Marchés financiers : l’inflation est partie pour durer

Asset Management - Le rapport sur l'inflation est ressorti légèrement supérieur aux attentes. L'inflation est-elle partie pour durer sur les marchés financiers ? Karamo Kaba, Directeur de recherche économique chez Ecofi.

Après les déceptions concernant l’emploi et l’inflation, les ventes de détail ont détonné en surprenant positivement les attentes en septembre (+0,7 % sur le mois contre -0,2 % attendu par le consensus). Une telle évolution vient à point nommé pour notre scénario de croissance, dont l’essentiel de la contribution doit provenir des dépenses de consommation. Cerise sur le gâteau, à la différence du mois précédent, cette embellie n’est pas le résultat d’une hausse des aides étatiques mais d’une accélération des salaires.

La dynamique est si forte que la progression du mois d’août a été révisée à la hausse (+0,7 % contre +0,4 % en première estimation). Nous notons également une reprise des ventes d’automobiles qui ont mis fin à 4 mois de fortes corrections (+0,5 % en septembre, soit +13,3 % sur une année). Mais cela ne devrait pas durer compte tenu des pénuries de semi-conducteurs et du bas niveau des stocks de voitures.

L’inflation, phénomène durable

Difficile toutefois de se réjouir davantage, surtout lorsque nous nous fions à l’évolution du rapport sur l’inflation, ressortie légèrement supérieur aux attentes, aidé par la poursuite de la remontée des prix de l’énergie et des coûts d’acheminement. D’ailleurs, n’eut été la correction sur les véhicules d’occasion et les billets d’avion, avec le recul des déplacements suite à la résurgence des cas de Covid-19, la progression des prix aurait dû être encore plus forte.

Or, depuis quelques temps, la situation épidémiologique s’est considérablement améliorée, ce qui fait craindre une inflation élevée qui pourrait durer encore quelques mois. D’ailleurs, les loyers ont accéléré (+0,5 % sur le mois, du jamais vu depuis mai 2001) et, avec le bond des prix de l’immobilier et la fin des moratoires sur les expulsions, cette tendance pourrait persister.

Hausse des prix de l’énergie

De plus, après le refus des pays de l’OPEP+ d’augmenter la production dans les prochains mois, rien n’indique une accalmie sur les prix du pétrole (à 82,3 dollars pour le WTI, au plus haut depuis 7 ans) et de ceux du gaz et du charbon à court terme.

C’est ce scénario que semblent anticiper les ménages à la lecture de l’enquête de la Fed de New York sur les attentes des consommateurs. Ces derniers s’attendent ainsi à ce que les prix progressent en moyenne de 5,3 % sur les 12 prochains mois et de 4,2 % sur les trois prochaines années.

Quid des marchés obligataires ?

La réaction sur les marchés obligataires ne s’est pas faite attendre. Certes, sur une semaine, les rendements sont en recul (-4 points de base — pbs — à 1,578 % pour le T-Bond) mais cela ne saurait cacher le choc subi en fin de semaine (+6 pbs) après la publication du rapport d’inflation.

Par ailleurs, les Minutes de la dernière réunion de la Réserve fédérale (Fed) ont montré l’imminence d’une annonce de la réduction progressive des achats d’actifs (tapering) en novembre, avec sans doute une réduction de 10 milliards pour les obligations du Trésor et de 5 milliards de titres hypothécaires. Les DOTS ont aussi montré qu’il faudrait peut-être s’attendre à plusieurs relèvements de taux directeurs dès 2022.

Optimisme et saison des résultats

Nous avons ainsi vu les échéances courtes de la courbe s’apprécier tandis qu’ils baissaient pour les plus matures, même en Europe (-1 pb en Allemagne et en Italie, à respectivement -0,171 % et 0,8714 %). L’aplatissement de la courbe qui en a résulté n’a pas été défavorable aux actifs risqués. Il faut dire qu’avec les très bons résultats publiés par les banques américaines, la saison des résultats financiers ne pouvait pas mieux démarrer.

Cela a permis l’instauration d’un sentiment positif sur les marchés financiers, ce qui s’est traduit par une semaine de progression sur les indices boursiers aux Etats-Unis (S&P 500 :+2,41 %, à 4466,87 points) et en Europe (Eurostoxx 50 : + 2,7 %, à 4 183 points). La question est maintenant de savoir si cette embellie des indices boursiers peut se poursuivre avec le « Tapering » et les inquiétudes sur la croissance mondiale.

Poursuite de la tendance haussière ?

Le Fonds monétaire international (FMI) a ainsi abaissé sa prévision pour la croissance mondiale pour 2021 (-0,1 point, à 5,9 %) avec une forte correction pour les Etats-Unis (-1 point, à 6 %). La Chine (-0,1 point, à 8 %) et surtout la zone euro (+0,4 point, à 5 %) s’en sont mieux tirés. Selon nous, cela ne devrait pas empêcher une poursuite de la tendance haussière des marchés boursiers tant que les taux réels restent négatifs et que les entreprises parviennent à répercuter les hausses de prix.

Karamo Kaba

Directeur des études économiques

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