Finance solidaire — 3 questions à Julia Robin, chargée de plaidoyer chez FAIR

Responsabilité sociale - Du 13 au 20 novembre, l'association FAIR organise la 16e édition de la semaine de la finance solidaire. Que représente le secteur de la finance solidaire en France ? Quel rôle l'épargne privée joue-t-elle dans cet écosystème ? Julia Robin, chargée de plaidoyer chez FAIR, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

Du 13 au 20 novembre, l’association FAIR organise la 16e édition de la semaine de la finance solidaire. « La finance solidaire recouvre l’ensemble des initiatives et réglementations visant à faciliter le financement de projets destinés à lutter contre l’exclusion et à améliorer la cohésion sociale », indique la Banque de France. La finance solidaire est liée à l’essor de l’économie sociale et solidaire (ESS) à laquelle le mois de novembre est dédié. En 2021, l’ESS représentait en France environ 10 % du PIB et 14 % de l’emploi privé — soit près de 2,4 millions de salariés. Julia Robin, chargée de plaidoyer chez FAIR, répond en exclusivité au Courrier Financier.

Le Courrier Financier : En 2023, que représente le secteur de la finance solidaire en France ? Comment la croissance du secteur se traduit-elle en chiffres ?

Finance solidaire — 3 questions à Julia Robin, chargée de plaidoyer chez FAIR
Julia Robin

Julia Robin : La dernière édition du Zoom sur la finance solidaire, publiée par FAIR en septembre, a chiffré l’encours total de la finance solidaire à 26,3 milliards d’euros en 2022, soit une augmentation de 7,4 % (ou 1,8 milliard d’euros) par rapport à 2021. C’est une croissance qui continue de se confirmer dans le temps : il y a 10 ans, les encours atteignaient à peine les 6 milliards d’euros. 

Aujourd’hui, la finance solidaire représente 0,45 % de l’épargne des Français. L’épargne salariale solidaire a été le plus puissant moteur de croissance l’an dernier, avec un encours atteignant 15,3 milliards d’euros, ce qui représente 9,4 % de l’épargne salariale totale en France. C’est le canal de collecte le plus important de la finance solidaire, devant l’épargne par les banques ou les mutuelles d’assurance (10 milliards d’euros) et l’actionnariat solidaire (0,9 milliard d’euros).  


C.F. : Quel rôle l’épargne privée joue-t-elle dans cet écosystème ? Quelles seraient les conséquences si la finance solidaire restait « la grande absente » du PLF 2024 ?
 

J.R. : L’épargne privée est capitale au bon développement des entreprises solidaires. Celles-ci réinvestissent une majorité de leur bénéfice dans leur mission d’utilité sociale au lieu de le redistribuer à leurs investisseurs, ce qui peut limiter leur attractivité selon certains. Pourtant elles ont besoin de capital patient pour financer leur action à fort impact social et environnemental.

En l’absence de soutien de l’Etat à travers le PLF 2024, ces entreprises sociales pourraient perdre jusqu’à un tiers de leur collecte d’épargne privée, ce qui les pousserait à brider leur développement. Les conséquences s’en ressentiraient très concrètement dès 2024 : moins de logements sociaux construits, moins d’agriculteurs soutenus, moins de foyers fournis en énergie renouvelable… 

C.F. : Quelles propositions le collectif des acteurs de la finance solidaire soutient-il ? Comment pérenniser un régime plus favorable pour les entreprises solidaires ? 

J.R. : FAIR propose de renforcer l’incitation à l’investissement dans les entreprises solidaires à travers une réduction d’impôt. Aujourd’hui, cette incitation existe mais elle s’affaiblit : la réduction d’impôt de 25 % doit retomber à 18 %, un taux insuffisant pour compenser l’inflation, la remontée des taux et la distribution des bénéfices, déjà faibles des entreprises solidaires. 

C’est pour cela que FAIR demande l’instauration d’un taux pérenne de 30 %, aligné sur des dispositifs comme celui des FIP Outre-Mer. Par ailleurs, nous portons également des propositions pour soutenir les foncières solidaires, visant à aligner leur régime sur celui des autres entreprises solidaires plutôt que celui de l’immobilier classique comme c’est encore trop souvent le cas. 

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

Voir tous les articles de Mathilde