques centrales, tant aux États-Unis qu’en Europe, contribuent à atténuer les tensions récentes. Pour l’instant, nous pensons que les banques centrales parviendront à maintenir les risques systémiques à un faible niveau afin d’éviter une crise du crédit.

Esty Dwek - Natixis IM

Directrice de la Stratégie Marchés Mondiaux du pôle Dynamic Solutions

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