Climate Finance Day 2022 : finance durable, les énergies fossiles dans le collimateur

Responsabilité sociale - Ce jeudi 27 octobre, les acteurs de la finance durable avaient rendez-vous au Palais Brongniart à Paris, pour l'édition 2022 du Climate Finance Day (CFD). Comment financer efficacement la transition énergétique ? Comment sortir des énergies fossiles ? Plus de détails avec Le Courrier Financier.

« Des solutions financières pour un avenir durable ». Ce jeudi 27 octobre, la 8e édition du Climate Finance Day (CFD) se tenait au Palais Brongniart à Paris. Chaque année depuis 2015, l’industrie financière mondiale s’y réunit pour parler de lutte contre le réchauffement climatique. Cette année, l’organisation a été bousculée par plusieurs organisations non gouvernementales (ONG). Sept ans après la COP21, la réorientation des flux financiers vers la transition énergétique se fait encore attendre, selon elles. De son côté, Finance for Tomorrow a annoncé une refonte de sa marque — pour devenir l’Institut de la Finance durable.

Energies fossiles, ça sent le gaz…

Les ONG étaient en ordre de bataille, ce jeudi 27 octobre. 60 activistes d’Alternatiba Paris et des Amis de la Terre France ont perturbé le Climate Finance Day avec une « action coup de poing ». Sur les marches du Palais Brongniart, ils ont versé un liquide noir et ont allumé des fumigènes de la même couleur, pour représenter le pétrole et le gaz. Ils ont également déployé des banderoles pour pointer du doigt la responsabilité de BNP Paribas. Les militants reprochent à la banque française son soutien aux énergies fossiles, à travers le financement des « huit majors européennes et américaines du secteur, dont fait partie Total ».

« Tant que BNP Paribas et les financeurs des énergies fossiles n’auront pas renoncé à leurs soutiens sans borne aux projets qui condamnent notre avenir, nous, Alternatiba Paris, nous serons là pour dénoncer les responsables de la crise climatique et énergétique », déclare Clem Converset-Doré, porte-parole d’Alternatiba Paris. Les ONG Les Amis de la Terre, Oxfam et Notre Affaire à Tous menacent BNP Paribas de poursuites judiciaires. De son côté, l’établissement bancaire rappelle pour l’AFP que l’extraction, la production de pétrole et de gaz, et le raffinage ne représentent que 1,3 % des crédits accordés.

En attendant la transition énergétique

Ce mardi 25 octobre, l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ont publié leur troisième rapport sur le suivi et l’évaluation des engagements climatiques des acteurs de la Place de Paris. Les autorités y appellent les acteurs à « [amplifier leurs] progrès de transparence et de gouvernance ». En d’autres termes, peut mieux faire — surtout en ce qui concerne les énergies fossiles. « Le financement du charbon décroit à un rythme inégal selon les acteurs financiers et l’ambition des politiques sectorielles sur les autres énergies fossiles ne témoigne pas d’inflexion notable », déplore l’AMF.

D’après les données de l’Association française de la gestion financière (AFG), l’exposition au charbon représentait 36,41 milliards d’euros en 2021 c’est-à-dire 0,94 % des encours. Autorisée dans l’enceinte du CFD, l’ONG Reclaim Finance a déploré sur Twitter que Bruno Le Maire n’ait pas pris la parole sur le sujet de l’expansion pétrolo-gazière. En 2020, il avait pourtant demandé aux acteurs du secteur financier d’adopter des stratégies de sortie du pétrole et du gaz non conventionnels. Le ministre de l’économie n’était pas présent au CFD. En raison du happening évoqué plus haut, il n’est intervenu qu’à distance en vidéo.

Les SGP encore à la traîne

Même son de cloche de la part de l’Observatoire de la Finance durable, publié ce jeudi 27 octobre. Moins d’une société de gestion de patrimoine (SGP) sur trois (30%) disposerait d’une politique d’exclusion relative aux énergies fossiles non conventionnelles à fin 2021. Et seule une SGP sur quatre (25 %) appliquerait cette politique également aux pétrole et gaz conventionnels. L’Observatoire est dirigé par les fédérations professionnelles (AFG, FBF, France Assureurs, France Invest et l’ASF) et Finance For Tomorrow, branche de Paris Europlace. Il est cofinancé par l’Union européenne (UE) via le programme LIFE et l’ADEME.

Par ailleurs, l’Observatoire travaille également sur une série de recommandations dédiée aux énergies fossiles. Ce document devrait paraître début 2023. Pour parvenir aux objectifs climatiques de 2050, la route est encore longue… Mais la finance veut y croire. « La place de Paris […] devient la première place mondiale à faire preuve d’un tel niveau d’information et de transparence nécessaires à la compréhension, au suivi et à l’évaluation de la transformation progressive du secteur financier vers une économie plus juste et moins dépendante des énergies fossiles », martèle Thierry Déau, président de Finance For Tomorrow. 

D’après les chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publiés fin juillet, les financements climatiques ont atteint 83,3 milliards de dollars en 2020. Nous sommes en-dessous de la promesse des pays du Nord de mobiliser 100 milliards de dollars par an dès 2020, à destination du Sud. Les banques, assureurs et gestionnaires d’actifs peinent à prendre des engagements concrets sur la sortie des énergies fossiles. Toutefois, l’édition 2022 du Fossil Fuel Finance Report montre que les financements fossiles baissent depuis deux ans. Reste à accélérer la cadence.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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