Europe, Etats-Unis : deux puissances agricoles au coude à coude !

Asset Management - L’Europe et les Etats-Unis sont deux grandes puissances agricoles qui se plaisent à se combattre dans le cadre des négociations commerciales internationales. Ils s’accusent mutuellement de protectionnisme. Quels sont les rapports de force et les politiques mises en œuvre par les pouvoirs publics pour soutenir leur agriculture ?

La part de l’agriculture dans l’économie européenne recule  d’année en année. Elle représentait, en 2014, 1.6 % du PIB et 4.3 % de l’emploi. Elle continue néanmoins de devancer les Etats-Unis, pays dans lequel le secteur agricole primaire représente 1.3 % du PIB. En 2014, les États-Unis ont réalisé environ 44 % de leurs exportations vers la Chine, le Canada et le Mexique, tandis que la moitié environ des importations de produits agricoles provenait du Canada, du Mexique et de l’Union européenne.

Production, avantage aux Etats-Unis

L’agriculture européenne stagne depuis 2012 en raison de conditions climatologiques défavorables, de la crise qui a frappé de nombreux Etats ces dernières années, et des embargos avec la Russie. Cette stagnation n’empêche pas une accélération de la productivité totale des facteurs (PTF). Elle a progressé de 1.5 % par an depuis 2012, soit plus du double du taux de croissance observé entre 1991 et 2000. L’agriculture européenne devient plus économe en intrants grâce au développement des produits bio et de la réglementation environnementale. De son côté, l’agriculture américaine a connu, ces dernières années, une croissance assez dynamique, +0,9 % par an en moyenne. Les gains de productivité ont été de 1,8 % par an du fait de l’intégration plus rapide du progrès technique (agriculture connectée).

Les réglementations environnementales sont de plus en plus sévères en Europe quand elles s’allègent aux Etats-Unis mais le recours aux pesticides et aux engrais chimiques est plus important sur le vieux continent. L’agrandissement des exploitations contribue également à l’amélioration de la productivité. L’agriculture est moins consommatrice d’énergie aux Etats-Unis que dans le reste de l’OCDE, en revanche, elle génère davantage de stress hydrique.

Le secteur agricole américain bénéficie, par ailleurs, d’un grand marché intérieur de consommation avec une concurrence assez forte en matière de distribution ce qui n’est pas le cas en Europe où le marché reste segmenté et détenu par des oligopoles, du moins dans certains Etats.

L’agriculture européenne est bien intégrée dans la chaine de production mondiale. En effet, les importations agricoles et agroalimentaires sont destinées à être transformées quand les exportations sont constituées à 70 % de produits destinés à la consommation finale, essentiellement en tant que produits transformés. Aux Etats-Unis, près de la moitié des importations de produits agroalimentaires correspond à des produits transformés pour la consommation finale, tandis que plus de la moitié des exportations sont destinées au secteur agroalimentaire, puis utilisées principalement sous la forme de produits primaires.

Les politiques de soutien passées au crible

La Politique agricole commune (PAC) est le principal instrument de l’Union européenne. En dehors du cadre de la PAC, les États membres peuvent appliquer des mesures financées sur leurs budgets nationaux qui ciblent des secteurs ou objectifs spécifiques, tant qu’elles satisfont aux règles sur l’aide publique de l’Union européenne et ne faussent pas la concurrence au sein du marché commun.

Des systèmes d’intervention existent encore pour les céréales, à savoir le blé tendre et le blé dur, l’orge et le maïs, mais n’ont pas été utilisés récemment. Le sucre est soutenu au moyen de quotas de production et d’une aide au stockage privé. Le prix minimum de la betterave sous quota est fixé à 26.29 euros par tonne jusqu’à la fin du régime de quotas applicable au sucre, prévue pour le 30 septembre 2017.

Dans le cadre de la PAC 2014/2020, les quotas de production de lait ont été supprimés et cela à compter du 1eravril 2015. Les Etats membres ont, par ailleurs, pris des dispositions pour venir en aide aux agriculteurs pénalisés par l’embargo imposé depuis le 7 août 2014 par la Fédération de Russie sur les importations de certains produits agricoles en provenance de l’Union européenne.

Si par rapport aux années 90, la politique de soutien à l’agriculture a baissé, une inversion de tendance est constatée depuis 2015 avec la baisse des prix mondiaux. Des mesures ont été prises pour tenter de stabiliser les revenus des agriculteurs européens. La politique agricole commune comprend de nombreuses aides visant à inciter les exploitants à améliorer leurs connaissances, à entretenir les infrastructures ou le paysage.

Les Etats-Unis aident moins mais aident quand même

Le niveau de soutien accordé aux agriculteurs américains a toujours été inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE et tend à baisser au fil des années. Ces dernières décennies, la part du soutien des prix du marché a été réduite. À l’inverse, le soutien budgétaire direct aux exploitants s’est peu à peu accru du fait, principalement, de l’augmentation des paiements non assortis d’une exigence de production. Les politiques agricoles sont, en ce sens, assez convergentes.

Le soutien aux producteurs américains en pourcentage des recettes varie considérablement selon les années et les produits de base. De nombreuses mesures de politique agricole étant contracycliques par rapport aux prix du marché. L’aide aux agriculteurs est ainsi passé entre 1986-88 et 2014-16, de 21 à 9 % des recettes agricoles brutes étant donné que durant cette période les prix mondiaux ont eu tendance à progresser. La part des mesures susceptibles de créer le plus de distorsions (mesures fondées sur la production et l’utilisation d’intrants variables – sans contraintes) a reculé pour s’établir à 33 % en 2014-16, ce qui est bien inférieur à la moyenne de l’OCDE et aux niveaux relevés en 1996-97.

Le programme d’assurance récolte couvre les pertes de rendement et de revenus. Il joue un rôle important dans le soutien aux agriculteurs. Le dispositif classique accorde une subvention aux producteurs souscrivant une police d’assurance afin de se prémunir contre les pertes de rendement ou de revenus, voire la perte de la totalité des recettes de leur exploitation. En outre, l’option de couverture complémentaire (Supplementary Coverage Option – SCO) offre aux producteurs une assurance supplémentaire fondée sur les superficies, qui se conjugue avec les polices d’assurance récolte habituelles

Aux États-Unis, le secteur agricole est également soumis à toute une série de mesures  réglementaires de portée fédérale ou locale concernant notamment les échanges, la sécurité des aliments, les opérations financières, la politique fiscale, l’énergie et les transports.

Philippe Crevel - Cercle de l'Epargne

Directeur

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