Vincent Sillègue – Koregraf : le crowdfunding immobilier « répond au besoin de fonds propres » des promoteurs

Immobilier - Koregraf — spécialiste du crowdfunding immobilier — renforce son positionnement stratégique dans le secteur du financement de la promotion immobilière. La plateforme poursuit sa croissance, avec plus de 42 millions d’euros levés au S1 2021. En pleine reprise économique, quelles perspectives pour le secteur ? Vincent Sillègue, co-fondateur de Koregraf, répond au Courrier Financier.

Au S1 2021, le crowdfunding immobilier en France tire son épingle du jeu. L’usage de l’outil se renforce auprès les promoteurs et les marchands de biens, dont les besoins en fonds propres augmentent. Dans ce contexte, la plateforme Koregraf — spécialiste en crowdfunding immobilier, 100 % dédiée à la promotion immobilière — a annoncé le 1er juillet dernier avoir dépassé le cap symbolique des 100 millions d’euros collectés depuis sa création, en octobre 2014. Comment le crowdfunding immobilier soutient-il l’activité des promoteurs ? Vincent Sillègue, co-fondateur de Koregraf, répond en exclusivité au Courrier Financier :

Le Courrier Financier : Pourquoi les besoins en fonds propres des promoteurs immobiliers sont-ils de plus en plus importants ?

Vincent Sillègue - Koregraf : le crowdfunding immobilier « répond au besoin de fonds propres » des promoteurs
Vincent Sillègue

Vincent Sillègue : Comme nous le développons depuis 2015, les accords de Bâle IV (ou III bis) imposent aux banques de renforcer leurs besoins de fonds propres pour financer les opérations de promotion immobilière ou de marchand de biens. La France est le seul pays d’Europe à appliquer la loi VEFA (3 janvier 1967) qui, par le biais de sécurités croisées entre promoteurs et acquéreurs, sécurise les opérations.

Cependant, dans une volonté d’unité de mode opératoire, l’Europe et la BCE souhaitent homogénéiser le ratio de solvabilité des opérations de promotion immobilière. Cette activité étant considérée comme à risque par la BCE (en négligeant notre spécificité VEFA), les fonds propres demandés par les banques pour financer les opérations ont donc augmenté. Nous parlons quand même d’une évolution entre 6 % du prix de vente de l’immeuble à 12 % du prix de vente TTC en fonds propres exigibles.

Au-delà de ça, le délai de réalisation de nos opérations s’est rallongé pour de nombreuses raisons : difficulté d’obtention des autorisations d’urbanisme ; études complémentaires (thermiques, impact écologique, etc.) ; multiplicité des recours abusifs. Les délais moyens ont donc cru de plus de 20 mois sur une opération entre 2015 et 2021.

C.F. : Dans ce contexte, pourquoi l’outil du crowdfunding immobilier remporte-il un tel succès ?

V.S. : Malgré la baisse des taux, la BCE a réorganisé les règles de financement pour les acquéreurs. Entre durée réduite et critères de ressources sur dettes renforcés de nombreux acquéreurs, beaucoup ne peuvent plus acheter de logement, que ce soit en résidence principale ou en locatif. Ce qui au passage représente un enjeu sociétal majeur à tous points de vue (logements sociaux, intermédiaires, propriétaires, occupants).

La hausse des matières premières pénalise fortement la rentabilité des dossiers nécessaire à leurs financements. Nous constatons même des dossiers « non démarrés », car l’équation économique entre prix de vente et coût de construction en permet plus de réaliser l’opération. Il en découle d’ailleurs une érosion des marges d’opérations qui, sans se pencher sur le bien-fondé de ce qu’elles représentent, bloque souvent le financement desdites opérations.

Nous avons donc un besoin de fonds propres renforcés par la réglementation, des délais de mobilisation de fonds propres allongés et des marges érodées au-delà du raisonnable. Le cumul de ces trois notions amène donc une augmentation substantielle des fonds propres nécessaires pour réaliser une opération de promotion immobilière ou de marchand de biens. De là naît le besoin de fonds propres auquel répond en partie le crowdfunding immobilier et, plus généralement, la dette privée.

C.F. : Quel segments du marché immobilier ont le plus recours au crowdfunding sur votre plateforme ?

V.S. : En 2021, nous ne finançons quasiment que des logements, mis à part le projet Premier Angle qui a financé 13 locaux d’activités au mois de mai. Si des commerces sont parfois financés, ils le sont dans le cadre d’un projet contenant une majorité de logements. Chez Koregraf, notre approche consiste à considérer que le nombre de promoteurs éligible à nos opérations est limité. Nous avons des critères drastiques qui, de fait, réduisent le nombre de partenaires promoteurs possible.

Cependant, depuis 2015, à l’écoute du marché et de ses besoins, nous faisons évoluer notre offre. Nous avons vu notre annonce du partenariat de Co-Investissement avec Arkea E&I et d’autres sont à venir. Il me semble que notre croissance ne vient pas de la multiplicité du nombre d’opérations financées, mais bien d’un élargissement de l’offre de conseil et de service auprès des opérateurs ayant démontré leurs savoir-faire.

La course au volume n’est pas gage de sûreté pour nos investisseurs. En revanche, sur des opérateurs qualifiés, renforcer notre proposition de services me semble être un axe profitable au métier, mais aussi à nos investisseurs. Les institutionnels qui ont à ce jour dépassé 20 % de nos montants collectés en sont la démonstration.

C.F. : Quelle croissance envisagez-vous pour Koregraf au S2 2021 ?

Nous prévoyons d’augmenter notre produit brut de près de 80 %. Mais nous ambitionnons surtout de continuer à afficher des résultats zéro défaut. Sur 178 opérations, nous affichons un seul retard non contractuel [chiffres arrêtés en juillet 2021, NDLR]. Même si la demande est forte, nous restons dans notre feuille de route initiale — c’est-à-dire une croissance maîtrisée et un audit des opérations optimisé pour nos investisseurs.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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