Antoine Fraysse-Soulier – eToro : Chine & ESG, « une place plus importante dans un portefeuille diversifié »

Responsabilité sociale - Depuis la réouverture de l'économie chinoise, les investisseurs étrangers sont en quête d'opportunités. L'année 2023 sera-t-elle celle de l'investissement ESG en Chine ? Le Courrier Financier revient sur les enseignements du dernier livre blanc de DPAM sur l'ESG en Chine. Avec l'éclairage exclusif d'Antoine Fraysse-Soulier, responsable de l’analyse des marchés chez eToro.

Début janvier 2023, la Chine mettait un terme à sa politique anti-Covid. En cette année du lapin, le pays connaît un rebond spectaculaire. La Chine enregistre un PIB en hausse (4,5 %) au T1 2023 — loin devant les États-Unis et l’Union européenne (UE). « La reprise économique de la Chine s’étend et constitue une opportunité de marché importante, anticyclique et non corrélée pour les investisseurs (…) La Chine devrait être la seule grande économie à croître davantage cette année que l’année dernière et à contribuer pour un tiers à la croissance totale du PIB mondial », analyse Ben Laidler, Global Market Strategist chez eToro.

L’ESG chinois, une économie émergente

Mais d’autres défis attendent la deuxième économie mondiale. Comment investir durablement dans le pays ? « La classe moyenne croissante du pays, ainsi que son leadership dans les technologies émergentes telles que l’énergie solaire et les batteries pour les véhicules électriques, offrent des opportunités intéressantes pour les investisseurs », confirme Matthew Welch, spécialiste de l’investissement responsable, chez DPAM. Malgré un potentiel de croissance indéniable, l’ESG chinois n’en est qu’à ses balbutiements. Le pays doit encore se débarrasser de son statut d’usine du monde.

En 2015, environ 13 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la Chine provenaient de la production destinée à d’autres pays. Les émissions proviennent principalement des secteurs de l’énergie (45 %), de l’industrie (33 %) et des transports (8 %) explique Matthew Welch, dans son livre blanc ESG in China: challenges and opportunities (en anglais), publié le 25 avril dernier. « Se fier uniquement aux scores ESG des entreprises chinoises ne suffit pas pour évaluer correctement les risques ESG auxquels elles sont confrontées. Une connaissance approfondie des risques sectoriels et des enjeux géopolitiques doit être intégrée également », prévient-il.

3 questions à… Antoine Fraysse-Soulier, responsable de l’analyse des marchés chez eToro

Antoine Fraysse-Soulier - eToro : Chine & ESG, « une place plus importante dans un portefeuille diversifié »
Antoine Fraysse-Soulier

Pour creuser ce sujet de l’ESG en Chine, Antoine Fraysse-Soulier, responsable de l’analyse des marchés chez eToro, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

Le Courrier Financier : La faiblesse des importations va-t-il peser sur le rebond de l’économie chinoise en 2023 ?

Antoine Fraysse-Soulier : La chute de -7,9 % en avril des importations en Chine (-1,4 % en mars) montre que la consommation chinoise ralentit et que l’économie mondiale ne pourra pas, ou peu, compter sur la croissance domestique chinoise. Par ailleurs, le recul de -15,3 % des importations de semi-conducteurs témoigne de l’ampleur du recul de la demande intérieure. 

C.F. : Quel rôle les enjeux de développement durable vont-ils jouer dans la croissance chinoise à long terme ?

A.F.S. : La problématique de la croissance chinoise à long terme, reste la consommation domestique. Hors avec une population qui vieillit et qui décroit, la croissance à long terme de la Chine est en danger. Bien que Xi Jinping souhaite que son pays atteigne son pic d’émissions de gaz à effet de serre avant 2030 et la neutralité carbone d’ici à 2060, elle n’en prend pas le chemin. La Chine représente actuellement 28 % des émissions de dioxyde de carbone dans le monde, soit plus que le total combiné des États-Unis et de l’Union européenne (UE).

C.F. : Comment identifier les opportunités d’investissement ESG en Chine ? Quelle place leur donner en portefeuille ?

A.F.S. : La Chine a un certain retard en matière d’ESG, notamment pour le G, la gouvernance, étant donné, que la règlementation est très stricte, la transparence assez faible et que les entreprises n’agisse pas sans qu’on leur demande. Ceci étant, la situation semble s’améliorer, de plus en plus d’entreprises publient des rapports ESG qui permettent aux investisseurs de savoir comment le développement durable s’inscrit dans leur stratégie globale.  

Depuis un an, le marché chinois des capitaux est plus ouvert, et les obstacles pour les investisseurs internationaux ont été réduits. Par conséquent, cela permet d’allouer une place plus importante de l’ESG dans un portefeuille diversifié. 

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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