ETF Bitcoin spot : Blackrock remet une pièce dans la machine

Asset Management - Cette semaine, Blackrock apporte des précisions dans son dossier de demande de cotation pour son ETF Bitcoin spot. Les acteurs du secteur des crypto-actifs attendent la réponse de la SEC. Le point du Courrier Financier — avec les explications exclusives d'Enzo Hallot, CIF et PDG de Crypto-patrimoine.

Bientôt un ETF Bitcoin sur le Nasdaq ? Les investisseurs retiennent leur souffle, tandis que Blackrock jette tout son poids dans la balance. La semaine dernière, le gérant d’actifs américain avait déposé un dossier auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC) — le gendarme de la bourse américaine. Objectif, obtenir l’autorisation de lancer un ETF directement adossé au bitcoin, et non plus aux contrats futures du bitcoin. La SEC avait répondu que le dossier était incomplet. Ce lundi 3 juillet, Blackrock a annoncé que Coinbase fournirait « une surveillance de marché en soutien de l’ETF candidat », rapporte Bloomberg.

Un espoir immense sur les marchés

Si Blackrock obtenait gain de cause, ce serait une grande première. Jusqu’ici, la SEC a refusé toutes les demandes de ce genre. Mais Blackrock se montre confiant. Depuis sa création en 1988, le gérant n’a reçu qu’un seul refus de mise sur le marché pour l’un de ses ETF contre 575 autorisations. Il faut dire que Blackrock n’est ni plus ni moins que le premier gérant d’actifs au monde. L’entreprise affichait 9 090 milliards d’encours à fin mars 2023, rappelle Morningstar. Portés par l’espoir d’un potentiel succès de Blackrock, d’autres émetteurs — Fidelity, Invesco, VanEck et WisdomTree — ont aussi fait une demande de cotation.

Ce jeudi 6 juillet sur Fox Business, le PDG de Blackrock Larry Fink en a rajouté une couche. Il a parlé du bitcoin comme d’un « or numérique ». Les investisseurs semblent plus sensibles à ces mises à jour ponctuelles qu’aux questions macroéconomiques — comme les hausses de taux ou la guerre en Ukraine. « Une validation de la part du gendarme de la bourse américaine serait une avancée significative pour le marché et accroîtrait potentiellement le nombre d’institutions financières investies dans le bitcoin », commente Vincent Boy, Analyste marchés chez IG France. Le sentiment du marché reste très à l’affût de bonnes nouvelles. L’approbation ou le refus de ces ETF aura donc des répercussions notables.

3 questions à… Enzo Hallot, PDG de Crypto-patrimoine

Le Courrier Financier : Ce lundi 3 juillet, BlackRock a annoncé vouloir s’associer avec la plateforme Coinbase pour lancer un ETF Bitcoin sur le Nasdaq. Qu’est-ce qui ferait la particularité d’un tel produit financier — qui doit encore obtenir l’aval de la SEC ?

ETF Bitcoin spot : Blackrock remet une pièce dans la machine
Enzo Hallot

Enzo Hallot : Blackrock est un géant de la gestion d’actifs et de l’investissement. En janvier 2022, la firme américaine dépassait les 10 000 milliards de dollars (USD) d’actifs sous gestion. Cette entreprise gère par ailleurs une grande partie des fonds de pension américains, ce qui représente des volumes considérables. Si Blackrock obtient l’autorisation de lancer son ETF, il faut s’attendre à ce que le gérant ouvre d’autres produits financiers en crypto-actifs.

Nous en prenons clairement le chemin. Ce jeudi 6 juillet, dans une interview pour Fox Business, Larry Fink (PDG de Blackrock) a déclaré que le bitcoin, c’était « de l’or numérique ». Difficile d’être plus explicite ! Aujourd’hui, si Blackrock reversait 5 % de ses encours sur le bitcoin, cela représenterait des milliards de dollars. Vous obtenez alors un effet d’attraction certain. C’est pour cela que le secteur des crypto-actifs est en ébullition, et que les marchés sont dans le vert.

L’ETF que prépare Blackrock s’adosserait directement au bitcoin — et non plus aux contrats futures du bitcoin. Aujourd’hui, vous trouvez uniquement des ETF qui s’exposent au bitcoin de manière indirecte. Ces trackers investissent en actions cotées d’entreprises liées à l’écosystème de la blockchain et du bitcoin (infrastructures, plateformes, etc.) avec une sensibilité de l’ordre de 60 % à 70 %. L’ETF de Blackrock offrira une sensibilité à 100 %. Pour l’investisseur français, l’intérêt c’est l’enveloppe fiscale. L’ETF de Blackrock sera éligible au compte-titre.

C.F. : Depuis l’annonce de BlackRock, le bitcoin se maintient autour des 30 000 dollars. Quel état des lieux pour cette cryptomonnaie en 2023 ? Pour un particulier, est-ce le bon moment pour investir ?

E.H. : C’est dommage de s’intéresser maintenant au bitcoin, quand il son prix repart à la hausse ! En novembre 2021, le bitcoin valait 15 000 dollars — contre environ 30 000 dollars aujourd’hui. Je pense qu’il est urgent d’attendre, surtout si nous considérons le contexte macroéconomique actuel plutôt morose. La décision de la SEC peut encore tout changer. Si elle valide l’introduction de l’ETF, le rallye va continuer ; mais si elle refuse la demande de Blackrock pour la deuxième fois, nous assisterons à une dévaluation du bitcoin.

L’idéal serait d’investir entre un tiers et un quart de sa position, quitte à renforcer plus tard — ou à couper ses pertes. Cette décision dépend de votre horizon d’investissement. Si vous avez un objectif de rendement à court terme, l’attentisme reste de mise. Si vous visez le long terme, le bitcoin est encore peu cher — souvenez-vous du pic de novembre 2021, quand cette cryptomonnaie valait plus de 69 000 dollars ! Par ailleurs, dites-vous que dès que Blackrock aura ouvert la voie avec son ETF bitcoin, toutes les sociétés de gestion lui emboîteront le pas.

C.F. : Depuis le 1er juillet 2023, la France s’est dotée d’un cadre réglementaire renforcé pour les acteurs de l’univers des crypto-actifs — en attendant l’entrée en vigueur de la réglementation MiCA en 2025.  Le statut PSAN est-il toujours un critère pertinent pour choisir une plateforme sur laquelle investir en crypto-actifs ? Comment le statut PSAN va-t-il évoluer ?

E.H. : Depuis le 1er juillet 2023, le renforcement de la directive PSAN comprend différentes thématiques. Nous y trouvons, entre autres :

  • la communication promotionnelle avec un renforcement sur les méthodes de communication. Le prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) doit s’assurer que sa communication est claire et non trompeuse. En complément, il doit également inclure des avertissements à destination des clients sur les risques et la complexité des services et des produits proposés ;
  • l’honorabilité et compétences du dirigeant : l’AMF introduit un changement dans l’évaluation de l’aptitude des membres de l’organe de direction ;
  • la possibilité pour un CIF de fournir un service de conseil aux souscripteurs d’actifs numériques dans le cadre de ses « autres activités de conseil en gestion de patrimoine » ;
  • la mise en place d’un système de traitement des réclamations.

Un dernier point doit être pris en considération par les conseils en investissement financier (CIF) et ceux qui souhaiteraient se lancer dans le conseil aux souscripteurs d’actifs numériques. N’oubliez pas que cette activité doit être couverte par une assurance dédiée. Les actifs numériques ne sont pas couvert par l’assurance responsabilité civile (RC) qui est obligatoire pour les CIF. Il faut donc adapter votre modèle et votre processus lorsque vous souhaitez traiter ce type d’actif, très loin des autres actifs réglementés.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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