Coronavirus : la BCE va-t-elle sauver la zone euro avec 750 milliards d’euros ?

Actualités - Les marchés financiers respirent mieux depuis l'annonce du plan d'urgence de la Banque centrale européenne (BCE), qui prévoit 750 milliards d'euros pour racheter la dette publique et privée. Objectif, contenir les répercussions économiques du coronavirus. De quoi préserver la zone euro contre le risque de fragmentation ? Le point avec Le Courrier Financier.

La planète finance respire à nouveau. Ce mercredi 18 mars — peu avant minuit — la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé qu’elle mobilisait 750 milliards d’euros de rachats d’actifs. Le « programme d’achat urgence pandémique » (ou PEPP) viendra soutenir la zone euro face au coronavirus. La décision suit une conférence téléphonique non prévue du Conseil des gouverneurs. L’occasion pour la BCE de racheter sa communication erratique — entre la maladresse de Christine Lagarde le 12 mars, et celle du nouveau gouverneur de la Banque nationale autrichienne, pour qui la BCE avait atteint ses limites.

Tout cela, c’est de l’histoire ancienne… ou presque. Dans la foulée, ce jeudi 19 mars — entre minuit et une heure du matin — Christine Lagarde a rayé d’un tweet toute ambiguïté : « Des circonstances extraordinaires exigent une action extraordinaire. Il n’y a aucune limite à notre engagement en faveur de l’euro. Nous sommes déterminés à utiliser tout le potentiel de nos outils, dans le cadre de notre mandat », indique la présidente de la BCE. Cette détermination la place définitivement dans les pas de Mario Draghi, l’auteur du célèbre « Whatever it takes » — en français « Quoi qu’il en coûte » — prononcé le 26 juillet 2012 pour sauver l’euro.

Soutenir l’économie de la zone euro

Le PEPP — en anglais « pandemic purchase program » — devrait se dérouler au moins jusqu’à fin 2020. « La BCE achètera 1 000 milliards cette année, soit le montant annuel le plus élevé jamais atteint », explique Alexandre Hezez, Directeur de la gestion financière chez Richelieu Gestion. La Banque centrale européenne ne compte s’arrêter en si bon chemin. « Nous sommes totalement prêts à augmenter la taille de nos programmes d’achats d’actifs et à ajuster leur composition, autant que nécessaire et aussi longtemps que nécessaire », écrit Christine Lagarde ce jeudi, dans une tribune publiée par le Financial Times.

« Nous allons étudier toutes les options et toutes les possibilités afin de soutenir l’économie pendant ce choc », ajoute-t-elle. D’après Alexandre Hezez, il pourrait s’agir d’une « référence au plafond d’achat d’un tiers de l’encours de la dette d’un pays ». La dette grecque pourrait ainsi devenir éligible, bien qu’elle n’ait jamais fait l’objet d’un rachat de la BCE dans le cadre d’un programme de Quantitative Easing (QE). La banque centrale européenne pourrait ainsi en théorie « acheter jusqu’à 50 milliards d’euros de dette grecque », et se concentrer provisoirement sur les rachats d’obligations de certains pays si la situation l’exige.

L’écart de rendement s’est creusé entre les pays les plus endettés — tels que l’Italie — et ceux jugés plus sûrs. « Nous sommes absolument déterminés à lutter contre le risque de fragmentation entre Etats de la zone euro, ou contre la dégradation des conditions de financement à long terme. Il en va de la bonne transmission de notre politique monétaire », assure François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, ce mercredi 18 mars aux Echos. « S’il faut faire encore plus d’achats d’obligations dans cette période exceptionnelle, nous le ferons », précise-t-il. Concernant la dette d’entreprise, la BCE pourrait aussi intervenir sur le papier commercial à court terme.

Soulager les marchés financiers

A lui seul, le plan de QE annoncé ce mercredi équivaut à 6 % du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro. Après l’annonce, l’euro a rebondi et gagnait 0,16 % face au dollar à $1,0929. La BCE se met au diapason de la Réserve fédérale américaine (Fed) qui en est déjà troisième programme d’urgence en deux jours, destiné cette fois à préserver les fonds de placement sur le marché monétaire. Afin d’atténuer les effets du coronavirus sur l’économie mondiale, la Fed a autorisé ce jeudi 9 pays à accéder au dollar. La monnaie américaine est devenue un actif refuge.

La BCE maintient le taux de facilité de dépôt à – 0,5 %, signe probable que ses gouverneurs pourraient considérer une baisse supplémentaire comme contre-productive. Les achats d’actifs vont continuer jusqu’à la fin de la « phase critique », assure la banque centrale dans un communiqué. Bruno Le Maire, ministre français de l’Economie et des Finances, s’est félicité ce jeudi de cette nouvelle. Ce vendredi 20 mars sur la radio publique allemande Deutschlandfunk, Ursula von der Leyen n’écarte pas l’émission conjointe de dettes spéciales pour la zone euro, que certains appellent coronabonds : « Nous examinons tout — tout ce qui est utile dans cette crise sera utilisé ».

De quoi rassurer les investisseurs ? Dès ce jeudi 19 mars, le résultat s’est fait sentir sur les marchés financiers. Les places européennes ont été tiraillées toute la journée entre inquiétudes sur la propagation du coronavirus et satisfaction devant les mesures déployées par les banques centrales. Le soulagement a fini par l’emporter en fin de séance, rapporte Reuters. A Paris, le CAC 40 a terminé sur une progression de 2,68 % à 3 855,5 points. Le Footsie britannique a gagné 1,4 % et le Dax allemand a pris 2 %. De son côté, l’indice EuroStoxx 50 a avancé de 2,86 %. La hausse atteignait 3,29 % pour le FTSEurofirst 300 et 2,91 % pour le Stoxx 600. A suivre !

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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