Expert-comptable : pourquoi un tel désamour pour ce métier ?

Patrimoine - Le métier d’expert-comptable n'attire plus assez de candidats, au point d'être considéré en tension en 2023. Comment corriger cette tendance ? Quelles perspectives d'évolution pour cette profession ? Grégoire Leclercq, Directeur général délégué du Groupe EBP, partage son analyse.

Qui l’aurait cru ? Pôle Emploi l’a classé parmi les dix secteurs en tension en France, faute de candidats en nombre suffisant ! Le métier d’expert-comptable n’attire plus assez la jeune génération, en dépit de la richesse des missions qu’il procure. Une situation désarmante lorsque l’on sait que ce tiers de confiance est indispensable aux chefs d’entreprises.

La profession va-t-elle disparaître ? C’est en tout cas le refrain lancinant qui est entendu depuis que les tâches à faible valeur ajoutée ont été automatisées et digitalisées, de sorte à permettre aux experts de se concentrer sur leurs missions principales : l’analyse, le conseil, l’aide à la décision.

Ce progrès technique a remodelé les exigences des cabinets et les prérogatives du marché de l’emploi, plus adeptes de profils au carrefour de la finance, du contrôle de gestion, de la fiscalité et du juridique. Mais alors d’où viennent les tensions ?

Un problème d’image ?

L’orientation scolaire n’est pas l’unique cause du désamour pour ce métier du chiffre. Le problème est plus vaste. S’il est vrai qu’être expert-comptable demande aujourd’hui à la fois un cursus universitaire poussé, une polyvalence et un spectre de compétences plus large qu’auparavant, c’est surtout l’image du métier qui n’a pas été revalorisée.

Elle donne souvent à voir une coopération entre le cabinet et son client uniquement basée sur des actes de gestion rébarbatifs, et garantissant la paix fiscale et sociale entre les parties et avec l’Etat. En entreprise, les départements comptables et financiers ont d’ailleurs la même difficulté à recruter, selon le Baromètre Yooz, The State of Automation in Finance (octobre 2022).

De plus, la paie et le social ont été confiés à des prestataires externes, et les éditeurs de logiciels ont équipé les PME en solutions faisant monter en compétences les directeurs administratifs et financiers, devenus de véritables prévisionnistes.

Renforcer l’analyse et le conseil

Plus généralement, le métier d’expert-comptable a longtemps souffert des effets de la sédentarité des missions. La pandémie a ouvert la voie au télétravail, offrant plus de flexibilité entre vie professionnelle et vie personnelle mais aussi un équilibre entre lieu de travail et domicile. Or, les experts-comptables sortaient peu de leurs cabinets…

Toutes ces mutations les encouragent désormais à se forger une bonne culture business en se rendant dans l’entreprise. Les clients attendent qu’ils analysent les process, les problématiques avec un objectif précis : améliorer la rentabilité de tout centre de profits. Cela implique d’avoir une vision à 360 degrés de la vie de l’entreprise pour optimiser les recommandations et piloter en amont plutôt qu’en aval.

Devenir conseiller en gestion et en IT ?

Comme la profession, le client doit être à son tour digitalisé. L’expert-comptable sera d’autant plus vu comme un conseiller ou un consultant s’il arrive à optimiser le rendement de l’entreprise par la dématérialisation de la comptabilité. Dans une récente campagne de publicité à la télévision, signée « L’expert-comptable, un conseil qui compte », l’Ordre des experts-comptables a dépoussiéré le métier. Il a mis en lumière le rôle du professionnel en matière d’accompagnement à la digitalisation des entreprises.

Car, aussi surprenant que cela puisse paraître, toutes les enquêtes françaises s’accordent à reconnaître qu’une TPE/PME sur deux n’a pas encore fait aboutir la digitalisation de sa comptabilité. Ceci même alors que la facture électronique sera, à terme, rendue obligatoire par l’Etat. Cela laisse une marge d’intervention pour les cabinets qui peuvent définir une stratégie numérique pour leurs clients, en les dotant des bons outils pour réussir leur transformation.

Par ailleurs, compte tenu des flux d’informations sensibles qui circulent entre les experts-comptables et les clients, les cabinets ont un rôle à jouer en matière de prévention des risques cyber pour protéger les systèmes de gestion. 81 % des entreprises françaises ont déjà été attaquées ou victimes de mauvaises manipulations de leurs collaborateurs (35 % des cas), sachant que le coût moyen d’une violation est estimé à 800 000 euros.

Ce qu’il faut retenir sur le métier

En conclusion, le métier d’expert-comptable éprouve les mutations d’un modèle digitalisé où les chefs d’entreprises attendent d’eux un conseil plus éprouvé sur le bas et le haut de bilan, et plus généralement des solutions pour pouvoir se concentrer sur le cœur de leur mission. Enfin, alors qu’il était peu enclin à agir dans ce domaine, l’expert-comptable est aussi attendu sur ses qualités de communicant, qui appuieront la valeur de ses compétences techniques et de pourvoyeur de solutions durables.

Grégoire Leclercq - Groupe EBP

Directeur général délégué

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