Réforme des retraites : les Français vont-ils se tourner vers l’épargne-retraite individuelle ?

Investisseur privé - Ce mardi 10 janvier, Elisabeth Borne a dévoilé le projet de réforme du système de retraites français. Quel impact sur les stratégies d'épargne-retraite des Français ? Comment les professionnels du patrimoine les accompagnent-ils ? Plus de détails avec Le Courrier Financier.

Le voile est enfin levé. Ce mardi 10 janvier, Elisabeth Borne a dévoilé le projet de réforme du système de retraites français. Dans les mesures phares, figure le report progressif de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans en 2030. Par ailleurs, le gouvernement prévoit d’accélérer la mise en œuvre de la loi de 2014 sur la durée de cotisation. Il faudra désormais cotiser 43 ans pour obtenir une retraite à taux plein, contre 42 ans auparavant. Enfin, certains régimes spéciaux de retraite disparaissent pour les nouveaux entrants. « C’est un projet de justice, d’équilibre et de progrès », a affirmé la Première ministre devant la presse.

Le gouvernement mise sur une adoption en mars 2023. Les principales mesures devraient être mises en œuvre à partir du 1er septembre prochain. Cette feuille de route pourrait se révéler plus chaotique que prévu, avec la mobilisation des syndicats le 19 janvier prochain prochain. D’ici là, les professionnels du patrimoine s’emparent du sujet de l’épargne-retraite. « C’est un changement radical de paradigme, qui bouscule totalement nos repères. Nous allons devoir épargner individuellement pour préserver notre niveau de vie à la retraite, ce qui jusqu’à présent se faisait très peu en France », réagit Numa Jequier, PDG de la fintech Nalo.

France, un changement de paradigme ?

En France, les retraites fonctionnent selon un système par répartition depuis la création de la sécurité sociale en 1945. Les cotisations sont versées par les actifs au titre de l’assurance vieillesse, afin de payer les pensions des retraités. Ce système implique une forte solidarité entre générations, mais aussi un équilibre entre le nombre de cotisants et celui des retraités. D’après une étude Abeilles Assurance/Odoxa publiée en novembre 2022, près de neuf Français sur dix (88 %) jugent que l’épargne-retraite individuelle est nécessaire pour « disposer d’un niveau de pension suffisant ». Un Français sur deux (49 %) cotise en ce sens.

« En France, depuis longtemps, c’est l’Etat qui s’occupe de votre retraite. Le Français est plutôt paresseux avec son épargne, souvent pour des questions de lourdeur administrative. Mais l’avenir pourrait l’obliger à changer de culture. Depuis environ deux ans, nous observons une prise de conscience chez nos clients — notamment chez les moins de 40 ans. Par ailleurs, l’investissement devient plus accessible. Aujourd’hui, vous pouvez placer votre argent en quelques clics sur les marchés financiers, dans l’immobilier ou en Private Equity », explique Albert d’Anthoüard, Associé et Directeur de la clientèle privée chez Nalo, contacté par Le Courrier Financier.

Choisir son enveloppe fiscale

Aujourd’hui, notre système de retraite par répartition s’assortit d’une large galaxie de produits d’épargne-retraite. L’évolution vers un système mixte s’est produite par paliers. « Ce n’est pas tout à fait un changement de paradigme pour les Français. Le troisième pilier a été instituée par la loi du 21 août 2003, cela va faire 20 ans. Et la récente loi Pacte de 2018 a déjà convaincu plus de 5 millions de Français, sans parler des régimes collectifs ! Désormais, nous anticipons plutôt une accélération », tempère Pierre Olivier Chanove, PDG du groupe Asselio (courtage en assurances), contacté par Le Courrier Financier.

La réponse toute faite n’existe pas. « Vous pouvez choisir entre un PERIN, une assurance vie ou éventuellement une SCPI… voire un mélange de plusieurs de ces solutions. Chez Asselio, nous faisons un triple bilan préalable. Il faut tenir compte des attentes en termes de placement — le degré de risque, et la durée pour constituer cette épargne-retraite. Ensuite, nous établissons un bilan fiscal que nous projetons sur les prochaines années. Et enfin, nous dressons une analyse en euro sur la hauteur des besoins à compléter. Mais c‘est dans l’échange, en percevant la sensibilité de notre client que nous pourrons conseiller le schéma idéal », ajoute-il.

Optimiser son épargne-retraite

Reste à orienter l’épargnant. « Historiquement, les Français se tournent vers l’immobilier et l’assurance vie. Le nombre de Plan d’Epargne Retraite (PER) augmente, mais la plupart de nos clients s’y intéressent surtout en raison de la carotte fiscale », résume Albert d’Anthoüard. Ce produit, lancé en octobre 2019 grâce à la loi PACTE, bénéficie souvent de versements importants en fin d’année, compte tenu de l’avantage fiscal qui lui est associé. En novembre 2022, les cotisations sur les PER assurantiels ont atteint 1 milliard d’euros (+28 % sur un an glissant) d’après les chiffres de France Assureurs.

D’après la même source, 3,7 millions d’assurés détenaient un PER pour un encours de 46,4 milliards d’euros à fin novembre 2022. « Attention toutefois, le PER ne convient pas à tout le monde ! C’est un produit qui devient intéressant à partir du moment où votre tranche marginale d’imposition atteint au moins 30 % », relève Albert d’Anthoüard. Le choix du produit d’épargne-retraite complémentaire dépendra du profil du client. « Quelqu’un qui n’a pas beaucoup usé du levier de la dette, nous l’orientons vers l’investissement immobilier. Pour ses liquidités restantes, ce sera l’assurance vie ou le PER », conclut Albert d’Anthoüard.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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