BCE : des hausses de taux plus vite, plus haut, plus fort ?

Actualités - Ce jeudi 14 septembre, la Banque centrale européenne (BCE) annonce sa dixième hausse de taux d'affilée. La BCE a-t-elle choisi la lutte contre l'inflation aux dépens de la croissance européenne ? Faut-il y voir la dernière des hausses de taux ? Le point du Courrier Financier — avec les réponses exclusives de Guillaume Sereaud, Président et Associé d’Aliquis Conseil.

BCE : des hausses de taux plus vite, plus haut, plus fort ?

Conception Mathilde Hodouin – Réalisation Amandine Victor

« Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble ». Ce jeudi 14 septembre, la Banque centrale européenne (BCE) annonce une nouvelle hausse de ses taux directeurs (+0,25 point de pourcentage). Ce nouveau resserrement monétaire vise à combattre l’inflation, qui atteignait 5,3 % en août 2023 dans la zone euro d’après les chiffres d’eurostat. « L’inflation continue de ralentir, mais devrait toujours rester trop forte pendant une trop longue période », précise l’institution dans un communiqué. Le taux de dépôt de la BCE, qui fait référence, atteint ainsi 4 %. Un niveau inédit depuis le lancement de la monnaie unique, en 1999.

Depuis juillet 2022, c’est la dixième hausse d’affilée. « Cette dernière hausse intervient alors même que les inquiétudes concernant une récession européenne se font de plus en plus vives. Le conseil des gouverneurs a revu à la baisse ses perspectives de croissance du PIB pour cette année à 0,7 %, et ses prévisions d’inflation sous-jacente à 5,1 % », analyse Ben Laidler, Global Market Strategist chez eToro. « Le communiqué de la BCE et le discours de Christine Lagarde ont donné corps à l’hypothèse que le pic sur les taux avait été atteint », assure Alexandre Baradez, responsable analyse marchés chez IG France.

Objectif 2 % d’inflation en zone euro

La BCE continue de serrer la vis, afin d’atteindre son objectif de 2 % d’inflation. Mais cette lutte acharnée pèse sur la croissance européenne, et sur l’accès au crédit. Sur un an glissant, le coût du crédit s’est envolé pour les ménages et les entreprises de la zone euro. Un contexte qui pèse sur la demande, et sur la distribution de crédit. Dans sa dernière enquête sur la distribution du crédit bancaire, publiée fin juillet 2023, la BCE relève le durcissement des conditions d’octroi du crédit dans la zone euro — signe d’une plus grande aversion au risque. En conséquence, la BCE a abaissé jeudi ses prévisions de croissance en zone euro jusqu’en 2025.

Dans ses projections, la BCE prévoit 3,2 % d’inflation dans l’eurozone en 2024. Ce chiffre devrait tomber à 2,1 % en 2025. Par ailleurs, la banque centrale table sur 1,0 % de produit intérieur brut (PIB) dans la zone euro en 2024 et 1,5 % en 2025. « Ses perspectives sont rapidement passées d’une position de faucon à une position de dovish à contrecœur, compte tenu de l’affaiblissement rapide des économies européennes. L’Allemagne est en récession, son économie se contractant depuis deux trimestres, et les indices PMI prospectifs de l’Europe sont profondément en territoire de contraction », commente Ben Laidler.

3 questions à… Guillaume Sereaud, Président et Associé d’Aliquis Conseil

Dans ces conditions, s’agit-il de la dernière hausse des taux d’intérêt en Europe ? Pour approfondir le sujet, Guillaume Sereaud, Président et Associé d’Aliquis Conseil, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

Le Courrier Financier : Ce jeudi 14 septembre, la Banque centrale européenne (BCE) a préféré la hausse de taux au statu quo. Comment les marchés financiers réagissent-ils à cette annonce ?

BCE : des hausses de taux plus vite, plus haut, plus fort ?
Guillaume Sereaud

Guillaume Sereaud : Alors que la BCE a annoncé une dixième hausse de taux, les investisseurs semblent avoir été rassurés par la transparence de la banque, qui a laissé entendre qu’il pourrait s’agir du dernier resserrement. Le CAC 40 a ainsi terminé en hausse de 1,19 % à 7 308,67 points.

Après cette annonce, les marchés obligataires européens se sont détendus vers 3,12 % pour les OAT et 2,59 % pour les Bunds. Les T-Bonds US ont évolué en sens inverse avec +1,2Pt à 4,27 %, plombés par les prix à la production et la hausse de la consommation.

Ce vendredi matin, les principales bourses européennes sont orientées à la hausse — ce qui prolonge le contexte d’optimisme sur la fin de la remontée des taux d’intérêt en zone euro. À Paris, le CAC 40 franchit les 7 400 points.

C.F. : Dans ses projections, la BCE prévoit le retour de l’inflation à 2,1 % en 2025 — un chiffre proche de l’objectif de 2 %. La politique de resserrement monétaire de la BCE s’inscrit-elle dans une perspective de long terme ? Faut-il s’attendre à d’autres hausses de taux ?

G.S : La BCE était confrontée à un dilemme, rendant sa décision plus incertaine que jamais, car l’activité économique de la zone euro affiche de véritables signes de contraction. Elle a finalement choisi de continuer à freiner l’activité économique. Les objectifs sont donc que les entreprises renoncent à augmenter les prix et que les salariés limitent leurs revendications salariales.

Dans son communiqué, la BCE précise que « les taux d’intérêt directeurs de la BCE ont atteint des niveaux qui, maintenus pendant une durée suffisamment longue, contribueront fortement au retour au plus tôt de l’inflation au niveau de l’objectif ». Ce pic est probablement atteint, mais il devrait rester élevé aussi longtemps que nécessaire.

C.F. : Contrairement aux Etats-Unis, l’activité économique de la zone euro montre des signes de contraction en 2023. Dans ce contexte, la BCE a-t-elle intérêt à réduire son bilan plus rapidement ? Quelles seraient les conséquences sur le marché obligataire ?

G.S : La BCE a déjà entrepris depuis plusieurs mois la réduction de son bilan. Ce dernier a ainsi diminué de plus de 1 000 milliards d’euros depuis son pic de juillet 2022. La banque centrale a aussi cessé une partie des réinvestissements de son portefeuille obligataire et réduit la rémunération des taux versés sur les dépôts bancaires. Une accélération plus forte que prévue de la réduction de la taille de son bilan, viendrait chahuter un marché obligataire déjà impacté en 2022 par la hausse soudaine des taux.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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