Chine : le groupe immobilier Evergrande rattrapé par sa dette

Actualités - Ce lundi 29 janvier, un tribunal de Hong Kong a ordonné la liquidation de China Evergrande Group. Le géant de l'immobilier chinois a accumulé plus de 300 milliards de dollars de dette, qu'il ne peut plus rembourser. Quelles conséquences pour les investisseurs ? Le point avec Le Courrier Financier.

Chine : le groupe immobilier Evergrande rattrapé par sa dette

Conception Mathilde Hodouin – Réalisation Amandine Victor

Ecrasé par le poids de ses dettes. Ce lundi 29 janvier, un tribunal de Hong Kong a ordonné la liquidation du promoteur China Evergrande Group. « Il est temps pour la cour de dire : trop, c’est trop ! », a déclaré la juge Linda Chan qui a rendu le verdict. Cette décision intervient deux ans après que l’entreprise a fait défaut sur sa dette offshore — et au terme de plusieurs audiences judiciaires. Malgré son patrimoine de plus de 240 milliards de dollars d’actifs, Evergrande estimait ses dettes à 328 milliards de dollars en juin dernier.

Long processus d’indemnisation

Faute d’un plan de restructuration concret, le rétablissement du groupe n’aura pas lieu. « Ce n’est pas une surprise », assure Me Antonia Raccat, Associée du cabinet d’avocats August Debouzy — contacté par Le Courrier Financier « Ces dernières années, tous les investisseurs ont surfé sur les taux historiquement bas, voire négatifs, avec des effets de levier très importants et une expectative de rendements très élevés. Quand la manne céleste des financements s’arrête, et que les prix ne tombent pas, il n’y a plus de transactions », dit-elle.

La décision doit encore faire l’objet d’une reconnaissance en Chine continentale, mais elle devrait « être étendue à l’ensemble des actifs et opérations [d’Evergrande] dans le pays », estime l’avocate. Pour les créanciers, c’est le début d’un long processus légal d’indemnisation. Les marchés s’attendent à ce que les propriétaires chinois d’appartements inachevés soient prioritaires. En revanche, les détenteurs d’obligations étrangères risquent d’y laisser des plumes. De quoi mettre à nu le ralentissement du secteur immobilier en Chine.

Suite à cette liquidation, la valeur boursière d’Evergrande a chuté de manière spectaculaire. L’action a dégringolé de -20 % ce lundi 29 janvier à la Bourse de Hong Kong, avant que la cotation du titre ne soit suspendue dans la matinée. C’est un coup dur pour l’économie chinoise. Dans une note de juin 2022, la Direction Générale du Trésor estime que l’immobilier représente entre 14 % et 30 % du PIB chinois (selon les estimations). Le haut de cette fourchette correspond à un niveau plus élevé que les Etats-Unis avant la crise de 2008.

Entre difficultés et opportunités

Qui dit crise dit aussi opportunités. « Les investisseurs sur ce segment de marché vont probablement spéculer sur qui sortira de cette période relativement moins endommagé et quelles obligations auront de meilleurs taux de récupération », estime Phil Wool, co-gestionnaire de portefeuille de l’ETF Quantamental China de Rayliant. « Il est possible de faire de belles opérations dans la crise à contre-cycle », nous confirme Me Laurent Cotret, Associé du cabinet August Debouzy et spécialisé en restructuration.

En bourse, l’immobilier fonctionne selon des cycles qui se raccourcissent de plus en plus. « En 2021 et 2022, nous avons vu des acquéreurs acheter très cher des actifs dont ils n’avaient pas la sortie. Sur ce marché-là, il faut bien acheter pour bien vendre », relève Me Laurent Cotret. En France, les acheteurs souffrent ainsi d’un retournement de marché inédit. Dans son baromètre de décembre, la Fnaim estime que les ventes ont reculé de -21 % l’an dernier pour atteindre 875 000 transactions — dans un contexte de baisse des prix, et d’inflation persistante.

Sur le continent européen, la crise immobilière n’a pas les mêmes origines. De la Chine à l’Europe, le risque de contagion reste donc relativement faible. « Les promoteurs chinois ont des modèles économiques à l’opposé de leurs confrères européens. La faillite d’un promoteur immobilier européen comme Signa [promoteur autrichien qui a engagé une procédure de dépôt de bilan fin novembre 2023, NDLR] aura beaucoup plus d’impact sur l’économie européenne que la liquidation d’Evergrande », insiste Me Laurent Cotret.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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