Elections présidentielles : le contexte économique

Asset Management - Relativement épargnée par les soubresauts économiques et financiers des dernières années, mais connaissant depuis une reprise économique sans éclat, l’économie française a réalisé, au cours des dernières années, un parcours très moyen durant lequel elle n’a été ni la locomotive ni « homme malade » de la zone euro. Un constat mitigé peut également être établi au sujet des grands déséquilibres macroéconomiques français, bien réels, mais encore soutenables à l’heure actuelle. La politique économique menée depuis 2012 a été caractérisée par une approche graduelle de réduction du déficit public et le lancement de plusieurs chantiers de réformes, dont les résultats n’apparaissent que très progressivement.

Des performances économiques moyennes, inférieures de façon récurrente à celles de l’Allemagne

La France représente environ 2,3 % du PIB mondial1 (pour un peu moins de 1 % de la population) et 21 % du PIB de la zone euro. Beaucoup de ses indicateurs de performance économique de long terme et de compétitivité la rangent dans la moyenne des pays développés. Le pays souffre, de façon récurrente, d’une comparaison défavorable avec son principal partenaire, l’Allemagne, dans de nombreux domaines : chômage, poids de l’industrie dans l’économie, équilibres budgétaires et commerce extérieur. La comparaison en termes de croissance du PIB est, pour sa part, plus mitigée suivant la période considérée. La trajectoire décevante de l’économie française au cours des dernières années a eu tendance à creuser encore cet écart franco-allemand.

Une économie robuste dans la crise, mais lente dans la reprise

L’économie française a, certes, offert une bonne résistance à la crise de 2007-2008, protégée par ses amortisseurs traditionnels (consommation des ménages et dépense publique), par la solidité de son système bancaire, et par une exposition au commerce international moindre que celle de l’Allemagne. Elle a ensuite connu une seconde récession lors de l’épisode de la crise des dettes souveraines de 2011-2013, mais sans effondrement comparable à ceux observés en Italie et en Espagne, et sans que sa dette publique suscite la méfiance des investisseurs.

Depuis 2013, toutefois, la croissance du PIB, redevenue positive, reste bloquée à un rythme à peine supérieur à 1 % par an, inférieur à celui de la moyenne de la zone euro. Une reprise plus faible que celle de l’Espagne ou des Pays-Bas peut s’expliquer par l’absence d’effet de rattrapage en raison d’un moindre recul antérieur. Mais l’écart avec l’Allemagne sur la même période (au cours de laquelle le PIB allemand a progressé de +1,6 % par an, en moyenne) ne peut être attribué à de tels facteurs cycliques.

À défaut d’accélération du PIB, de notables améliorations sont tout de même visibles depuis quelques trimestres :

■ Un net rebond des marges des entreprises, à partir de niveaux plus faibles que dans les autres grands pays de la zone euro, et qui avaient atteint un point bas fin 2013.

■ Une hausse de l’investissement, jusqu’à présent parent pauvre de la reprise. L’amélioration concerne à la fois l’investissement des entreprises (aidé par l’amélioration des marges) et la construction résidentielle (revenue en 2016 en territoire positif).

■ Une décrue du taux de chômage, à 10 % en janvier alors qu’il avait touché un point haut à 10,6 % en août 2015 et une dynamique positive de l’emploi (+1,2 % entre le T4 2015 et le T4 2016, contre +0,7 % un an plus tôt).

En ce qui concerne les chiffres les plus récents, notons qu’après un T4 2016 relativement solide (PIB en hausse de +0,4 % par rapport au T3), les premiers indicateurs du climat des affaires portant sur 2017 envoient un message très optimiste. C’est le cas, notamment, des enquêtes PMI, des indicateurs de confiance de l’Insee ou encore des indicateurs avancés de l’OCDE, ces derniers atteignant même, en janvier 2017, un niveau plus élevé que celui des autres grands pays développés.

Il ne faudrait pas, toutefois, exagérer la portée de ces signaux de court terme, et ce d’autant plus que plusieurs mesures de politique économique (baisses de charges, soutien à la construction, baisses d’impôts pour certains ménages) ont été calibrées pour atteindre en 2016-2017 leur plein effet, qu’il sera difficile de répéter ensuite avec la même intensité. Or c’est bien d’une amélioration durable de la croissance qu’a besoin l’économie française, tant pour amorcer un véritable rattrapage vis-à-vis de l’Allemagne que pour remédier de façon décisive à ces principaux déséquilibres.

 

Déficits et dettes : modérés et soutenables… pour le moment

La France présente un déficit public encore légèrement supérieur au seuil européen des 3 % du PIB (probablement 3,3 % en 2016). Elle l’a néanmoins régulièrement réduit au cours des dernières années (à partir d’un niveau record de -7,2 % du PIB en 2009), sachant que la mansuétude des marchés lui a permis d’opter pour une approche beaucoup plus graduelle que l’austérité drastique imposée à ses voisins du Sud. Une partie de cette amélioration s’explique par la conjoncture et la chute des taux d’intérêt. Cependant le déficit primaire ajusté du cycle, reflétant l’ajustement structurel, s’est tout de même réduit de 3,4 % à 0,9 % du PIB depuis 2009. Le niveau de la dette publique, proche de 100 % du PIB (contre 64 % en 2007), est légèrement supérieur à celui de la zone euro et bien au-dessus de celui de l’Allemagne. Sa progression a cependant nettement décéléré au cours des dernières années.

La France présente également, de façon récurrente, un déficit du compte courant, d’environ 1 % du PIB en 2014, cependant il a été réduit fortement en deçà de ce niveau en 2015 et 2016 en raison de la moindre facture pétrolière. L’essentiel de ce déficit s’explique par le déficit de la balance des biens qui reflète l’insuffisance de la compétitivité externe. Alors que tous les autres grands pays de la zone euro ont un compte courant positif, la France fait donc exception en étant le seul à présenter des twin deficits.

L’endettement privé n’est pas excessif, mais il progresse. mais a continué de progresser au cours des dernières années, contrairement à ce qui s’est produit en Italie et, surtout, en Espagne. L’endettement des entreprises, dont la croissance s’explique davantage par la faiblesse des marges que par l’investissement, est désormais assez élevé si on le compare à celui des grands pays voisins (environ 130 % du PIB). Il ne pose pas toutefois de problème majeur à ce stade.

L’endettement des ménages (57 % du PIB) se trouve également sur une trajectoire haussière, mais à un niveau toujours bien plus faible que celui observé à la fin de la dernière décennie dans les pays ensuite sujets à de violentes crises de la dette immobilière.

Pour l’heure, déficits et dettes restent soutenables, même dans un contexte de croissance lente. Ils constitueraient, en revanche (tant l’endettement public que privé) d’importants facteurs de vulnérabilité en cas de nouvelle récession ou de forte hausse des taux d’intérêt non accompagnée d’une accélération de la croissance.

 

Choix économiques des dernières années : consolidation budgétaire graduelle, réformes structurelles modérées

Confrontée à un déficit public encore très élevé et à un taux de chômage en progression après la violente crise de la fin de la décennie précédente, l’équipe gouvernementale arrivée aux affaires en 2012 a mené une politique dont les grands axes ont été les suivants :

– Forte hausse de la fiscalité en début de mandat, à la fois sur les ménages (TVA et impôt sur le revenu), les entreprises et le capital (impôt sur les résultats et les plus-values), y compris pour faire face à de nouvelles dépenses correspondant au programme de campagne (très marqué à gauche).

– Baisse de la fiscalité des entreprises à partir de 2014 : plan de 40 Mds € sur 3 ans, surtout crédit d’impôts et baisses de charges sociales. La fiscalité sur les ménages a été pratiquement stabilisée (avec même quelques baisses) à partir de 2015.

– Économies de dépenses publiques à partir de 2015 : plan de 50 Mds € sur 3 ans concernant l’administration centrale, l’administration locale et les régimes sociaux (dont environ 40 Mds € probablement effectivement réalisés d’ici fin 2017).

Réformes structurelles dans plusieurs directions, dont :

– Le marché du travail : plusieurs réformes entre 2013 et 2016, guidées par une approche « flexi-sécurité » visant à faciliter les licenciements et à simplifier et décentraliser le dialogue social (au niveau de la branche ou de l’entreprise plutôt qu’au niveau national). Des mesures ont également été prises pour faire des économies sur les régimes de retraite.

– Le marché des produits et services : mesures de simplification des normes, d’ouverture à la concurrence et de rationalisation des dépenses de santé.

– L’administration, notamment territoriale : fusion des régions, développement du statut des métropoles et incitations à la mutualisation des compétences des communes.

Ces réformes (portées en partie par le candidat actuel E. Macron, alors conseiller du Président, puis Ministre de l’Économie) ont toutefois rencontré d’importantes résistances, conduisant à plusieurs reprises le gouvernement à revoir ses ambitions à la baisse (notamment s’agissant de la facilitation des licenciements, de l’ouverture de certaines professions à la concurrence et de la réduction des prérogatives municipales).

L’impopularité de certaines réformes (en plus des hausses d’impôts), leur orientation contraire aux promesses de campagne, et le fait que ce type de réformes met en général du temps à donner des résultats expliquent la très faible popularité du Président F. Hollande, qui l’a conduit à renoncer à briguer un second mandat.

Conclusion

En ce début d’année 2017, la France aborde donc un épisode de forte incertitude politique dans une situation économique qui, si elle reste décevante, s’est tout de même améliorée au cours des derniers trimestres et devrait continuer à le faire au cours des prochains mois. Il est vrai que l’effet de certaines mesures récentes pourrait s’effriter en 2018, et que les décisions (notamment en matière budgétaire) du futur gouvernement ne seront pas neutres sur les perspectives de croissance des prochaines années. Cependant, la reprise est également soutenue par d’importants facteurs cycliques (emploi et investissement) qui ont encore un potentiel d’amélioration, tandis qu’une partie des effets positifs des réformes entreprises au cours des dernières années reste à venir. Les principaux risques pour la poursuite de cette reprise ne résident donc pas tant dans les facteurs économiques domestiques que dans d’éventuels chocs politiques, français ou européens, qui pourraient venir remettre en cause les institutions de l’UE, sans parler de possibles événements extérieurs de nature à interrompre le cycle actuel d’expansion de l’économie mondiale.

Philippe Ithurbide

Directeur recherche stratégie et analyse

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