Eric Blain – Chloé in the sky : énergie et climat, « se focaliser sur les secteurs propres est un non-sens »

Responsabilité sociale - A l'heure du développement de la finance durable, le carbone devient une donnée centrale pour investir. Comment conjuguer besoins énergétiques et enjeux climatiques ? Quelle stratégie bas-carbone pour l'investisseur ? Eric Blain, Président de Chloé in the sky, répond en exclusivité au Courrier Financier.

Créé en 2021, Chloé in the sky (Chloé) est un cabinet de conseil en investissement financier (CIF) et un courtier en assurances. En grec, ce prénom signifie « jeune pousse ». Mais ici, il faut entendre l’acronyme pour « Choosing Hope and LOw carbon Economy ». Chloé investit dans les secteurs essentiels de l’économie, en choisissant des entreprises qui adoptent une stratégie bas-carbone. Pourquoi privilégier l’environnement parmi les critères ESG ? Comment Chloé conserve-t-elle un portefeuille aligné sur l’Accord de Paris ? Eric Blain, Président de Chloé in the sky, répond en exclusivité au Courrier Financier.

Le Courrier Financier : Pouvez-vous nous présenter la genèse de Chloé in the Sky ? Qu’est-ce qui caractérise votre approche du conseil en investissement ?

Eric Blain - Chloé in the sky : énergie et climat, « se focaliser sur les secteurs d'apparence propre est un non-sens »
Eric Blain

Eric Blain : Chloé in the sky est née de la frustration d’un CGP : je ne comprenais pas que n’existe aucune offre claire et transparente sur la thématique environnementale. Les fonds existants sont de véritables boîtes noires, les labels sont complexes. L’épargnant ne connaît pas les entreprises dans lesquelles il investit, encore moins leurs efforts en termes d’enjeux climatiques et de biodiversité.

Notre positionnement est radical car si la terre brûle, l’économie sera emportée. Il faut donc anticiper une révolution du système économique dans laquelle le carbone sera une donnée centrale de performance et de rentabilité. Et pour cela investir, au sein de tous les secteurs essentiels, dans les entreprises qui relèvent les défis environnementaux.

Autrement dit, « faire du propre dans les secteurs sales » pour atteindre une trajectoire 1,5° ambitieuse. Il faut enfin proposer à l’épargnant une totale transparence sur les entreprises dans lesquelles il investit et sur leurs performances carbone et financière.

C.F. : Quelle place accordez-vous au tandem énergie-climat ? Pourquoi privilégiez-vous la complémentarité sectorielle pour financer la transition énergétique ?

E.B. : Le tandem énergie-climat est central, c’est un défi incontournable pour notre société, notre économie, et pour les entreprises qui la composent. Les entreprises résilientes de demain seront frugales et sobres. Elles permettront à l’économie de respecter les limites physiques du monde fini dans lequel nous vivons.

Se focaliser sur les secteurs d’apparence propre (comme les éoliennes) est un non-sens car nous avons besoin des secteurs plus polluants. Qui va produire le béton et les métaux nécessaires aux éoliennes ? Les entreprises de la tech et du luxe n’apportent pas de réponses à nos besoins fondamentaux ! L’approche systémique et la complémentarité sectorielle sont une évidence si vous vous intéressez à la transformation responsable de toute l’économie. Pourtant, nous sommes les seuls à le proposer aux épargnants.

C.F. Dans vos portefeuilles, comment identifiez-vous les entreprises qui renforcent le tandem énergie-climat ? Sur quelles données extra-financières vous appuyez-vous ?

E.B. : Nous faisons le choix de privilégier la note carbone, parce que la question climatique nous semble être prioritaire sur les autres. Elle détermine notre capacité à préserver la biodiversité, et à conserver des sociétés en paix et égalitaires. Les autres critères ESG sont très importants, mais moins déterminants.

À tel point que nous sommes persuadés que très prochainement, la donnée carbone ne sera plus un élément extra-financier mais deviendra un déterminant de la valeur financière des entreprises. La prochaine « destruction créatrice » que connaîtra notre économie sera sans nul doute liée à la capacité des entreprises à créer des modèles de production sobres.

En pratique, nous nous appuyons sur l’analyse CIA de Carbone 4 Finance, la plus aboutie selon nous sur le marché.

C.F. : Guerre en Ukraine, au Proche-Orient… Comment les tensions géopolitiques pèsent-elles sur le marché de l’énergie en 2023 ? Quel impact sur votre stratégie bas-carbone ?

E.B. : Les guerres en Ukraine et au Proche-Orient ne font qu’accélérer un processus qui se serait déclenché sans ces dramatiques événements. Les tensions énergétiques sont structurelles : nos réserves naturelles étant limitées, notre capacité à produire de l’énergie est totalement liée aux ressources naturelles. C’est vrai en ce qui concerne les énergies fossiles, mais également en ce qui concerne l’énergie bas carbone — la production électrique nécessitant un usage abondant de métaux.

C.F. : Comment accompagnez-vous les investisseurs à travers leur espace personnel ? Comment cet outil pédagogique contribue-t-il à renforcer leur éducation financière ?

E.B. : Notre espace client permet aux épargnants et à leur conseiller d’avoir un niveau d’information inégalé : la transparence est totale sur la composition du portefeuille, la performance financière et la performance carbone. Nous avons développé des outils pédagogiques avec un niveau de données accessibles facilement, tout en étant synthétiques — mais aussi avec des développements plus poussés pour ceux qui le souhaitent.

Notre grande ambition avec l’espace client de Chloé est de permettre à l’épargnant, par le prisme de son placement financier, de comprendre quels sont les enjeux industriels de demain, avec une présentation pointue des défis par secteur. Cette démarche pédagogique portée par un acteur financier est inédite. Elle répond au besoin croissant d’un public qui veut comprendre et s’assurer d’investir sur l’avenir avec une réelle efficacité.

C.F. : Combien d’encours gérez-vous actuellement ? Quelles sont vos perspectives de développement à horizon 2024 ?

E.B. : Nous commercialisons nos produits depuis peu, et nous gérons actuellement moins de dix millions d’euros. Notre stratégie de croissance repose sur la mobilisation de CIF / CGP et de family offices qui souhaiteraient conseiller nos produits à leurs clients : nous proposons ainsi à ces partenaires des cycles de formation aux enjeux de l’ISR et de la finance carbone afin de les sensibiliser au sujet et à l’approche spécifique de Chloé in the sky. Nous visons l’objectif de 100 millions d’euros sous gestion fin 2024.

C.F. : Le 7 novembre dernier, Bercy a annoncé la refonte du référentiel du label ISR d’ici mars 2024 — avec notamment l’intégration d’une politique climat dans la gestion de tous les fonds labellisés. Que vous inspire cette décision ?

E.B. : Cela va dans la bonne direction. Cette réforme était essentielle pour que le label retrouve une crédibilité vis-à-vis des épargnants et des réseaux de distribution. En revanche, le manque de hiérarchisation sur les enjeux ESG reste un gros problème. Le risque, c’est que l’urgence climatique soit minimisée au profit d’enjeux sociaux et de gouvernance — certes très importants, mais secondaires.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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