Edouard Narboux — Aether Financial services : OCABSA, « cette typologie de financement continuera à évoluer »

Asset Management - Le 14 février dernier, l'Autorité des marchés financiers (AMF) demandait aux sociétés cotées de mieux informer leurs investisseurs sur « les risques encourus à l'occasion d'opérations de financement dilutives ». Pourquoi cette mise au point sur les OCABSA ? De quoi s'agit-il ? Edouard Narboux, PDG d’Aether Financial services, répond en exclusivité au Courrier Financier.

Comment les PME-ETI cotées peuvent-elles se financer quand elles n’ont plus accès au crédit ? Certains fonds d’investissement leur proposent des Obligations convertibles en actions avec bons de souscription en actions (OCABSA) — en anglais des « equity lines ». En échange d’argent frais, l’émission de ces titres entraîne une forte dilution. Ces opération se réalisent aux dépens des actionnaires minoritaires, au grand dam de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Depuis les accords de Bâle III en 2010, les banques se sont retirées de l’équation. Désormais, le créneau est occupé par des fonds offshores comme Negma ou Alpha Blue Ocean (ABO).

Des opérations en zone grise

Les OCABSA sont désormais dans le viseur de l’AMF. Le 14 février dernier, le gendarme de la bourse a publié une note d’information et de mise en garde. Dans son communiqué, l’AMF invite « les sociétés cotées à une meilleure information des investisseurs sur les risques encourus à l’occasion d’opérations de financement dilutives ». Selon le régulateur, 500 investisseurs l’ont contacté entre 2021 et 2022 pour se plaindre d’une « forte baisse du cours de bourse » après une OCABSA. Dans une étude menée auprès de 69 sociétés qui ont eu recours à ce type d’opération boursière, l’AMF constate une chute moyenne de -72 % de leur cours de bourse « depuis la mise en place d’une première opération de financement ».

L’AMF a donc décidé de « renforcer sa doctrine ». L’autorité recommande aux sociétés cotées en France de mieux informer leurs investisseurs sur les « spécificités des titres émis » et les différents risques associés (variation du cours de l’action, perte du capital investi et forte dilution) en cas d’« opération de financement dilutive » comme une OCABSA. A cette fin, l’AMF publie un encart-type sur son site. Dans quelles conditions les entreprises ont-elles recours à une OCABSA ? Les investisseurs doivent-ils s’attendre à une évolution règlementaire ? Edouard Narboux, PDG d’Aether Financial services (spécialiste français des transactions financières), répond en exclusivité au Courrier Financier.

Le Courrier Financier : Qu’est-ce qu’une OCABSA ? Sous quelles conditions est-il possible d’avoir recours à cette opération ?

Edouard Narboux — Aether Financial services : OCABSA, « cette typologie de financement continuera à évoluer »
Edouard Narboux

Edouard Narboux : Une OCABSA est une obligation convertible en action à laquelle des bons de souscription d’actions sont attachés. L’OCABSA permet à des émetteurs qui n’arrivent plus à se financer en dette ou en actions (en anglais equity) — que ce soit auprès de leurs actionnaires ou d’investisseurs institutionnels — de trouver un financement.

Les OCABSA sont très largement utilisées par des sociétés de petite taille, au profil technologique, qui peuvent apporter une plus-value disruptive dans leurs secteurs respectifs [NDLR dans les secteurs de la medtech ou de la biotech, par exemple]. Pour bénéficier de ce type de financement, la société doit être cotée — sur un marché régulé ou réglementé — et il faut qu’elle soit liquide.

C.F. : Chez Aether Financial Services, comment accompagnez-vous les investisseurs face à une OCABSA ?

E.N. : Aether Financial Services agit en tant qu’agent de calcul pour les émissions d’OCABSA en se positionnant entre l’émetteur et l’investisseur. Aether Financial Services externalise ainsi le risque d’exécution d’un tel contrat, reconnu pour être parmi les plus complexes — compte tenu du nombre de conditions ou d’exceptions pouvant co-exister dans un même contrat — et beaucoup plus structuré qu’une simple émission d’OCEANE par exemple.

[NDLR une OCEANE est une « obligation convertible échangeable en actions nouvelles ou existantes ». Il s’agit de titres à caractère obligataire émis par une société qui donnent le droit à leur détenteur de les convertir à tout moment, ou sur une période donnée.]

Aether Financial Services, en tant que tiers indépendant, garantit ainsi l’exécution du contrat, la véracité des calculs et le suivi des registres d’émission et de conversion pour le bénéfice de l’investisseur, de l’émetteur et de ses actionnaires.

C.F. : Qui sont les fonds d’investissement spécialisés dans l’ingénierie de ce type de financement ?

E.N. : Les fonds d’investissement qui interviennent dans ce type de financement ont des profils variés — notamment family offices ou hedge funds. Ils ont des caractéristiques communes : une stratégie basée sur le trading, une faible aversion au risque par rapport aux investisseurs plus classiques, et une capacité à intervenir au niveau paneuropéen — et pour les grands d’entre eux, au niveau international. Chaque fonds est contraint par ses propres critères d’investissement. Tous ont besoin d’un sous-jacent liquide afin de pouvoir sortir de leur position à court terme.

C.F. : Le 14 février dernier, l’AMF a mis à jour ses recommandations dans le cas d’une opération de ce genre. Qu’est-ce qui change sur le plan règlementaire ?

E.N. : La récente recommandation de l’AMF incite les émetteurs, dans le cadre de leur communication réglementée, à mettre plus en avant les risques de dilution et de baisse de valeur de l’action qui pouvent résulter d’un financement sous forme d’OCABSA.

C.F. : A long terme, faut-il s’attendre à une évolution de l’encadrement des OCABSA ?

E.N. : Ce type de financement alternatif a commencé au début des années 2000 avec les PACEO [NDLR programme d’augmentation de capital par exercice d’options] — une interprétation française des « equity line » réalisées aux Etats-Unis. Les OCABSA représentent une évolution de ce type de financement afin de répondre aux émetteurs dont le profil et les besoins ont évolué dans le temps. Cette typologie de financement continuera à évoluer aux gré de l’encadrement règlementaire, de l’ingénierie financière des fonds d’investissement et de leurs conseils — mais également et surtout des besoins des émetteurs.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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