BCE : une pause dans sa politique de hausse des taux

Actualités - Ce jeudi 26 octobre, la Banque centrale européenne (BCE) annonce une pause dans sa politique de hausse des taux. Comment les marchés réagissent-ils ? Quelles perspectives pour la zone euro en 2024 ? Le point du Courrier Financier — avec les réponses exclusives de Guillaume Sereaud, Président et Associé d’Aliquis Conseil.

BCE : une pause dans sa politique de hausse des taux

Conception Mathilde Hodouin – Réalisation Amandine Victor

« Qui veut voyager loin ménage sa monture ». Ce jeudi 26 octobre, sans grande surprise, la Banque centrale européenne (BCE) a fait sienne cette phrase de Jean Racine. Après dix hausses de taux consécutives, l’institution fait une pause. Le taux de dépôt est maintenu à 4 %, soit son plus haut niveau depuis la création de l’euro en 1999 d’après Reuters. « Nous devons faire preuve de constance. C’est la décision d’aujourd’hui : nous maintenons notre position (…) L’inaction est parfois synonyme d’action. Une décision de maintien est significative », a déclaré Christine Lagarde, présidente de la BCE, devant la presse à Athènes (Grèce).

Zone euro, une économie fragile

Pour la BCE, cette pause est une première depuis 16 mois. Jusqu’à présent, les hausses de taux ont eu un impact important sur l’économie. La production de crédit a été notamment très affectée. Fin 2023, l’économie de la zone euro reste faible, et les pressions sur les prix demeurent fortes. Elles pourraient même s’aggraver, si le conflit au Proche-Orient entraînait une hausse des coûts de l’énergie. L’inflation dans la zone euro s’élevait encore à 4,3 % en septembre, mais devrait reculer vers 3,1 % en octobre — selon le consensus des analystes. Ce taux reste encore très supérieur à l’objectif de 2 % de la BCE.

« Dans ses conditions, difficile également de revenir sur les conditions du PEPP (programme d’achat d’actifs d’urgence mis en place pendant le covid), dont les réinvestissements sont maintenus jusqu’à fin 2024 », réagit Thomas Giudici, responsable de la gestion obligataire chez Auris Gestion. « Nous envisageons que la BCE vise une réduction plus précoce. Nous ne pensons pas que la BCE exclura catégoriquement la vente d’obligations, mais nous nous attendons à ce qu’elle continue à se concentrer sur une réduction passive, graduelle et ordonnée des réinvestissements », ajoute  Konstantin VEIT, gérant de portefeuille chez PIMCO.

Fin du resserrement monétaire ?

Cette décision devrait renforcer les attentes, selon lesquelles les grandes banques centrales ont presque fini de resserrer leur politique monétaire. « Nous pensons que le cycle de hausse des taux de la BCE est terminé et que la décision prise aujourd’hui de maintenir les taux à 4 % se prolongera jusqu’en 2024. La hausse des prix de l’énergie présente un nouveau risque de hausse de l’inflation globale, mais la croissance modérée et le ralentissement de l’inflation de base devraient barrer la route à de nouvelles hausses », commente Gurpreet Gill, Macro Strategist Global Fixed Income chez Goldman Sachs Asset Management.

Les investisseurs parient déjà sur une baisse des taux de la BCE dès juin 2024, et sur deux baisses d’ici octobre prochain. « Les marchés ont immédiatement réagi aux annonces de la BCE. Nous notons d’une part une détente des taux à 10 ans, que cela soit pour l’Allemagne, l’Italie ou encore la France ; d’autre part, le CAC 40 retend vers l’équilibre. Même si l’on peut penser que la voie privilégiée serait de maintenir ces niveaux aussi longtemps que nécessaire, le discours porté par la Présidente de la BCE ne ferme pour autant pas la porte à une nouvelle hausse des taux », commente Guillaume Sereaud, Président et Associé d’Aliquis Conseil.

3 questions à… Guillaume Sereaud, Président et Associé d’Aliquis Conseil

Le Courrier Financier : Ce jeudi 26 octobre, la BCE annonce une pause monétaire. Quel impact sur le rendement marchés obligataires ? Comment adapter sa stratégie d’investissement ?

BCE : une pause dans sa politique de hausse des taux
Guillaume Sereaud

Guillaume Sereaud : La pause monétaire a pour conséquence, à court terme tout du moins, une détente des principaux taux 10 ans du marché européen. Les stratégies d’investissement obligataire ont retrouvé de l’attractivité depuis quelques mois, après une année 2022 et un premier semestre 2023 particulièrement compliqués pour ce marché.

C.F. : Comment cette politique monétaire influence-t-elle l’accès au crédit pour les entreprises ? Quelles conséquences sur la croissance économique en Europe ?

G.S. : Après plusieurs années d’argent gratuit et facile, les politiques restrictives des derniers mois ont resserré drastiquement en volume l’accès au financement des entreprises qui, de plus, se financent à des coûts plus importants. La croissance économique anticipée pour la fin de l’année, et probablement le début 2024, devrait rester faible, et le risque de récession est loin d’être écarté. Les perspectives de reprise anticipée par la BCE sont favorables courant 2024.

C.F. : Comment l’inflation devrait-elle évoluer dans la zone euro en 2024 ? La BCE peut-elle espérer atteindre son objectif de 2 % dès l’an prochain ?

G.S. : Si l’inflation devrait continuer sa décrue tout en restant à des niveaux significatifs, l’objectif de 2 % semble plus probable courant 2025.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

Voir tous les articles de Mathilde