Assurance vie : la transférabilité des contrats va-t-elle tout changer ?

Patrimoine - Depuis le 31 janvier dernier, le Parlement examine la proposition de loi pour « renforcer la protection des épargnants ». Le texte propose notamment de garantir la transférabilité des contrats d'assurance vie. Sous quelles conditions ? Quel serait l'impact pour les CGP ? Le point avec Le Courrier Financier.

La transférabilité des contrats d’assurance vie sera-t-elle bientôt une réalité ? La proposition de loi pour « renforcer la protection des épargnants », a été votée le 31 janvier dernier en première lecture au Sénat. Ce texte est porté par le rapporteur général du Budget Jean-François Husson (sénateur de la Meurthe-et-Moselle, LR) et son prédécesseur Albéric de Montgolfier (Sénateur d’Eure-et-Loir, LR). Les auteurs disent vouloir « améliorer le fonctionnement du marché de l’épargne, au bénéfice des Français ». Ils proposent moins de frais, plus de transparence mais surtout de « stimuler la concurrence ».

La navette parlementaire suit son cours. Le 1er février dernier, le texte est revenu à l’Assemblée nationale. Toutes les attention se concentrent sur l’article 7, qui « vise à garantir une réelle transférabilité interne et externe de l’assurance vie ». L’épargnant pourrait ainsi transférer son contrat au sein d’une même compagnie d’assurance, sans frais et dans un délai de deux mois, à compter de la date de réception de sa demande. Mais surtout, le texte garantirait « la portabilité de l’antériorité fiscale du contrat » en cas de transfert externe. Une telle disposition serait inédite pour les contrats d’assurance vie… mais c’est un vieux serpent de mer.

L’opposition farouche des assureurs

Les assureurs sont vent debout contre cette idée. Des associations comme France Assureurs (syndicat professionnel des entreprises d’assurance) ou encore l’Afer (association française d’épargne et de retraite) s’y opposent depuis des années. Si la loi était votée, assurent-elles, les assureurs seraient tentés de privilégier les investissements de court terme, ce qui nuirait au financement de l’économie réelle. Dans Les Echos, Florence Lustman, présidente de France Assureurs, déclare craindre une réduction de la durée moyenne du placement en assurance vie — de 12 ans aujourd’hui à 8 ans avec la nouvelle loi.

« La transférabilité nuit à la qualité de l’investissement, donc au rendement pour l’épargnant », affirmait déjà Gérard Bekerman, président de l’Afer, dans une tribune pour Les Echos publiée en 2019. Mais ce son de cloche ne fait pas l’unanimité chez les CGP. « Qui est inquiet ? Les banco-assureurs qui sont mono-solution. Un CGP digne de ce nom devrait avoir un catalogue de contrats à disposition — a minima trois contrats différents — et travailler en architecture ouverte. Chez Netinvestissement, c’est le cas depuis longtemps ! » affirme Karl Toussaint du Wast, cofondateur de Netinvestissement, contacté par Le Courrier Financier.

Des opportunités pour les CGP

Les assureurs sont-ils comme les dragons de la légende, assis sur un gros tas d’or ? En décembre 2022, le marché de l’assurance vie représentait 1 842 milliards d’euros d’encours, d’après France Assureurs. Les Français se tournent massivement vers ce produit, pour préparer leur retraite ou anticiper leur succession. « J’espère que cet amendement ira jusqu’au bout. Il permettra de débloquer certains contrats, aujourd’hui peu rentables et dont les CGP ne peuvent rien faire. Les assureurs en situation de monopole seront obligés de revoir leurs politiques », explique Philippe Parguey, Directeur Général de Nortia, contacté par Le Courrier Financier.

« Certes, il faudra veiller à ne pas déstabiliser l’équilibre financier des assureurs. Mais certains sont déjà prêts pour un tel changement ! Prenez La Mondiale, qui propose 2 500 enveloppes différentes — de beaux contrats évolutifs, même quand ils sont anciens ! C’est une question de volonté. Pour le réseau Nortia, ce serait une vraie opportunité. Aujourd’hui, les CGPI représentent 7 % à 10 % de part de marché. Ce sont pourtant les professionnels les plus complets en termes de compétences. C’est peut-être le manque de notoriété, mais j’y vois surtout le signe d’un marché encore sclérosé. Il faut que cela change », conclut Philippe Parguey.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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