Olivier Piscart — FriendlyHome : coliving éco-responsable, « nous cherchons à nouer des partenariats avec des propriétaires »

Immobilier - En 2023, l'heure est à la transition énergétique du secteur immobilier. Pourtant, les « passoires thermiques » représentent encore un logement sur cinq. Comment le coliving éco-responsable permet-il de transformer le parc immobilier résidentiel ? Olivier Piscart, co-fondateur et PDG de FriendlyHome, répond en exclusivité au Courrier Financier.

En France, le bâtiment représente près de la moitié (43 %) de la consommation énergétique. D’après le Ministère de la Transition écologique, c’est aussi un secteur qui génère 23 % de nos gaz à effet de serre (GES). Afin d’améliorer la performance énergétique des logements, le gouvernement déclare la guerre aux « passoires thermiques ». Comment produire de nouveaux logements plus éco-responsables ? Créée en 2022, la proptech FriendlyHome propose d’opter pour le coliving dans des biens immobiliers rénovés. Olivier Piscart, co-fondateur et PDG de FriendlyHome, répond en exclusivité au Courrier Financier.

Le Courrier Financier : En quelques mots, qu’est-ce qu’une passoire thermique ?

Olivier Piscart — FriendlyHome : coliving éco-responsable, « nous cherchons à nouer des partenariats avec des propriétaires »
Olivier Piscart

Olivier Piscart : Dans le domaine immobilier, le terme « passoire thermique » fait référence à un logement présentant une très mauvaise performance énergétique, qui se traduit par une isolation insuffisante et une consommation énergétique excessive.

Ces logements — souvent construits avant les années 1970 — n’ont généralement pas été conçus pour minimiser la perte de chaleur. Leurs caractéristiques techniques peuvent comprendre des murs mal isolés, des fenêtres à simple vitrage, des ponts thermiques non traités et des systèmes de chauffage dépassés.

Ces faiblesses structurelles conduisent à une fuite importante de la chaleur produite par le chauffage, entraînant une surconsommation d’énergie. Les logements sont ainsi classés F ou G sur l’échelle du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE).

L’impact de ces passoires thermiques est double : elles pèsent sur le portefeuille des habitants par des factures énergétiques salées, et contribuent de manière significative à l’émission de gaz à effet de serre. La rénovation énergétique de ces logements est donc un enjeu majeur pour l’économie et l’écologie.

C.F. : Combien y en a-t-il en France en 2023 ?

O.P. : En 2021, environ 7 millions de logements, soit près d’un quart du parc résidentiel français, sont classés « passoires thermiques » (DPE F ou G). Malgré la volonté politique de rénover ces logements, sans une accélération significative des efforts, ce chiffre pourrait stagner voire augmenter, en raison de l’ancienneté croissante du parc immobilier.

Les zones les plus touchées sont principalement les zones rurales et les centres anciens des villes. La région Hauts-de-France, avec son parc de logements anciens, est particulièrement concernée, suivie de près par l’Auvergne-Rhône-Alpes. Dans l’Union européenne (UE), environ 75 millions de logements sont des « passoires thermiques ». Les pays de l’Est et le Royaume-Uni sont particulièrement touchés.

C.F. : Quelle législation s’applique pour la location et/ou la vente de ce type d’actifs ?

O.P. : La loi Elan de 2018 impose des restrictions sur la location et la vente de passoires thermiques. Le bailleur doit notamment fournir un Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) pour toute location ou vente. Le propriétaire doit fournir au locataire un logement décent.

Pour qu’un logement soit considéré comme « décent », la loi prévoit qu’il doit respecter des niveaux de performance énergétique minimums de plus en plus exigeants. En France métropolitaine, pour être qualifié de « décent », un logement doit :

  • à partir du 1er janvier 2023, avoir une consommation d’énergie (chauffage, éclairage, eau chaude, ventilation, refroidissement, etc.), inférieure à 450 kWhEF/m²/an ;
  • à partir de 2025, avoir au moins la classe F ;
  • à partir de 2028, avoir au moins la classe E ;
  • à partir de 2034, avoir au moins la classe D.

Pour la vente, aucun interdit n’est appliqué, mais le vendeur doit informer l’acheteur de la performance énergétique du bien.

C.F. : Comment les passoires thermiques peuvent-elles devenir une opportunité d’investissement ?

O.P. : Les passoires thermiques peuvent s’avérer être une opportunité d’investissement immobilier attrayante. En achetant ces logements à un prix généralement inférieur au marché, les investisseurs ont l’opportunité de les rénover. Ils améliorent ainsi la performance énergétique de ces actifs, leur confort et leur valeur sur le marché.

C’est particulièrement vrai dans un contexte de tension sur le marché immobilier, où les prix des biens en bon état sont souvent élevés. En outre, le gouvernement propose des aides financières, comme MaPrimeRénov’, pour soutenir la rénovation énergétique. Ce dispositif réduit les coûts pour l’investisseur. Investir dans une passoire thermique permet d’obtenir un bien rénové et performant à un prix compétitif, tout en contribuant à la lutte contre le changement climatique.

C.F. : Qu’est-ce que le coliving ? Quelle différence avec la colocation ?

O.P. : Le coliving est une forme moderne de cohabitation axée sur une communauté partagée et des espaces de vie partagés. Ce concept trouve ses origines en Asie. Il est de plus en plus prisé par les jeunes actifs, les étudiants et les nomades numériques.

Le coliving va au-delà d’une simple colocation. Il offre non seulement une chambre privée, mais aussi des espaces communs comme la cuisine, la salle de séjour et parfois des espaces de travail collaboratifs. Le loyer inclut généralement les charges, l’internet et l’entretien.

Cette forme d’habitat privilégie la convivialité, le partage et l’entraide. Elle offre une réponse adaptée aux nouveaux modes de vie et de travail. Le coliving permet également d’accéder à des logements de qualité dans des zones souvent inaccessibles en solo.

C.F. : D’après vous, comment le coliving permet-il de réhabiliter les passoires thermiques ?

O.P. : Le coliving rassemble plusieurs locataires dans un même logement. Il constitue ainsi une solution pour réhabiliter les passoires thermiques. La mise en coliving permet de mutualiser les coûts de rénovation énergétique entre plusieurs locataires, ce qui rend les travaux plus accessibles pour le propriétaire. En outre, une passoire thermique rénovée et transformée en logement coliving peut devenir un investissement rentable.

Avec plusieurs locataires, les loyers perçus sont souvent supérieurs à ceux d’une location classique. Par ailleurs, la demande pour le coliving étant en croissance, notamment dans les grandes villes, la rénovation d’une passoire thermique en logement coliving peut répondre à une réelle demande du marché — tout en contribuant à l’effort de transition énergétique.

C.F. : Chez FriendlyHome, quels programmes de rénovation proposez-vous aux investisseurs ?

O.P. : Nous proposons aux propriétaires de réaliser des rénovations éco-responsables pour transformer leurs logements. En mettant en place un système de pompe à chaleur, nous réduisons considérablement la consommation d’énergie nécessaire au chauffage et à la climatisation des logements.

Les panneaux photovoltaïques installés permettent la production d’électricité verte. Ils participent à l’indépendance énergétique de l’habitat. L’isolation des murs extérieurs et du toit limite les déperditions de chaleur, et optimise l’efficacité énergétique du logement.

Nous installons aussi des réducteurs de consommation d’eau, qui diminuent l’empreinte écologique des occupants. Nous faisons ainsi de chaque logement une illustration concrète de l’habitat du futur : écologique, économique et convivial.

C.F. : Quels types de projets (localisation, nature des actifs, profil des locataires, etc.) soutenez-vous ?

O.P. : Nous ciblons notre investissement immobilier sur de grandes maisons de 250 à 400 mètres carrés, souvent dotées de jardins, en périphérie des grandes villes. L’objectif ? Répondre à la forte demande de logements dans ces zones à forte tension locative.

Ces maisons, après une rénovation éco-responsable, sont destinées au coliving pour des jeunes actifs. Ces derniers recherchent de plus en plus des logements offrant un compromis entre espace privé confortable, espaces communs conviviaux et proximité des zones d’activité.

Ces logements ne sont pas seulement sélectionnés pour leur taille et leur localisation. Ils doivent également répondre à un critère de mobilité. Nous veillons à ce qu’ils soient situés à moins de 15 minutes à pied d’un transport en commun ferré, ce qui facilite les déplacements quotidiens des locataires. Cette stratégie d’investissement combine rentabilité, durabilité et qualité de vie, afin d’offrir un habitat adapté aux modes de vie actuels.

C.F. : Quels sont vos objectifs de développement en 2023 ?

O.P. : Pour concrétiser notre vision du coliving éco-responsable, nous cherchons activement à nouer des partenariats avec des propriétaires de biens immobiliers. Nous signons avec eux des baux commerciaux de long terme, qui leur garantissent visibilité sur leur rentabilité et tranquillité de gestion.

De plus, nous sommes ouverts aux investisseurs désireux de soutenir notre expansion. C’est une occasion unique d’investir dans un projet à la fois rentable, écologique et socialement bénéfique, aligné sur les exigences du marché immobilier d’aujourd’hui et de demain.

Enfin, nous recherchons des talents dans divers domaines pour rejoindre notre équipe. Les profils d’architectes, de gestionnaires locatifs et de développeurs commerciaux nous intéressent particulièrement.

C.F. : Pour conclure, quelles sont vos perspectives à plus long terme ?

O.P. : Animés par l’ambition de devenir un acteur majeur du coliving en Europe, nous visons un objectif de 1 000 locataires d’ici 5 ans. Ce marché en plein essor s’aligne parfaitement avec les nouvelles attentes des jeunes actifs en matière de logement : convivialité, flexibilité, eco-responsabilité.

En 2024, nous envisageons une levée de fonds significative. Ce sera une étape déterminante pour accélérer notre expansion, en France et à l’international. L’ambition de cette opération est triple : diversifier notre parc immobilier, renforcer notre équipe et développer de nouvelles solutions technologiques pour améliorer l’expérience de nos locataires.

Nous sommes convaincus que le coliving a un rôle majeur à jouer dans le paysage immobilier du futur, et nous avons hâte de contribuer activement à cette révolution.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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