Donations : transmission de patrimoine, qu’attendre de la présidentielle ?

Patrimoine - Les donations et la transmission de patrimoine se sont invitées dans la campagne présidentielle. Quel rythme et quel ampleur les Français veulent-ils leur donner ? Que proposent les différents candidats à ce sujet ? A quelques jours du premier tour, Le Courrier Financier fait le point.

Ce dimanche 10 avril, les Français voteront au premier tour de la présidentielle. Côté fiscalité, les donations aux enfants ou petits-enfants se sont invitées dans la campagne électorale. Le phénomène concerne pourtant une minorité de Français. D’après les chiffres de l’Insee, en 2018 près d’un ménage français sur cinq (18 %) a bénéficié une donation au cours de sa vie — quand près d’un ménage sur dix (8 %) en a versé une. La donation se fait du vivant du donateur, qui transfère ainsi gratuitement la propriété d’un bien (qu’il soit financier, immobilier ou à usage professionnel) à un donataire. Ce dernier doit l’accepter pour que la donation prenne légalement effet.

Toujours d’après l’Insee, 52 % des donations reçues comprennent un bien financier (argent, assurance vie, valeurs mobilières) et 49 % un bien immobilier (logement, terrain). Les donations restent une affaire de famille, puisque les parents (87 %) et les grands-parents (9 %) sont les principaux donateurs. La moitié des donations (50 %) représentent moins de 30 000 euros, quand 19 % seulement représentent 100 000 euros et plus. Si le montant et le type de donation évolue avec l’âge des bénéficiaires, la majorité d’entre eux (80 %) ont 40 ans ou plus lorsqu’ils reçoivent une donation. Les Français sont attachés à ce système. Les propositions des candidats reflètent-elles les aspirations des électeurs ?

Comment anticiper la taxation ?

Transmettre son patrimoine oui, mais reste à savoir à quel prix. « Dans le cas d’une donation, la fiscalité sera la même qu’elle soit actée devant notaire ou enregistrée par le donataire lui-même. Il est toutefois possible, sur des sommes raisonnables et à l’occasion d’événements particuliers, de pouvoir donner sans fiscalité en ayant recours au présent d’usage », explique Marion Capèle, Directrice du Pôle Solutions Patrimoniales chez Natixis Wealth Management. En général, l’assiette taxable correspond à la valeur vénale des biens transmis — exception faite de certains régimes dérogatoires, pour les objets d’art ou les bijoux par exemple. Cette assiette peut aussi être réduite sur les titres de société (régime Dutreil).

Dans le cas d’un bien immobilier, la donation permet souvent d’anticiper une succession. Le recours au démembrement permet de diviser les prérogatives entre usufruitier (donateur) et nu-propriétaire (donataire). « Un barème, fonction de l’âge de l’usufruitier, est utilisé pour évaluer les biens ou sommes transmises. Lors de son décès, la pleine propriété se reconstitue sur la tête du nu-propriétaire sans imposition supplémentaire », souligne Marion Capèle. Pour une donation, l’administration fiscale applique un abattement selon le lien de parenté entre le gratifiant et gratifié. Les parents peuvent ainsi transmettre jusqu’à 100 000 euros chacun en franchise de droit, une fois tous les 15 ans. Le débat se cristallise là.

Donner plus et payer moins

Le 28 mars, Le Cercle de l’Épargne/Amphitéa publiait son enquête 2022 sur « Les Français, l’épargne et la retraite » — en partenariat avec AG2R La Mondiale. Si les Français se montrent assez hostiles aux droits de succession, l’impôt sur les donations n’engendre pas la même animosité. « Entre l’héritage et la donation, c’est bien la mort qui rebat les cartes de la transmission », soulignent les auteurs de l’étude. Huit Français sur dix (80 %) qui disposent d’un patrimoine élevé souhaitent assouplir les donations sans impôt, avec un abattement tous les six ans jusqu’à 150 000 euros. Près de trois Français sur quatre (74 %) qui ont déjà bénéficié d’une donation importante partagent cette opinion.

La proportion est presque identique (72 %) chez les Français qui ont fait ou envisagent de faire une donation importante. En revanche, cette opinion n’est partagée que par 63 % de l’ensemble des Français, et tombe à 56 % chez les sans patrimoine. Sans surprise, les électeurs d’Eric Zemmour (78 %), Valérie Pécresse (77 %) Emmanuel Macron (62 %) et Marine Le Pen (61 %) sont favorables à la hausse du plafond. Mais plus étonnant, la majorité des électeurs de Yannick Jadot (60 %) et de Jean-Luc Mélenchon (51 %) y sont aussi favorables ! Si un Français sur quatre (24 %) se prononce pour un statu quo (ne rien changer), l’augmentation du taux d’impôt sur les donations reste une idée impopulaire (13 %).

Donations : transmission de patrimoine, qu'attendre de la présidentielle ?
Source : Baromètre Cercle de l’Épargne/Amphitéa
« Les Français, l’épargne et la retraite » – mars 2022

Ce que proposent les candidats

Comment les candidats au premier tour abordent-ils ce sujet dans leurs programmes ? Voici leurs principales propositions sur les donations :

  • Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) veut doubler le plafond d’exonération des donations entre grands-parents et petits-enfants, et doubler leur fréquence (passer à 63 730 euros tous les 7 ans et demi) ; il souhaite aussi exonérer 90 % de la valeur d’une entreprise transmise par donation ou succession, 100 % pour les terres agricoles ;
  • Anne Hidalgo (PS) souhaite créer des tranches pour les droits de succession et de donation, appliqués à partir de 300 000 euros ;
  • Yannick Jadot (Les Verts) évoque un abattement général de 200 000 euros calculé en fonction de ce que le contribuable perçoit tout au long de la vie, quels que soient ses liens de parenté avec les donateurs ou le moment des donations ; il prévoit aussi de réformer le système de dons et d’héritage « afin de prévenir l’extrême concentration des patrimoines chez les plus riches » en renforçant la progressivité des droits de succession ;
  • Marine Le Pen (RN) prévoit d’exonérer les donations des grands-parents et parents à leurs enfants et petits-enfants jusqu’à 100 000 euros par enfant tous les dix ans ;
  • Emmanuel Macron (LREM) entend porter à 100 000 euros l’abattement sur les successions en ligne indirecte : objectif, fluidifier la transmission des patrimoines entre héritiers collatéraux et entre non-parents ;
  • Jean-Luc Mélenchon (France Insoumise) souhaite augmenter les droits de succession sur les hauts patrimoines, « en comptabilisant l’ensemble des dons et héritages reçus tout au long de la vie » ; il veut également créer un héritage maximal de 12 millions d’euros ;
  • Valérie Pécresse (LR) appelle à un « choc de transmission de patrimoine » avec l’élargissement de l’abattement de 100 000 euros réservé aux donations en ligne directe (au profit des enfants) aux libéralités faites par les grands-parents à leurs petits-enfants. Le délai de rappel fiscal passerait de 15 ans à 6 ans ;
  • Eric Zemmour (Reconquête!) veut exonérer les donations de parents à enfants jusqu’à 200 000 euros tous les dix ans ; il prévoit aussi de supprimer les droits de donation et de succession pour la transmission des entreprises entre membres d’une même famille.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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