BCE : resserrement monétaire à partir de juillet 2022 ?

Actualités - Cette semaine, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé que sa politique de resserrement monétaire devrait débuter à partir du troisième trimestre 2022. Ce calendrier va-t-il permettre de combattre efficacement l'inflation ? Le point avec Le Courrier Financier.

BCE : resserrement monétaire prévu à partir de juillet 2022

(Conception : Mathilde Hodouin – Réalisation : Amandine Victor)

Le suspens prend fin. Face à la flambée de l’inflation, la Banque centrale européenne (BCE) a dévoilé en partie le calendrier de son resserrement monétaire. Le rachat net d’actifs « devrait prendre fin en juillet », a déclaré Luis de Guindos, vice-président de la BCE, ce jeudi 21 avril dans un entretien accordé à l’agence Bloomberg. Cette décision ouvre la voie à une première hausse des taux directeurs, maintenus très bas malgré l’inflation. En mars dernier, l’inflation en France a augmenté de +4,5 % sur un an glissant d’après les chiffres de l’Insee. Le calendrier de la première hausse de taux de la BCE dépendra des projections publiées le 9 juin prochain, lors de la prochaine réunion de la banque centrale.

La défaite des colombes ?

L’Hexagone n’est pas le pays européen le plus mal loti. En 2022, l’Union européenne (UE) fait face à une flambée des prix spectaculaire. En mars dernier, la zone euro a ainsi enregistré une inflation record à 7,5 % d’inflation. Ce chiffre dépasse très largement l’objectif des 2 % ciblé par la BCE à moyen terme. Le calendrier de hausse des taux devra encore être précisé. « Dans la perspective actuelle, juillet est possible et septembre, ou plus tard, est également possible », a expliqué Luis de Guindos. Une déclaration lourde de sens, pour ce membre du conseil des gouverneurs généralement considéré comme l’un des plus favorables à une une politique monétaire accommodante. Les colombes cèdent aux faucons.

L’institution de Francfort a retardé l’échéance du relèvement de ses taux autant que possible, tandis que la majorité des autres banques ont déjà amorcé le mouvement. Depuis décembre 2021, la Réserve fédérale américaine (Fed) a renoncé à qualifier l’inflation de « transitoire ». Ce jeudi 21 avril, son président Jerome Powell a évoqué la possibilité d’une nouvelle hausse de 0,5 % pour sa prochaine réunion les 3 et 4 mai prochains. « Il est approprié d’agir un peu plus rapidement », a-t-il déclaré lors d’un débat sur l’économie mondiale organisé par le Fonds monétaire international (FMI). La Fed pourrait donc adopter une politique monétaire plus agressive dans les mois à venir.

La peur de dégainer trop vite

Les hausses de taux servent souvent d’outil aux banques centrales pour tenter de maîtriser l’inflation. Toutefois, il ne s’agit pas d’une solution miracle. La BCE craint d’appuyer trop tôt sur le bouton du resserrement monétaire. Le risque serait de nuire à la croissance européenne, tandis que le Vieux Continent doit faire face à l’instabilité géopolitique provoquée par la guerre en Ukraine. La BCE a bien prévu une hausse de taux « quelque temps après » la fin de sa politique de Quantitative easing (QE) — et son programme massif de rachat de dettes, déployé suite à la crise sanitaire de 2020 — mais sans plus de précision. Pour l’anecdote, ce serait sa première hausse des taux depuis 2011.

La situation inquiète les marchés. Les anticipations d’inflation moyen-terme se tendent en Europe (2,40 %) et aux Etats-Unis (2,85 %). « Si les anticipations d’inflation continuent de se tendre, c’est que les marchés ne croient pas en la capacité des banques centrales, pour l’instant, de ramener l’inflation vers l’objectif de 2 %. Elles ont donc un peu de marge pour relever les taux mais vont devoir piloter à vue, car la crise géopolitique impacte l’économie mondiale et la confiance », analyse Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marchés chez IG France. Au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE, les partisans d’un resserrement rapide de la politique monétaire donnent de plus en plus de la voix. Affaire à suivre.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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