Olivier Brien – Finastra : prêts à impact positif, « le volume global de transactions a considérablement augmenté »

Responsabilité sociale - En mars 2023, Finastra lançait son outil Finastra ESG Service pour accompagner les banques dans la gestion des crédits bancaires durables. Qu'est-ce qui caractérise un prêt à impact positif ? Comment déployer ce type de service financier ? Olivier Brien, Senior Manager Global Solutions Consultant Lending chez Finastra, répond en exclusivité au Courrier Financier.

Depuis sa création en 2017, le prêt à impact positif s’est installé dans le paysage de la finance durable. Le 20 mars dernier, Finastra lançait son outil SaaS « Finastra ESG Service », destinée aux banques. Objectif, rationaliser grâce au digital le processus de gestion des crédits bancaires durables. Qu’est-ce qui différencie un crédit bancaire durable d’un emprunt classique ? Comment Finastra ESG Service accompagne-t-elle les banques dans le déploiement de ce type de service financier ? Olivier Brien, Senior Manager Global Solutions Consultant Lending chez Finastra, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

Le Courrier Financier : Qu’est-ce qui caractérise un prêt à impact positif — en anglais « sustainability-linked loan » ou SLL — par rapport à un crédit classique ?

Olivier Brien - Finastra : prêt à impact positif, « les taux sont indexés sur les performances extra-financières de l’entreprise »
Olivier Brien

Olivier Brien : Les SLL sont des prêts dont les taux sont indexés sur les performances extra-financières de l’entreprise en fonction de critères précis, par exemple leur notation ESG — c’est-à-dire selon des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance — ou d’indicateurs définis avec la banque. Contrairement à un crédit classique, l’emprunteur doit fournir des justificatifs, qui prouvent qu’il remplit ces conditions et atteint les objectifs fixés pour bénéficier de taux bonifiés.

C.F. : En plein essor de la finance verte, que représente le marché du SLL en France en 2023 ? Qui sont les entreprises qui en bénéficient ?

O.B. : Le volume global de transactions a considérablement augmenté ces dernières années. Après avoir atteint un pic de 1,6 trillion de dollars en 20211, le secteur a bien résisté en 2022 malgré un contexte économique difficile et une baisse d’activité sur les marchés de capitaux. L’Europe est en avance, notamment la France où les banques sont de plus en plus sollicitées par leurs clients — en particulier de grands groupes — pour ce type de produit.

Toutefois, nous sommes encore dans une phase transitoire en raison des incertitudes liées à la règlementation et la définition des indicateurs. À mesure que les pratiques de marché s’harmoniseront et se standardiseront, les banques auront une vision plus claire des attentes des régulateurs. Et les entreprises se tourneront de plus en plus vers les SLL, notamment face à la croissance soutenue des taux.

C.F. : Pourquoi privilégier le crédit durable par rapport aux obligations vertes (green bonds) ? Quelle différence entre ces deux outils financiers ?

O.B. : Ces produits répondent à des objectifs différents. Les green bonds, obligations vertes en français, sont des emprunts obligataires — et donc non bancaires — émis sur des marchés financiers par des acteurs privés (entreprise, banque, etc.) ou publics (État, collectivité, etc.) afin de financer des projets contribuant à la transition écologique. Ainsi, l’emprunteur s’engage-t-il à utiliser les fonds uniquement pour des projets à impact positif sur l’environnement.

A contrario, les SLL n’exigent pas le financement de projets précis. Ils visent davantage une amélioration des performances globales de l’entreprise, grâce à des taux d’emprunt attractifs qui agissent comme un levier d’incitation. Les entreprises les plus vertueuses peuvent ainsi profiter de taux de financement plus compétitifs.

C.F. : Comment évaluer les performances extra-financières d’un crédit durable ? À quels risques les banques et les IOB sont-ils confrontés ?

O.B. : Les crédits bancaires durables s’appuient sur des structures de tarification complexes et des éléments variables qui nécessitent un suivi régulier pour assurer leur conformité aux objectifs du contrat. Ces opérations, lorsqu’elles sont effectuées manuellement, mobilisent des ressources importantes et présentent des risques accrus (erreurs, accroissement des délais de traitement et des coûts, etc.), ce qui freine les démarches des banques.

En intégrant une solution automatisée pour gérer l’évolution des performances et de la tarification ESG, elles peuvent déployer des offres de crédits bancaires durables efficacement et à grande échelle — tout en minimisant les risques liés aux processus manuels.

C.F. : Comment votre SaaS Finastra ESG Services permet-elle aux banques de rationaliser le processus de gestion des crédits durables ?

O.B. : L’application fonctionne comme un micro-service complémentaire à notre outil Loan IQ — utilisé par de très nombreuses banques dans le monde — mais elle s’intègre aussi dans les autres outils des banques, dans la mesure où l’ESG impacte d’autres marchés (obligataires, trade finance, etc.).

Les utilisateurs peuvent ainsi s’appuyer sur un outil unique pour capter les données en fonction des indicateurs validés. Ces indicateurs, ainsi que les notes et les marges attendues pour chaque note, sont définis au préalable dans la solution.

Cela permet de rationaliser le suivi de l’emprunteur (données requises, dates de reporting, etc.), d’automatiser les calculs de mesure de conformité et d’envoyer l’information aux outils de gestion — afin d’impacter les changements sur l’ensemble des dossiers de crédits de l’entreprise.

C.F. : Quelles transactions prenez-vous en charge avec Finastra ESG Services ? Comment votre outil s’ajuste-il à la complexité de la tarification ?

O.B. : L’application est spécialement conçue pour la tarification des SLL et s’appuie sur des APIs ouvertes. Elle offre un haut degré de flexibilité, qui permet de prendre en charge des structures de transactions variées, mais aussi d’intégrer des fonctionnalités et des applications tierces.

Elle permet également d’ajouter des éléments de tarifications supplémentaires, au-delà des intérêts et des frais courants, et de prendre en charge plusieurs systèmes de traitement des transactions qui nécessitent des ajustements de la tarification des prêts.

Grâce au suivi automatisé de la performance ESG et des marges associées — qui peuvent être fléchées directement vers les systèmes de gestion les plus pertinents grâce aux API — l’outil apporte des avantages significatifs à travers le middle et le back office.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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