Marchés financiers : corona-chômage

Asset Management - La pandémie de coronavirus continue de sévir. Les Etats-Unis tremblent à l'idée d'une récession économique, un scénario cataclysmique que semble présager la hausse du chômage. De son côté, l'Union Européenne (UE) semble sur le point d'enterrer les corona-bonds. Quelles perspectives pour la fin de l'année 2020 ? Les explications de Karamo Kaba, Directeur des études économiques chez Ecofi Investissements.

Alors que la ville de Wuhan — épicentre de la crise du coronavirus — s’oriente vers la fin du confinement, la situation dans le monde ne montre pas de signe d’inflexion. Le cap du million de cas contaminés a été allègrement franchi avec 1,2 million de malades, 67 000 morts et près de 255 000 personnes guéries.

USA, chômage et récession

Aux Etats-Unis — pays où l’épidémie sévit le plus en ce moment avec plus de 324 000 cas positifs — près des trois quarts du pays vit désormais à l’arrêt. Cela s’est traduit par un plongeon de 701 000 créations de postes en mars dernier, ce qui correspond aux premières pertes du marché de l’emploi en près de 10 ans et la plus forte baisse depuis mars 2009. Ce chiffre vertigineux — notamment dans le secteur de la restauration, avec – 417 000 emplois — n’est malheureusement qu’un avant-goût.

Un scénario semble se profiler avec l’accélération des nouvelles inscriptions hebdomadaires au chômage, passées d’un pic déjà historique de 3,3 à 6,6 millions. Un modèle de la Fed de Saint-Louis voit même les pertes d’emplois atteindre le seuil des 47 millions, ce qui pourrait porter temporairement le taux de chômage aux alentours de 30 %. Pour le moment, le taux de chômage aux Etats-Unis est passé de 3,5 % à 4,4 %, la plus forte progression mensuelle depuis 1975. Cela aurait pu être pire sans une baisse du taux d’activité, passé de 63,4 % à 62,7 % de la population active en mars.

Nous comprenons dans ces conditions que la crainte d’une récession de la première économie mondiale ait poussé les investisseurs à réduire la voilure, avec des reculs importants (-2,70 % pour l’indice Dow Jones, à 21 053 points). Cela a profité aux emprunts souverains, le taux à 10 ans américain, avec un rendement en recul de 16 points de base, à 0,6 %, ayant connu la meilleure performance de la semaine.

Europe, la fin des Corona-bonds ?

Cette évolution dénote de la tendance observée en Europe où les rendements ont fortement augmenté (+5 points de base – pbs – en Allemagne, à -0,44 %). La sous-performance est encore plus forte en France (+14 pbs, à 0,08 %) mais surtout dans les pays périphériques, notamment en Italie (+21 pbs, 1,58 %) et en Espagne (+23 pbs, 0,75 %).

Cela s’explique par les divergences apparues entre les pays européens sur le lancement des « Corona-bonds », une mutualisation de la dette censée financer la solidarité sanitaire et financière. Devant la réticence de l’Allemagne et des Pays-Bas, nous voyons mal comment cette idée — portée par la France, l’Italie et l’Espagne — pourrait survivre.

Berlin, par la voix de son ministre des Finances Olaf Scholz, propose plutôt l’intervention de véhicules existants tels que le Mécanisme européen de stabilité (MES) pour lutter contre les effets économiques du Covid-19. Pour ne pas être accusée de manquer de solidarité, l’Allemagne propose également l’instauration d’une réassurance chômage au niveau européen et l’intervention de la Banque européenne d’investissement (BEI) pour les prêts aux entreprises.

Devises et pétrole

Ces bisbilles européennes ont nui à l’euro qui s’est fortement déprécié contre le dollar (-2,90 % à 1,08176). Le billet vert, pourtant affaibli par des statistiques catastrophiques, a repris une appréciation qui ne devrait pas durer. Le dollar devrait reprendre son appréciation contre les devises liées au pétrole qui a enregistré un bond au cours de la semaine (21,48 % pour le WTI, à 26,16 dollars ; +27,68 % pour le Brent, à 31,92 dollars).

C’est le résultat des pressions de l’Administration Trump sur son allié saoudien afin de mettre fin à la guerre des prix avec la Russie. La réunion de l’OPEP cette semaine devrait aller dans ce sens. Mais rien ne dit que les autres pays de l’OPEP, en grande difficulté financière, vont obéir à des quotas trop restrictifs. L’effort principal devra donc venir de l’Arabie Saoudite, ce qui ne sera sans doute pas suffisant pour absorber l’excès d’offre de pétrole.

Karamo Kaba

Directeur des études économiques

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