Hausse de taux de la BCE — 3 questions à… Konstantin Veit, gérant de portefeuille chez PIMCO

Actualités - Lors de sa dernière réunion, ce jeudi 15 juin, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une nouvelle hausse de taux. Quelles conséquences pour l'économie de la zone euro ? Konstantin Veit, gérant de portefeuille chez PIMCO, répond aux questions du Courrier Financier.

La Banque centrale européenne (BCE) s’est réunie ce jeudi 15 juin. Sans grande surprise, l’institution de Francfort annonce qu’elle resserre encore sa politique monétaire. La BCE porte ainsi son taux de dépôt à 3,5 %, son niveau le plus élevé depuis 22 ans. Elle revoit également à la hausse ses prévisions annuelles d’inflation, en estimant que la croissance des prix devrait rester supérieure à son objectif de 2 % jusqu’à fin 2025. Quel sera l’impact de cette stratégie sur la croissance de la zone euro, à l’heure où la Fed choisit de faire une pause ? Konstantin Veit, gérant de portefeuille chez PIMCO, répond en exclusivité au Courrier Financier.

Le Courrier Financier : En Europe, la lutte contre l’inflation va-t-elle se faire aux dépens du soutien à la croissance ?

Hausses de taux de la BCE — 3 questions à... Konstantin Veit, gérant de portefeuille chez PIMCO
Konstantin Veit

Konstantin Veit : L’incertitude reste élevée, notamment en ce qui concerne la trajectoire de l’inflation de base à moyen terme, et la situation actuelle des États-Unis suggère que l’inflation de base pourrait diminuer plus lentement qu’initialement prévu. L’inflation de base a cru rapidement et va diminuer plus lentement.

La résilience économique de la zone euro reste une bénédiction mitigée pour la BCE, et pour que l’inflation se normalise pleinement et revienne à l’objectif de 2 %, un certain ralentissement de l’économie et du marché du travail est probablement nécessaire. La « pleine désinflation », le scénario dans lequel la BCE atteint son objectif de stabilité des prix sans aucune hausse du chômage, est possible, mais ce n’est pas notre scénario de base.

C.F. : Au T1 2023, la zone euro est entrée en récession technique (source Eurostat). Ce contexte plaide-t-il en faveur d’une poursuite du resserrement monétaire ?

K.V. : Les données indiquent une nouvelle expansion du PIB aux deuxième et troisième trimestres 2023. Nous ne devrions pas sur-interpréter les révisions rétrospectives qui ont abouties à deux trimestres consécutifs de croissance marginalement négative au quatrième et au premier trimestre, ce qui a plongé la région dans une récession technique. Le marché du travail est resté très résilient.

Sans une contraction importante des chiffres du PIB irlandais, la croissance de la zone euro aurait été positive au premier trimestre, et l’indice des directeurs d’achat (PMI) a indiqué une croissance supérieure à la tendance au cours des derniers mois. Nous considérons donc que la récession est de nature purement technique et qu’elle n’a pas d’implications significatives pour la politique monétaire à partir de maintenant.

C.F. : Les investisseurs doivent-ils s’attendre à une divergence durable de politique monétaire entre la Fed et la BCE ? Quel serait l’impact sur les marchés financiers ?

K.V. : La Fed a commencé à supprimer les mesures accommodantes plus tôt que la BCE, et a indiqué qu’elle n’avait pas encore terminé et qu’elle avait l’intention d’augmenter encore les taux d’intérêt. Il est donc logique que la BCE relève ses taux d’intérêt à ce stade, d’autant qu’il n’est pas certain que l’inflation de base dans la zone euro, ait déjà atteint son maximum. Les taux directeurs de la Fed sont raisonnablement proches du niveau de l’inflation de base aux États-Unis.

Dans la zone euro, le taux de facilité de dépôt de la BCE est encore assez éloigné de l’inflation de base, ce qui pourrait être interprété comme une politique monétaire actuellement plus restrictive aux États-Unis. L’impact des divergences entre banques centrales sur les marchés financiers, telles que la monnaie ou les différentiels de taux d’intérêt, dépend de l’évolution des politiques monétaires relatives par rapport à la divergence actuellement prise en compte par les marchés financiers.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

Voir tous les articles de Mathilde