Emploi et croissance : Savoir regarder

Asset Management - Au moment même où la plus large part du marché « achète » l’idée que la croissance mondiale se poursuit sur un bon rythme (peu ou prou celui, plutôt élevé, de la seconde partie de 2017), le chiffre de l’emploi américain, un des baromètres les plus regardés en matière de tempo de l’activité internationale, déçoit pour décembre dernier. 148 000 créations de nouveaux postes de travail, voilà un résultat bien en deçà d’un consensus qui tablait sur quelque chose autour de 190 000.

La communauté financière ne s’en est pas formalisée. Sans doute à juste titre et ceci pour deux raisons essentielles. La première trouve son origine dans les ouragans qui ont affecté le fonctionnement de l’économie américaine en septembre de l’an passé. Seulement 38 000 nouveaux postes de travail avaient été créés ce mois-là, contre une tendance d’environ 170 000. Eh bien, d’une façon certes un peu erratique, les 130 000 emplois non-créés l’ont été au cours des trois mois suivants. En fait, un peu trop en octobre et en novembre ; d’où la correction baissière en décembre a-t-on envie de dire. La seconde explication à la déception à cette statistique américaine décevante est probablement à trouver dans la tendance cyclique des créations d’emplois. Il ne serait pas très surprenant, au bout de plus de huit ans de phase haussière du cycle économique américain, qu’un ralentissement de l’emploi intervienne.

Faut-il s’inquiéter de cette perspective, si tant est qu’elle s’avère ?

Sans doute pas. Il faut en fait accepter l’idée que la logique cyclique a été un peu « cabossée » au long des années qui ont suivi la « grande récession ». Plus particulièrement, investissement productif et productivité ont été plutôt en berne. Un certain réveil serait en cours. Le bon diagnostic est sans doute que les moteurs de la croissance seraient en train de changer, au moins en partie. Le rythme de celle-ci n’est pas un enjeu, au moins pour le moment.

Passons à la politique monétaire. Le Congrès annuel de l’American Economic Association a aussi été un forum pour aborder le sujet du nombre de hausses du taux directeur de la Fed au cours de l’année qui débute. Le Président du district de San Francisco a défendu la projection médiane des membres du comité de politique monétaire, à savoir trois. Accordons-nous sur l’idée que ce n’est pas une grande surprise. Mais face à des marchés sceptiques sur la perspective de trois hausses, la répétition fait partie du registre de communication de la Fed. Plus intéressant, le point de vue développé par l’actuel Chef économiste de la Maison Blanche, Kevin Hassett : la projection de trois hausses du taux des fonds fédéraux au cours de cette année ne doit pas être remise en cause au titre de la baisse engagée de la pression fiscale, dans la mesure où il s’agit d’un choc d’offre qui ne doit pas créer davantage de pressions haussières sur les prix. In fine, n’a-t-on pas l’impression que le chiffre raisonnable à retenir pour ce qui est du nombre de relèvements du taux directeur américain est 3 ? C’est ce que dit la banque centrale, tandis que le pouvoir exécutif redouterait quelque chose de plus élevée et que le marché « s’accroche » à la perspective de deux gestes.

Restons dans l’univers de la politique monétaire et notons deux choses. D’abord, Jens Weidmann, le Président de la Bundesbank, a réaffirmé la vue selon laquelle un arrêt du programme d’achat de titres par la BCE en septembre prochain est justifié ; ce qui ne remettrait pas en cause la réalité d’un réglage monétaire très accommodant en Zone Euro. Ensuite, l’impression que les taux directeurs chinois vont continuer de remonter a été renforcée par les déclarations du responsable-adjoint de la Recherche de la PBoC au journal China Daily, le quotidien en langue anglaise contrôlée par le Parti-Etat. Comme quoi il faut rester les « oreilles grandes ouvertes » à toutes les informations autour du thème de la normalisation monétaire. En faisant toutefois la part des choses. Si les taux directeurs vont continuer de monter aux Etats-Unis et en Chine, cela ne sera pas le cas en Zone Euro et au Japon et si le bilan de la Fed américaine doit baisser, cela ne sera le cas ni en Chine, ni en Zone Euro et ni au Japon. En fait, leur bilan cumulé devrait encore progresser cette année.