Russie : la seconde guerre froide

Asset Management - Depuis le début de la guerre en Ukraine, les sanctions internationales asphyxient l'économie russe. Quel impact économique dans la zone euro ? Les explications de César Perez Ruiz, Responsable des investissements et CIO chez Pictet Wealth Management.

Alors que nous sommes entrés dans la deuxième semaine des combats en Ukraine, les sanctions imposées à la Russie par les gouvernements du monde entier sont sans précédent et étouffent déjà l’économie du pays. Pour la première fois dans l’histoire du G20, une banque centrale n’est pas en mesure d’accéder à ses réserves en devises étrangères. A moyen terme, cela pourrait d’ailleurs remettre en question le rôle du dollar en tant que monnaie de réserve pour de nombreux pays.

La Russie, un marché autonome

Certains secteurs en dehors du périmètre actuel des sanctions ont également été pénalisés, et un certain nombre de traders en pétrole évitent désormais d’acheter du pétrole russe, de peur que de futures sanctions les empêchent de le vendre. En parallèle, de nombreuses entreprises internationales ont annoncé leur sortie du marché russe, notamment Visa et Mastercard pendant le weekend.

Ces « contraintes auto-imposées » réduisent fortement les sources de revenus de la Russie à un moment où son système financier est confronté à un manque de liquidités. Les fournisseurs d’indices de marché ont également exclu la Russie de leurs indices, MSCI faisant passer la Russie du statut de « marché émergent » à celui de « marché autonome » cette semaine. Dans le secteur obligataire, la notation de la dette russe en devises étrangères à long terme a été rétrogradée par S&P de BB+ à CCC-.

Vladimir Poutine a quant à lui annoncé que la dette d’Etat et la dette des entreprises russes seraient honorées, mais payées en roubles. Face à la fermeture des marchés financiers russes tout au long de la semaine dernière, les investisseurs ont vendu leurs actions russes cotées à Londres, engendrant des baisses de prix allant jusqu’à 99 %.

L’impact économique en Europe

Les actions européennes ont été durement touchées, en grande partie en raison de la dépendance de l’Europe à l’énergie russe, ce qui rend les entreprises européennes particulièrement vulnérables à la hausse des prix de l’énergie. Nous préférons les actions de la Suisse à celles de la zone euro et avons acheté des protections des portefeuilles via des puts EUR/NOK dans le cas où la situation se détériorerait.

Les dirigeants européens cherchent maintenant activement des solutions de substitution pour remédier à leur dépendance à l’égard du gaz russe. Les options étudiées impliqueraient de prolonger la vie des centrales nucléaires, de ralentir la réduction progressive de l’utilisation du charbon ou de construire des infrastructures dans les ports afin de recevoir du gaz naturel liquéfié en provenance du Qatar et des Etats-Unis.

Ce processus, malgré sa lenteur, soutient l’un de nos thèmes d’investissement pour 2022 qui prédisait un sursaut des dépenses d’investissement. Dans le contexte des discussions entre les Etats-Unis et l’Europe sur un embargo pétrolier russe, les cours de l’or noir ont atteint leur plus haut niveau depuis 2008 la semaine dernière. Sur les marchés des changes, le sentiment était à l’aversion au risque, l’euro approchant de la parité avec le franc suisse et l’or gagnant près de 50 dollars pendant la semaine.

Conséquences aux Etats-Unis

L’économie américaine est relativement épargnée par la guerre et le rapport sur l’emploi pour février était assez positif. Malgré un faible taux de chômage, la hausse des salaires américains est restée modérée le mois passé. Elle demeure néanmoins en progression de 5,1 % sur l’ensemble de l’année et mérite donc d’être suivie de près. Le président de la Fed, Jerome Powell, a maintenu son discours ferme en matière de lutte contre l’inflation.

En Chine, l’Assemblée nationale populaire s’est ouverte pendant le weekend. Elle a pour l’instant annoncé un objectif de croissance du PIB chinois de 5,5 % pour 2022 et prévoit des plans de dépenses budgétaires supplémentaires. L’Assemblée a de nouveau pointé du doigt la spéculation sur le marché immobilier, tout en soulignant l’importance de politiques immobilières adaptées aux situations locales..

César Pérez Ruiz - Pictet Wealth Management

Directeur des investissements & CIO

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