Marchés financiers : un coup d’Etat ? quel coup d’Etat ?

Asset Management - Inflation, hausses de taux et guerre en Ukraine... Faut-il envisager la volatilité comme une classe d'actifs à part entière ? Les explications de César Perez Ruiz, Responsable des investissements et CIO chez Pictet Wealth Management.

Les hausses de taux de la Banque nationale suisse (BNS), de la Banque d’Angleterre (BoE) et de la Banque de Norvège ont montré que les banques centrales n’étaient pas disposées à relâcher leur lutte contre l’inflation. Largement anticipée, la hausse des taux de 25 pb de la BNS a été suivie d’une déclaration agressive concernant les « effets de second tour ». Comme la Banque centrale européenne (BCE) la semaine précédente, la banque centrale helvétique a revu à la hausse ses anticipations d’inflation pour 2024 et 2025, suggérant que les taux d’intérêt pourraient rester élevés un certain temps.

Parallèlement, la hausse de 50 pb des taux de la BoE a dépassé les attentes, alors que l’inflation sous-jacente passait de 6,8 % en avril à 7,1 % en mai. Cette agressivité a accentué l’inversion de la courbe des Gilts et la livre a effacé ses précédents gains, les marchés commençant à intégrer l’effet récessionniste du durcissement monétaire. Dans un contexte d’emprunts plus importants qu’escompté, la dette nette du secteur public britannique a dépassé 100 % du produit intérieur brut en mai pour la première fois depuis 1961. De son côté, la Banque de Norvège a relevé son taux directeur de 50 pb (le consensus visait 25 pb).

Etats-Unis, deux hausses de taux à venir

Aux Etats-Unis, le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a jugé probable l’adoption de deux nouvelles hausses de taux en 2023 et confirmé que les exigences de fonds propres des banques pourraient être augmentées de 20 %, avec une exception pour les prêteurs de moindre envergure. Ses commentaires agressifs, combinés à la faiblesse des indices des directeurs d’achat (PMI) américains, ont pesé sur les marchés boursiers. Les petites capitalisations, généralement plus endettées aux Etats-Unis, ont été particulièrement touchées.

Dès lors, nous sous-pondérons les petites capitalisations. Les avertissements concernant les bénéfices des entreprises chimiques et logistiques soulignent également le ralentissement des secteurs cycliques et laissent présager d’une récession dans l’industrie manufacturière. Les marchés commencent à estimer que les taux d’intérêt resteront élevés plus longtemps et les courbes de taux apparaissent de plus en plus inversées, ce qui crée un environnement délicat pour les actions.

La volatilité, une classe d’actifs à part entière ?

En zone euro, l’activité des services semble s’essouffler alors que la BCE ne relâche pas son étreinte, le PMI préliminaire des services ayant chuté de 2,7 points en juin à 52,4 tandis que le recul de l’activité manufacturière s’accentuait. La France et l’Allemagne ont particulièrement pâti du resserrement des conditions de prêt par les banques. Les courbes de taux souverains ont vu leur inversion s’accentuer (hausse du 2 ans et baisse du 10 ans) et les actions européennes ont encore cédé du terrain. Dans ce contexte, les secteurs cycliques ont été les grands perdants, suggérant l’anticipation d’une contraction économique par le marché.

Les troubles du weekend dernier en Russie, où une mutinerie menée par le chef de guerre Evgueni Prigojine a rapidement fait place à un accord avec Moscou mettant fin à l’insurrection, montrent que la situation est instable et qu’il est presque impossible d’anticiper de tels événements et leur issue. C’est pourquoi la volatilité doit être utilisée comme une classe d’actifs à part entière, en particulier quand le prix des protections est faible. Enfin, il convient de noter que l’Union européenne a approuvé la semaine dernière un onzième train de sanctions à l’encontre de la Russie.

César Pérez Ruiz - Pictet Wealth Management

Directeur des investissements & CIO

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