COP28 : Dubaï face au bilan carbone, la fin de la folie des grandeurs ?

Actualités - Du 30 novembre au 12 décembre prochains, la 28e Conférence de l’ONU pour le climat (COP28) se tiendra à Dubaï (Emirats arabes unis). Comment financer la transition énergétique ? Quelle place pour l'industrie pétrolière ? Le point avec Le Courrier Financier.

COP28 de Dubaï : bilan carbone, la fin de la folie des grandeurs ?

Conception Mathilde Hodouin – Réalisation Amandine Victor

Il faut sauver le soldat climat. Ce jeudi 30 novembre, la 28e Conférence de l’ONU pour le climat (COP28) s’est ouverte à Dubaï (Emirats arabes unis). Jusqu’au 12 décembre 2023, l’événement rassemble les parties, c’est-à-dire les signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Ce groupe compte 197 pays, auxquels s’ajoutent les membres de l’Union européenne (UE). Objectif : tirer le bilan de l’Accord de Paris, se fixer des objectifs énergétiques, accélérer la transition, lancer un fonds de pertes et dommages liés au changement climatique, et débloquer des financements.

Le pétrole, l’éléphant dans la pièce

Les combustibles fossiles sont absentes de l’Accord de Paris. Pourtant, le charbon, le pétrole et le gaz sont la cause principale du réchauffement climatique. Que la COP28 se tienne dans les Émirats arabes unis — septième pays au monde producteur de pétrole — fait donc déjà grincer des dents. Mais ce paradoxe pourrait être la clé de la réussite. « Le sommet est présidé par Ahmed al-Jaber, le PDG du groupe Abu Dhabi National Oil Company. Il dispose de toutes les relations nécessaires pour amener les principaux décideurs à la table des négociations », commente Lucian Peppelenbos, stratégiste climat et biodiversité chez Robeco.

D’après un rapport (en anglais) de l’Organisation météorologique mondiale, les températures moyennes mondiales en 2023 ont dépassé d’environ 1,4 °C les valeurs préindustrielles. Afin de limiter le réchauffement à 1,5 °C, les scientifiques et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) conseillent de réduire fortement la production et la consommation d’hydrocarbures. Ce n’est pas la stratégie des Emirats arabes unis, à en croire une note du Trésor de janvier dernier. La compagnie pétrolière nationale ADNOC devrait investir 150 milliards de dollars entre 2023 et 2027, afin d’augmenter sa production de pétrole à 5 Mb/j d’ici 2027.

De son côté, la France promeut la sortie du charbon, à travers « l’arrêt immédiat des nouveaux projets de centrales à charbon, la mise en place d’un standard d’exclusion du financement des projets de charbon pour les institutions financières privées et les assurances, qui restent un vecteur important de financement de ces projets, et le lancement de travaux en vue d’assurer la transition juste et rapide des centrales existantes », indique le Ministère de la Transition énergétique, dans son dossier de presse sur la COP28. Ce vendredi 1er décembre, Emmanuel Macron a ainsi appelé les pays du G7 à mettre fin au charbon avant 2030.

Face au dérèglement climatique

Dans cette symphonie contre le réchauffement climatique, l’industrie financière joue sa partition. Ce vendredi 1er décembre, les Emirats arabes unis ont annoncé la création d’un fonds climatique pertes et dommages. Baptisé ALTÉRRA, il réunit actuellement 30 milliards de dollars. Ce fonds de solidarité avec les pays du Sud — plus touchés par les événements climatiques extrêmes, tels que les inondations, les incendies de forêt ou la sécheresse — vise à réunir 250 milliards de dollars d’investissements d’ici la fin de la décennie. Sur le plan symbolique, ce fonds consacre l’idée d’une transition climatique juste.

Et sur le plan financier, il doit allouer 25 milliards de dollars aux stratégies climatiques et 5 milliards de dollars pour encourager les flux d’investissement vers les pays du Sud, d’après un communiqué de la COP28. ALTÉRRA a déjà engagé 6,5 milliards de dollars dans des fonds dédiés au climat pour les investissements mondiaux — y compris dans les pays du Sud — en collaboration avec les gestionnaires d’actifs mondiaux BlackRock, Brookfield et TPG. Objectif, « orienter les marchés privés vers des investissements climatiques et à se concentrer sur la transformation des marchés émergents et des économies en développement ».

Cette démarche « représente un premier pas prometteur, mais il faut aller plus loin : imposer aux principales entreprises émettrices de contribuer à l’atténuation du changement climatique à partir d’une taxe carbone internationale. Et surtout, cette avancée ne doit pas faire perdre de vue le principale objectif qui est l’abandon progressif des énergies fossiles (pétrole, gaz charbon) », réagit Louis Raynaud de Lage, expert Impact social & Empreinte environnementale chez Bartle (cabinet de conseil). Il y a donc encore du pain sur la planche.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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