Marchés financiers : le cygne de silicone

Asset Management - En l’espace de quelques jours, les banques américaines Signature Bank, Silvergate Bank et Silicon Valley Bank ont fait faillite. Si les deux premières sont intimement liées à l’univers des cryptos actifs, c’est surtout sur la dernière (car plus « traditionnelle ») que l’attention s’est portée. Les explications de Florent Wabont, économiste et Olivier Guillou, directeur de la gestion chez Ecofi.

Le 10 mars dernier la Silicon Valley Bank (SVB) — 16e plus grosse banque américaine et surnommée la banque des startups — a donc fait faillite. À fin 2022, les actifs de cette dernière s’élevait à 209 milliards de dollars, pour 175 milliards de dollars de dépôts. Elle était par ailleurs favorisée par les investisseurs en raison notamment de sa bonne notation ESG — en particulier son faible impact environnemental.

La chute précipitée de cet établissement concentre tout à la fois une mauvaise diversification du risque client, une mauvaise gestion des risques, ainsi qu’une défiance au sein même de l’écosystème dont elle a précisément accompagné l’essor lors des dernières décennies. Cet événement induit de facto un stress sur le système financier.

Quelles en sont les implications pour l’économie…

La SVB était le principal établissement bancaire de l’écosystème des startups du secteur de la technologie aux États-Unis. Elle accueillait principalement les liquidités de ces entreprises, nécessaires à leur fonctionnement ainsi que des lignes de crédit pour financer leur croissance. À cet égard, le risque client de la SVB n’était donc que peu diversifié, car majoritairement concentré sur un seul secteur d’activité.

Les montants déposés ont considérablement augmenté en 2020 et 2021, avant que le vent ne tourne pour les valeurs technologiques, dans le sillage des hausses de taux de la Fed qui ont comprimé les valorisations, la rentabilité des projets, et obligé ces entreprises à « brûler du cash » comme jamais.

…les banques centrales et les marchés financiers ?

En milieu de semaine dernière des retraits de liquidités de plus en plus importants, ont poussé la SVB à liquider une partie de son portefeuille obligataire de dettes souveraines américaines. Cette opération s’est soldée par de lourdes pertes, en raison de l’ancienneté du stock de titres vendus pour lequel une grande partie de la valeur a fondu du fait de la hausse des taux.

La diffusion de ces informations dans des canaux privés, publics, puis la prise de parole de Peter Thiel (éminent investisseur du secteur) a engendré un effet de panique, qui s’est traduit par un retrait massif des clients puis par la faillite de l’établissement et sa prise de contrôle de la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation). D’un point de vue théorique, la chute de la SVB est un cas d’école de « bank run ».

Mentionnons également les deux faits saillants suivants : premièrement, le risque de taux sur les avoirs en dettes souveraines n’était pas convenablement couvert, et deuxièmement la banque SVB (et d’autres de cette taille) sont soumises à des règlementations moins drastiques en comparaison d’établissements de plus grosse taille.

Craignant une crise de confiance et un risque systémique, les autorités américaines ont immédiatement réagi en « sauvant » les clients de la banque par le biais d’une garantie de tous les déposants, y compris au-delà des montants non couverts par la règle habituelle (au-delà de 250 000 dollars). La Fed a également ouvert des mécanismes de fourniture de liquidités, afin d’assurer le bon fonctionnement des flux bancaires. Des discussions sont également en cours pour renforcer la réglementation.

Florent Wabont et Olivier Guillou - Ecofi

Voir tous les articles de Florent Wabont