Marchés financiers : 1962-2022, années miroirs ?

Asset Management - Depuis 2637 avant notre ère, le cycle du calendrier chinois dure 60 ans. Chaque année est qualifiée du nom d’un des douze animaux symboliques et un des cinq éléments. Le 1er Févier 2022 maquera la date du nouvel an lunaire en Chine : celui du « Tigre d’eau ». Si l’histoire peut être un guide, l’année 1962, dernière année du « Tigre d’eau », doit nous préparer à une année 2022 riche en changements de cap. Les explications de Wilfrid Galand, Directeur Stratégiste chez Montpensier Finance.

Après le fracas de la pandémie en 2020, l’espoir d’une sortie accélérée de la crise en 2021, l’année 2022 s’ouvre avec à la fois avec les incertitudes géopolitiques — Taiwan, Ukraine, Moyen Orient — et économiques — croissance, pandémie, inflation — mais aussi avec l’espoir de voir s’ouvrir prochainement une période de normalisation. Au le plan politique, 1962 s’est caractérisée par de fortes tensions dans plusieurs dossiers sur tous les continents, mais a préparé une nouvelle période, souvent plus constructive.

Crise des missiles à Cuba

Le point le plus mémorable reste la crise des missiles à Cuba. En octobre 1962, face aux Etats-Unis, ce n’est pas la Chine mais l’URSS qui met en place le « piège de Thucydide ». La révolution castriste de 1959 donne l’opportunité à l’Union Soviétique de menacer directement les côtes américaines en installant des batteries de missiles dans l’île.

La réaction très ferme de Kennedy face à Khrouchtchev finit par faire reculer celui-ci. Après avoir conduit le monde au bord de la guerre nucléaire — on apprit plus tard qu’un des sous-marins soviétiques sur la ligne de blocus de l’île avait chargé un missile nucléaire dans son lance-torpille n°1 — cet épisode conduisit à la mise en place d’un « téléphone rouge » entre les deux puissances pour maintenir une communication optimale en cas de nécessité, et ouvrit la voie à la détente à partir de 1963.

Europe et Asie, tensions politiques

En Europe, pas de Brexit évidemment ni de tensions directes avec la Russie mais le climat n’est pas apaisé pour autant : en août 1962, De Gaulle échappe de peu à un attentat au Petit Clamart et l’OAS multiplie les attaques en Algérie pour protester contre les accords d’Evian de mars. Pourtant c’est le voyage du président français en Allemagne du 2 au 9 septembre 1962, où il prononça cinq discours en allemand appris par cœur — qui prépara le traité de l’Elysée en 1963 et scella l’amitié franco-allemande. Sans compter l’entrée en vigueur de la politique agricole commune le 30 juillet 1962 qui donna un nouvel élan à l’Europe économique.

En Asie, le pic de tension est atteint du 20 octobre au 20 novembre avec la guerre sino-indienne dans l’Himalaya. Même si les escarmouches n’ont jamais réellement cessé depuis soixante ans, la fin de ce premier conflit marque aussi la prise de conscience par la Chine des conséquences néfastes d’un isolement international croissant, l’Union Soviétique et les Etats-Unis ayant soutenu l’Inde. Le souvenir, certes lointain, de cet épisode était encore présent lors de l’ouverture du dialogue avec les Etats-Unis en juillet 1971 lors du voyage secret de Kissinger à Pékin.

Etats-Unis, autorité sur les marchés

Économiquement, l’année 1962 marque également le retour assumé de l’interventionnisme de l’Etat américain dans les marchés… mais ouvre aussi la voie à la remise en cause du niveau des prélèvements obligatoires pour la première fois depuis 1928. En 1958, Fairchild invente le semi-conducteur. A partir de 1961, la « tronics mania » bat son plein dans le pays avec l’engouement des investisseurs autour des entreprises de l’électronique, faisant monter le Dow Jones de 27 % en 1961 et poussant la capitalisation de Texas Instruments à 115 fois ses bénéfices. Les articles se multiplient sur « la folie des marchés ».

En mai, Kennedy tape alors du poing sur la table en s’attaquant… aux aciéristes, coupables de trop monter leurs prix — l’inflation n’est pourtant que de 1,2 % sur l’année — déclenchant de ce fait une forte correction durant l’été. Kennedy décida alors à l’automne de changer d’approche et de miser sur une baisse massive d’impôts pour relancer l’activité. Pour la Réserve Fédérale, 1962 est également un point pivot dans sa politique monétaire. Soucieuse jusqu’ici de maintenir l’inflation sous contrôle, elle cède à partir de novembre aux désirs de l’administration Kennedy en adoptant une politique plus expansionniste, qu’elle maintiendra jusqu’en 1964, accompagnant l’expansion économique et permettant un financement aisé des besoins croissants du Trésor au début de l’engagement militaire américain au Vietnam.

Défis à relever et opportunités

A soixante ans de distance, ces années de « Tigre d’eau », faites d’épreuves, de revirements mais aussi d’espoirs et de nouvelles promesses, supposent une adaptation constante des investisseurs car, au-delà des possibles soubresauts, les opportunités seront là. N’oublions pas qu’après le krach de mai 1962, les marchés, portés par les promesses de baisses d’impôts et le revirement de la Fed, ont progressé de plus de 30 % entre octobre 1962 et décembre 1963.

Achevé de rédiger le 10 janvier 2022

Wilfrid Galand - Montpensier Finance

Directeur Stratégiste

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