Fintechs : quels sont les freins au développement ?

Asset Management - Manque de transparence, carence de notoriété, isolement industriel, méfiance à l’égard des nouvelles technologies ou encore positionnement trop nouveau… les freins à l’expansion de l’industrie Fintech sont encore nombreux.

À l’occasion du Fintech Forum, qui s’est tenu à Paris les 25 et 26 janvier, grands groupes et start-ups émergentes de la fintech étaient réunis autour de ces problématiques. Parmi eux, Paolo Galvani, CEO de Moneyfarm, Tamaz Georgadze, CEO de Raisin, Yoni Assia, CEO de eToro, Sofia Merlo, CEO de BNP Paribas Banque Privée et Julian Teicke, CEO de Finance Fox, ont débattu sur les assurtechs, les robo-advisors et les relations entre banques et nouveaux acteurs.

 

Instaurer la confiance

Si le monde de la finance en général pâtit d’une méfiance historique des épargnants, l’univers naissant des fintechs semble subir lui, par répercussion, le scepticisme des investisseurs.

Pour Julian Teicke, la vénalité des institutions financières, les assureurs en première ligne, serait à la genèse de cette perception  “Les besoins des clients n’ont jamais été au coeur du business model des assurances, qui sont perçues comme des ‘money makers’”, explique-t-il. En somme, des machines très lucratives, mais peu consciencieuses.

Cette défiance à l’endroit des technologies financières puiserait par ailleurs ses origines dans l’opacité des rouages de l’investissement. “Dans le monde de la gestion de patrimoine, l’expérience client est marquée par le manque de transparence”, justifie Paolo Galvani. “Nous devons expliquer les solutions, les connexions entre les distributeurs et les clients”.

“Confiance et distribution sont très corrélées”, renchérit Tamaz Georgadze. Mais ce manque de limpidité n’est pas une fatalité.  Le CEO de Raisin, qui déclare placer la transparence au coeur de ses process, se targue du taux de recommandation de ses clients : près de 95% d’entre eux seraient prêts à conseiller les services de sa société.

Enfin, le déficit de connaissance et de compréhension des nouveaux outils est également mis en avant dans les débats.  “La confiance est un objectif constant. La défiance est intrinsèque car les fintechs s’appuient sur les nouvelles technologies”, ajoute le CEO de Moneyfarm.

 

Asseoir la notoriété grâce aux partenariats

Comment redorer le blason des fintechs ? L’assise des jeunes pousses de la finance exige un effort de promotion des jeunes marques.

“Les investisseurs redoutent de confier leur argent à une nouvelle entreprise. C’est un réel frein au développement des fintechs”, commente Yoni Assia, CEO de eToro. “La confiance croît avec la croissance de l’entreprise.”

Dans l’optique de développer leur notoriété, la plupart de ces start-ups s’accordent à reconnaître le rôle des grandes banques. “L’adossement par un grand groupe bancaire ou assurantiel apporte un sceau de légitimité”, poursuit Paolo Galvani.

Les grandes maisons bancaires, même si certaines sont frileuses, déclarent partager cette vision, et surtout, y voient un intérêt certain. “Non seulement les banques et banques privées peuvent travailler avec tous ces partenaires, mais cette coopération est incontournable. Les fintechs nous aident à modifier notre manière de travailler et de concevoir le marché, c’est essentiel”, confirme Sofia Merlo, CEO de BNP Paribas Banque Privée.

 

Expliquer les nouveaux business models

Dernier obstacle au développement des fintechs : la perception, largement ancrée chez les investisseurs, que les services intégrés à l’industrie bancaire doivent être gratuits. Si les clients ont pris l’habitude d’être taxés sur les transactions, ils sont très réticents à rémunérer les intermédiaires de conseils et de service. Un effort de pédagogie est impératif.

“Il est difficile de faire payer les français pour le service. Quel est le juste prix d’un service ? Quel est le coût du risque ?” feint de s’interroger Sofia Merlo. “Il faut être transparent dans l’explication des coûts”.

Même constat pour Paolo Galvani, qui propose une analogie surprenante mais imagée. “Les business models doivent changer. Il faut déplacer l’attention du client du produit vers le service. On achète une perceuse pour faire un trou, pas pour posséder une perceuse. C’est le même concept dans les services financiers”.

 

Si les fintechs cristallisent autour d’elles l’intérêt des médias, des décideurs financiers et du secteur de l’innovation, leur développement reste donc soumis à l’approbation du grand public. Transparence, notoriété et pédagogie seront donc, en plus des défis qui attendent tous les  entrepreneurs, les grands chantiers de ces nouveaux acteurs pour l’année à venir.

Roxane Nojac - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (avril 2016 - janvier 2019)

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