Etats-Unis : un changement de modèle environnemental en cas de victoire démocrate ?

Responsabilité sociale - Depuis plusieurs années, le Parti démocrate travaille sur un projet de lutte contre le changement climatique pour les Etats-Unis. Les divisions internes ont longtemps brouillé le message mais un travail de recherche de consensus entre l’aile centriste et l’aile la plus progressiste du Parti a permis d’homogénéiser le projet dont devrait s’inspirer Joe Biden. Les explications de Bastien Drut, Stratégiste sénior chez CPR AM.

Etant donné que les Démocrates ont de réelles chances d’obtenir la présidence et le Congrès lors des élections de novembre, nous nous penchons dans ce texte sur le virage vert qui serait opéré en cas de victoire démocrate.  

Un projet environnemental…

La première mouture du programme environnemental de Joe Biden, présentée en juin 2019, a fait l’objet de critiques virulentes de la part des associations environnementales. Celui-ci proposait un plan d’investissement fédéral de 1 700 Mds $ sur 10 ans (moins de 1 point de PIB par an) pour lutter contre le changement climatique, soit un montant largement inférieur à ceux des programmes des autres candidats à la primaire démocrate.

Début juin 2020, le Conseil du Parti démocrate sur l’environnement et sur la crise climatique a présenté un plan de 16 000 Mds $ sur 10 ans — soit 10 fois plus que dans le programme initial de Joe Biden — pour accélérer la sortie des énergies fossiles. Parmi les objectifs, nous trouvons :

  • 100 % d’énergie renouvelable en 2030 ;
  • baisse de 70 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et quasi-totale d’ici 2040 ;
  • retour dans l’accord de Paris ;
  • fin des subventions à l’industrie des énergies fossiles.

…initialement jugé beaucoup trop limité

Toutefois, quand bien même les démocrates ont de réelles chances de contrôler le Congrès et d’obtenir la présidence, il faut garder à l’esprit que le Parti démocrate a été très divisé ces dernières années, avec d’un côté un camp très à gauche et de l’autre, un camp centriste. Plusieurs candidats à la primaire démocrate, dont Kamala Harris mais pas Joe Biden, avaient adopté dans leurs programmes le Green New Deal proposé en février 2019 par Alexandria Ocasio-Cortez, une résolution visant à lutter contre le changement climatique et les inégalités et dont le coût est très élevé (le think tank Aspen Institute l’a chiffré entre 52 et 93 000 Mds $ sur 10 ans).

C’est notamment dans le but d’unifier le Parti qu’ont été mis en place des groupes de travail communs (unity task forces) sur plusieurs sujets (changement climatique, économie, santé, justice, éducation, immigration) avec des membres choisis par Bernie Sanders et Joe Biden — John Kerry et Alexandria Ocasio-Cortez en faisaient partie. Les unity task forces ont rendu leurs recommandations début juillet. Le groupe de travail consacré au changement climatique s’est mis d’accord sur les points suivants :

  • retour dans l’accord de Paris ;
  • neutralité carbone dès que possible mais pas après 2050 ;
  • pour ce faire, fermeture des centrales électriques utilisant les énergies fossiles d’ici 2035, avec un programme ambitieux de développement de l’énergie solaire et de l’énergie éolienne : projet sur 5 ans d’installation de 500 millions de panneaux solaires et de 60 000 éoliennes fabriquées aux Etats-Unis ;
  • amélioration des infrastructures électriques ;
  • aides aux ménages défavorisés pour des rénovations permettant des économies d’énergie ;
  • neutralité carbone de tous les bâtiments neufs à partir de 2030 ;
  • remplacement dans les 5 ans des 500 000 bus scolaires par des véhicules sans émission fabriqués aux Etats-Unis ;
  • remplacement des 3 millions de véhicules des autorités locales par des véhicules sans émission fabriqués aux Etats-Unis ;
  • installation de 500 000 bornes de chargement pour les véhicules électriques ;
  • développement d’une agriculture ayant pour objectif la neutralité carbone.

Quel programme pour Joe Biden ?

Quelques jours après la remise des recommandations des unity task forces, Joe Biden a publié mi-juillet les grandes lignes d’un plan d’investissement de 2 000 Mds $ sur 4 ans — aux alentours de 2,5 % de PIB par an. Celui-ci reprend un bon nombre des recommandations du groupe de travail :

  • neutralité carbone dès que possible mais pas après 2050 ;
  • fermeture des centrales électriques utilisant les énergies fossiles d’ici 2035 ;
  • transition des véhicules du gouvernement fédéral vers une flotte de véhicules électriques ;
  • développement de standards environnementaux rigoureux pour les voitures afin que 100 % des véhicules légers soient électriques à terme ;
  • mise en place de limites d’émission de méthane pour les opérations d’extraction fossile nouvelles et existantes (après les dérégulations décidées par le président Trump) ;
  • amélioration des performances énergétiques des bâtiments de l’administration ;
  • imposer aux entreprises de publier les risques climatiques et les émissions de gaz à effet de serre liés à leurs activités ;
  • travailler au développement de bio-carburants ;
  • travailler au développement des technologies de capture du carbone ;
  • retour dans l’accord de Paris, et nouvelle impulsion sur le sujet au niveau international ;
  • Projets d’infrastructures :
    • restauration côtière ;
    • rénovation des ponts et de routes afin qu’ils soient capables de faire face à des catastrophes naturelles plus intenses ;
    • plantation d’arbres à grande échelle ;
    • relancer le ferroviaire ;
    • contraindre la Chine à réduire sa pollution carbone et tenter d’imposer au niveau global la fin des subventions pour les industries fossiles.

L’impact environnemental des démocrates

Le programme de Biden indique aussi qu’il mandatera l’EPA (Environmental Protection Agency) et le département de la Justice afin de poursuivre bien plus qu’actuellement les entreprises qui polluent de façon abusive.

L’objectif de produire 100 % d’électricité sans énergies fossiles (c’est-à-dire avec le nucléaire et les diverses énergies renouvelables) d’ici 2035 est particulièrement ambitieux puisque 62 % de l’électricité américaine provenait des énergies fossiles en 2019 (20 % de nucléaire et 18% de renouvelable). Si cette politique était effectivement entreprise, cela représenterait des investissements colossaux dans l’éolien et le solaire — le premier a déjà beaucoup progressé sur les dernières années.

De même, les investissements en véhicules électriques et en infrastructures associées seraient colossales. Au passage, rappelons que les transports et la production d’électricité représentent respectivement 28 % et 27% des émissions de gaz à effet de serre aux Etats-Unis et que de telles mesures, si elles venaient à être effectivement adoptées, auraient un impact significatif dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.

Bastien Drut - CPR AM

Stratégiste Senior

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