Chine et ESG — 3 questions à… William Gerlach, Directeur régional France et Royaume-Uni chez iBanFirst

Responsabilité sociale - D'après le FMI, la Chine devrait générer 30 % de la croissance mondiale en 2023. Le pays peut-il offrir des opportunités ESG aux investisseurs étrangers ? William Gerlach, Directeur régional France et Royaume-Uni chez iBanFirst, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

Le 22 janvier dernier, la Chine entrait dans l’année du lapin. De quoi augurer une année de rebond économique ? Même sans convoquer l’astrologie traditionnelle, les chiffres sont rassurants. Au T1 2023, le PIB chinois progresse de +4,5 % en glissement annuel. La deuxième économie mondiale semble en bonne voie pour atteindre son objectif officiel de 5 % de croissance en 2023. Quels défis et quelles opportunités la Chine offre-t-elle en termes d’investissements ESG ? William Gerlach, Directeur régional France et Royaume-Uni chez iBanFirst, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

Le Courrier Financier : Quelles perspectives pour l’économie chinoise en 2023 ? Le recul des importations va-t-il peser sur la relance ?

Chine et ESG — 3 questions à... William Gerlach, Directeur régional France et Royaume-Uni chez iBanFirst
William Gerlach

William Gerlach : Le consensus des économistes prévoit une croissance autour de 5 % — en ligne avec les attentes du gouvernement chinois. Mais les premières statistiques que nous avons sur ce début d’année ne sont pas rassurantes. Même avec un fort soutien de la part des gouvernements locaux (en particulier au segment des entreprises exportatrices), l’activité économique peine à s’intensifier.

Les marchés financiers en ont conscience. C’est ce qui explique par exemple la forte baisse du cours du baril de pétrole ces dernières semaines et de certains métaux industriels. En outre, le recul observé des importations au mois de mars confirme que le consommateur chinois — qui devait être le fer de lance de la relance — ne va pas si bien que cela.

Nous pensons toujours que la consommation chinoise va s’étoffer dans les mois à venir, à condition que le gouvernement mette les bouchées doubles. Même avec cela, il est probable que la croissance soit inférieure à 5 % cette année. Nous tablons plutôt sur 4 % au mieux en 2023. Ce sera déjà une bonne performance, étant donné les difficultés de la reprise actuelle et les inquiétudes sur l’activité aux Etats-Unis.

C.F. : Comment les enjeux de développement durable peuvent-ils tirer la croissance chinoise à long terme ?

W.G. : Bien avant la Covid, la Chine a pris conscience de la nécessité d’avoir une croissance économique plus verte — pour des raisons sanitaires, en particulier. En l’espace de quelques années, la Chine est devenue un leader mondial dans les véhicules électriques et l’éolien. Mais il y a toujours un part de pragmatisme puisque la Chine recourt encore abondamment au charbon pour sa production d’énergie.

L’Europe pense que la transition doit être brutale, par exemple avec l’interdiction des véhicules thermiques dans les années à venir. La Chine au contraire privilégie un système hybride — à la fois fossile et croissance durable — qui est certainement plus réaliste à moyen terme.

C.F. : Comment identifier les opportunités d’investissement ESG en Chine ? Quelle place leur donner en portefeuille ?

W.G. : Il faut déjà s’entendre sur ce qu’est l’ESG. Dans le cas chinois, il y aura toujours un problème avec le G de gouvernance du fait de l’intrusion du politique dans la gestion des entreprises et d’une approche comptable qui n’est pas toujours aux standards européens. Si nous sommes très vertueux, la Chine ne devrait pas faire partie des investissements ESG.

Si nous sommes réalistes, il y a des opportunités surtout sur l’aspect transition énergétique et électrification. Un seul exemple : six entreprises chinoises sont dans le top 10 mondial de la production de batterie électrique et deux d’entre elles détiennent plus de 50 % des parts de marché au niveau mondial. C’est sans appel. Sur la thématique de l’électrification du monde, la Chine est incontournable — même si nous pouvons mieux faire sur le G d’ESG.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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