Monnaie : où va l’euro face au dollar ?

Asset Management - Alors qu’il évoluait à 1,1200 dollar en début d’année, l’euro a régulièrement perdu du terrain et sa baisse s’est accélérée en février 2020. Nous ne pouvons pas attribuer ce mouvement uniquement à la force du dollar. Comment analyser la situation ? Décryptage d'Alexandre Baradez, Responsable Analyses Marchés chez IG France.

L’euro se replie de 3,5 % face au dollar depuis le début de l’année alors que dans le même intervalle de temps, la livre ne se replie que de 1,6 % face au dollar. Même constat pour le yen qui ne se replie que de 1 % face au dollar ou encore le franc suisse qui ne perd que 1,3 % depuis le début de l’année. Au-delà de l’appétit pour le dollar ces dernières semaines, il y a donc également une faiblesse propre à la devise européenne. Les explications ne sont pas évidentes.

Zone euro et repli de l’inflation

Nous ne pouvons pas considérer que les dernières déclarations des membres de la Banque centrale européenne (BCE) et de sa présidente soient particulièrement accommodantes. Nous savons que la BCE — comme toutes les banques centrales — est prête à intervenir si les perspectives économiques et d’inflation se dégradent, mais l’accent est tout de même mis ces derniers mois sur les effets secondaires de la politique monétaire. Nous ne sentons pas l’imminence d’une action de l’institution monétaire dans les mois qui viennent. Difficile donc d’attribuer la faiblesse de l’euro à la position court-terme de la BCE.

Nous notons toutefois que les anticipations d’inflation moyen terme en zone euro se sont dégradées ces dernières semaines. Ce mouvement de repli s’est dessiné à partir de mi-janvier. Les anticipations d’inflation sont passées de 1,35 % à 1,22 % en un mois alors qu’elles avaient rebondi de 1,12 % à 1,33 % au 4e trimestre. Pouvons-nous attribuer ce décrochage à l’évolution de la situation économique en zone euro ? Pas vraiment. Les derniers indices de sentiment — indices PMI par exemple — se sont plutôt redressés ces derniers mois et la situation économique s’est stabilisée… temporairement ?

Coronavirus et baisse de l’euro

Le timing du décrochage des anticipations d’inflation correspond au début de la phase de stress mondiale liée à l’épidémie de coronavirus. Les anticipations d’inflation décrochent en même temps que le pétrole ou encore des métaux exposés à la santé économique de la Chine comme le cuivre. La faiblesse de l’euro peut donc correspondre à une crainte de l’impact à venir de l’épidémie de coronavirus sur l’économie européenne avec des pays, comme l’Allemagne, relativement exposés.

Au-delà des questions structurelles, l’industrie allemande a déjà beaucoup souffert des tensions commerciales et du ralentissement de la Chine mais les derniers indicateurs laissaient entrevoir une amélioration du sentiment général. La soudaineté de la crise sanitaire chinoise pourrait couper cette petite dynamique et la baisse de l’euro pourrait être une traduction de la crainte des conséquences à venir.

Risque de tensions commerciales

Certains éléments techniques peuvent également accélérer les mouvements baissiers comme la présence d’un trou de cotation (gap). L’euro en avait ouvert un face au dollar lors d’une phase d’accélération haussière en avril 2017 à 1,0730 mais la durabilité de ce mouvement de baisse doit être remise en question.

Si l’euro baisse trop, l’Union Européenne (UE) s’expose clairement à la colère du président américain très sensible aux questions de changes, ainsi qu’à celle de son puissant Secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin. Et les tensions commerciales qui s’étaient un peu apaisées ces dernières semaines pourraient rapidement resurgir, notamment en pleine période de campagne présidentielle.

Quelles perspectives ?

Techniquement, l’euro évolue dans un canal baissier depuis le second semestre 2018… et nous approchons du bas de ce canal. Une inversion du sentiment se produirait avec un retour au-dessus des moyennes mobiles 50 et 100 jours ainsi qu’un retour au contact du haut du canal. Ce qui laisserait entrevoir la formation d’un creux de moyen terme mettant peu à peu fin à la phase de baisse enclenchée depuis début 2018.

Alexandre Baradez - IG France

Responsable Analyses Marchés

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