BCE : taux directeurs inchangés — 3 questions à… Konstantin Veit, gérant de portefeuille chez PIMCO

Asset Management - Ce jeudi 26 octobre, la Banque centrale européenne (BCE) marque une pause dans sa politique de hausse des taux. Quelles perspectives économiques pour la zone euro en 2024 ? Konstantin Veit, gérant de portefeuille chez PIMCO, répond en exclusivité au Courrier Financier.

Dix hausses de taux, et pas une de plus. Ce jeudi 26 octobre, la Banque centrale européenne (BCE) marque une pause dans sa politique de hausse des taux. Pour la première fois depuis juin 2022, les taux d’intérêt demeurent inchangés. Le taux de dépôt — qui fait référence — reste ainsi fixé à 4 % soit son plus haut niveau depuis la création de l’euro en 1999. S’agit-il des prémices d’un resserrement monétaire qui toucherait à sa fin ? Quelles perspectives économiques se dessinent pour la zone euro à horizon 2024 ? Konstantin Veit, gérant de portefeuille chez PIMCO, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

Le Courrier Financier : Ce jeudi 26 octobre, la BCE fait une pause dans sa politique de durcissement monétaire. Que pouvons-nous dire du sentiment de marché suite à cette annonce ?

BCE : taux directeurs inchangés — 3 questions à... Konstantin Veit, gérant de portefeuille chez PIMCO
Konstantin Veit

Konstantin Veit : La BCE estime qu’un taux de facilité de dépôt compris entre 3,75 % et 4 % devrait être compatible avec un retour de l’inflation à l’objectif à moyen terme, à condition qu’il soit maintenu suffisamment longtemps. Immédiatement après la réunion de la BCE, les marchés ne prévoyaient que des hausses d’environ deux points de base en décembre, avec des baisses de taux à partir du premier semestre de l’année prochaine.

Bien que nous estimions que le taux directeur maximal fixé par les marchés financiers semble raisonnable, nous restons sceptiques quant au fait que la BCE procédera à des réductions de taux pendant la première partie de l’année — compte tenu de la dynamique persistante de l’inflation.

Nous pensons que deux baisses de taux au second semestre 2024 constituent une base de référence raisonnable. Quoi qu’il en soit, l’attention s’est déplacée du taux directeur maximal vers la durée du taux directeur maximal et le calendrier des baisses de taux l’année prochaine.

C.F. : Faut-il craindre une récession en 2024 dans la zone euro, en raison de la hausse des taux longs ? Chez PIMCO, comment évaluez-vous ce risque ? 

K.V. : La zone euro est actuellement confrontée à la possibilité d’une récession. Des taux d’intérêt à long terme plus élevés devraient aider la BCE à lutter contre l’inflation, mais il est peu probable qu’ils déclenchent une récession profonde. Malgré la stagnation économique, les marchés du travail restent bien orientés et l’inflation sous-jacente semble stable.

En conséquence, si les dernières projections trimestrielles des services de la BCE font état d’une croissance à court terme nettement plus faible que prévu au début de l’année, elles prévoient toujours une inflation supérieure à l’objectif en 2025 — à savoir 2,1 %.

La BCE a clairement indiqué qu’elle plaçait la lutte contre l’inflation au-dessus de la prévention d’une récession, de sorte que la trajectoire de l’inflation à moyen terme reste l’indicateur crucial à surveiller. Nous pensons également que la différence entre une légère récession et une croissance légèrement positive n’est pas particulièrement pertinente pour les perspectives d’inflation.

C.F. : L’arrêt des réinvestissements du PEPP n’a pas été abordé pendant cette réunion. La BCE pourrait-elle adopter le resserrement quantitatif plus tôt que prévu ?

K.V. : Il est vrai que la BCE a maintenu ses orientations en matière de bilan lors de la réunion d’octobre et qu’elle a toujours l’intention de réinvestir les échéances du PEPP au moins jusqu’à la fin de l’année 2024. Les réinvestissements flexibles du PEPP restent la première ligne de défense contre le risque de fragmentation, qui pourrait déstabiliser les marchés.

L’incertitude entourant la réforme des règles budgétaires de la zone euro, la récente liquidation des rendements à long terme et l’élargissement des spreads souverains de la zone euro ont fait pencher la balance en défaveur d’une décision majeure lors de la réunion d’octobre. Cependant, nous pensons que la BCE vise toujours à réduire les réinvestissements PEPP plus tôt que ne le suggèrent les orientations actuelles, étant donné que l’inflation reste supérieure à l’objectif et que les considérations liées à la pandémie sont moins prévalentes.

À la suite de la conférence de presse de jeudi dernier, il semble que la BCE ait l’intention de lier les réinvestissements PEPP à la révision du cadre opérationnel. Cela implique que la BCE travaille sur une première ligne de défense plus stratégique contre la fragmentation, étant donné que le nouveau cadre opérationnel est susceptible d’impliquer un portefeuille obligataire structurel pour contrôler les conditions de liquidité.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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