Banques centrales : droites dans leurs bottes

Asset Management - Les banques centrales poursuivent leur politiques monétaires de hausses des taux — malgré les tensions qui traversent le secteur bancaire. Comment expliquer cette stratégie groupée de politique monétaire ? Les explications de Clément Inbona, Fund Manager chez La Financière de l'Echiquier (LFDE).

Tir groupé de la part des banques centrales cette dernière quinzaine. Le 16 mars, la Banque centrale européenne (BCE) a ouvert le bal en annonçant une hausse de +0,50 % de ses taux directeurs. Elle fut suivie par la Réserve fédérale américaine (Fed) le 22 mars avec une hausse de +0,25 %, puis par la Banque d’Angleterre (BoE) avec +0,25 % également et enfin par la Banque nationale de Suisse (BNS) avec +0,50 %.

Les points communs de toutes ces annonces ? Elles ont été en ligne avec la trajectoire de taux murmurée depuis quelques semaines, indépendamment des tensions qui agitent le secteur bancaire. Elles étaient également en phase avec les attentes du consensus des économistes, même si celles-ci étaient plus fragmentées que de coutume.

Garder le rythme des hausses de taux

Avec ces annonces, chaque banque centrale a pris le parti de demeurer droite dans ses bottes, quitte à accorder quelques concessions ciblées avec des liquidités additionnelles au secteur bancaire, mis à mal par un mouvement de défiance. Elles ont ainsi choisi de ne pas modérer le rythme de hausse, ce qui aurait pu laisser entendre que des risques plus graves que ce que les marchés ont en tête étaient perceptibles. Au contraire, si elles étaient allées plus loin dans l’amplitude des hausses, elles auraient couru le risque de paraître totalement sourdes au tumulte que traverse le secteur bancaire.

Il faut reconnaître que la discipline monétaire relève plus de l’art que de la science. Puisqu’il faut souvent ménager la chèvre et le chou en mâtinant le tout d’éléments de langage de nature à rassurer les parties prenantes. Les déclarations de Christine Lagarde illustrent bien ce grand écart, elle a ainsi aussi bien pu déclarer que « notre objectif de ramener l’inflation à 2 % à moyen terme n’est pas négociable » que « nous surveillons de près les tensions actuelles sur les marchés et restons prêts à réagir si nécessaire ». Une sorte de « en même temps ».

Prendre le contexte macro à bras-le-corps

Ce grand écart s’explique aussi bien par le fait que les conditions de crédit, et donc de financement, vont clairement se durcir par le canal bancaire dans les prochains mois. Mais il est prématuré d’en mesurer l’ampleur. En étant fragilisées par les évènements récents, les banques vont prêter dans des conditions plus dures, ce qui revient de facto à une hausse des taux directeurs « invisible ».

En mars 2021, Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE s’inspirait des Daft Punk et de leur tube « Harder, better, faster, stronger » pour justifier le train de mesures accommodantes afin de relancer la croissance et l’inflation en zone euro. Deux ans plus tard, c’est Christine Lagarde qui pioche à son tour dans le répertoire du célèbre duo casqué avec le tube « Too long ». Mais cette fois-ci le contexte est tout autre, la vague inflationniste déferle sur la zone et justifie une posture plus que jamais restrictive. En introduction de sa dernière hausse de taux elle déclarait ainsi « Inflation is projected to remain too high for too long ».

Toujours le spectre de la récession

Historiquement, les investisseurs ont coutume de considérer que les phases de resserrement monétaire sont « too late, too far, too long ». Autrement dit, les banques centrales agissent trop tard, pour ensuite aller trop loin et pendant trop longtemps. Espérons que cette fois ce sera différent, sans quoi une récession paraît inévitable à l’horizon de quelques trimestres… A moins que les banquiers centraux ne « Get lucky ».

Achevé de rédiger le 24 mars 2023 

Clément Inbona - LFDE

Gérant analyste

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