Crédit Suisse : l’Europe a-t-elle repris le contrôle du manège ?

Actualités - Cette semaine, les marchés financiers vivent au rythme du rachat de Crédit Suisse par sa rivale — la banque de gestion de fortune suisse, UBS. Quelle stratégie les banques centrales déploient-elles dans ce contexte exceptionnel ? Quelles conséquences pour le secteur bancaire en Europe ? Le point avec Le Courrier Financier.

Crédit Suisse : l'Europe a-t-elle repris le contrôle du manège ?

Conception Mathilde Hodouin – Réalisation Amandine Victor

Depuis la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB), la crise bancaire secoue le Vieux Continent. Le 15 mars, le Crédit Suisse s’effondrait en bourse. Dès le lendemain, la Banque nationale suisse (BNS) lui prêtait en urgence 50 milliards de francs suisse. Si les fragilités de la deuxième banque helvétique étaient déjà connues, pour l’Europe le coup n’est pas passé loin. Le jeudi 16 mars, la Banque centrale européenne (BCE) a pourtant choisi de maintenir sa politique de hausse des taux. « La BCE a pris la bonne décision, une décision courageuse », commente Etienne de Marsac, gérant chez Sunny AM, contacté par Le Courrier Financier.

Les banques centrales à la manœuvre

Les banquiers centraux veulent reprendre le contrôle du manège. « La BCE combat l’inflation, quoi qu’il en coûte. Ne pas le faire représenterait un risque plus important que le risque de fragilité du secteur bancaire induit par la hausse des taux d’intérêt. Nous ne sommes pas dans une dynamique déflationiste, mais plutôt de dé-inflation », ajoute Etienne de Marsac. Pendant que la BCE s’engage à soutenir les banques de la zone euro en leur accordant des prêts si nécessaire, les autorités suisses autorisent UBS à racheter Crédit Suisse. L’opération coûtera trois milliards de francs suisses (3,04 milliards d’euros), rapporte Reuters ce lundi 20 mars.

Cette fusion entre les deux banques devrait être finalisée d’ici la fin de l’année. Objectif, limiter les turbulences sur les marchés. Preuve d’une stratégie concertée à l’échelle mondiale, la BCE s’est félicité du sauvetage de Credit Suisse, jugé « déterminant » pour rétablir le calme. La Banque d’Angleterre (BoE) a renchéri dans la même veine, en précisant que le système bancaire britannique était à l’abri. De l’autre côté de l’Atlantique, les autorités américaines ont également salué le sauvetage de Crédit Suisse — Jerome Powell, président de la Réserve fédérale américaine (Fed), et Janet Yellen, secrétaire américaine au Trésor.

Renaissance douloureuse pour Crédit Suisse

Dans ce cadre, UBS va assumer jusqu’à 5,4 milliards de dollars (5,05 milliards d’euros) de pertes. L’opération ne sera pas indolore pour Crédit Suisse, dont la banque d’investissement va disparaître. « Le potentiel de rationalisation des deux banques est de l’ordre de 9 500 à 12 000 emplois », estime le groupe de réflexion BAK Economics, dans un communiqué publié ce lundi 20 mars. UBS anticipe sept milliards de dollars d’économies annuelles d’ici 2027. D’après la BNS, l’accord de rachat comprend 100 milliards de francs suisses (101,2 milliards d’euros) d’aides destinées aux liquidités des deux groupes.

L’opération de rachat se réalisera entièrement en actions. Les actionnaires du Credit Suisse recevront une action UBS pour 22,48 actions Credit Suisse détenues, ce qui équivaut à 0,76 franc suisse par action. UBS va donc débourser au total trois milliards de francs suisses. Par ailleurs, Credit Suisse a ramené à zéro la valeur de son portefeuille d’obligations Additional Tier 1, à la grande colère de certains créanciers obligataires. Ces obligations plus risquées ont une valeur nominale de 17 milliards de dollars. Le premier actionnaire de Crédit Suisse, la banque nationale saoudienne, exclut actuellement tout nouveau financement.

Sortir le secteur bancaire de la crise

« Avec le rachat de Credit Suisse par UBS, une solution a été trouvée pour assurer la stabilité financière et protéger l’économie suisse dans cette situation exceptionnelle », déclarent les autorités suisse. De quoi restaurer la confiance dans le secteur bancaire ? « Si les marchés ne flairent pas d’autres problèmes persistants, cela devrait être plutôt positif. Les gouvernements ont l’intention d’étouffer l’étincelle de la contagion avant que les flammes ne deviennent incontrôlables », réagit Brian Jacobsen, chef stratège chez Allspring Global Investments. Le mariage entre Crédit Suisse et UBS pourrait relancer la consolidation bancaire en Europe.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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