Histoire de taux

Asset Management - Le marché des titres d’Etat retient l’attention, avec un taux américain à 10 ans au-dessus de 3,10% et un écart entre taux à 10 ans italien et allemand qui a augmenté de près de 20pdb au cours de la séance d’hier pour atteindre 149pdb.

L’impression dominante aux Etats-Unis est que la croissance économique est solide 

La Fed va donc devoir relever son taux directeur au cours des prochains trimestres un peu plus que ce qu’elle envisageait en mars dernier. Qui plus est, le réglage accommodant de la politique budgétaire apporte son lot de pressions haussières supplémentaires sur les parties intermédiaire et longue de la courbe, au titre d’une offre de « papiers » plus abondante. La remontée des taux pousse le dollar à la hausse. Néanmoins, le rythme est à l’heure actuelle suffisamment « retenu » pour ne pas peser sur le cours des actions. Tout se passerait plutôt bien et sans trop de surprises sur le marché américain. Peut-on pourtant intégrer à l’analyse certains autres éléments ? Le prix du gallon d’essence est en passe d’atteindre les 3 dollars ; la hausse est nette par rapport au niveau inférieur à 2,50 observé en fin d’année dernière. De plus le taux des prêts hypothécaires remonte ; à 3,80% pour une maturité de 10 ans, il est à un plus haut depuis 2013. Dans le même temps, on le sait, les salaires n’accélèrent guère et le taux d’épargne des ménages est bas, autour de 3%. En n’oubliant pas que sur les deux derniers mois les créations d’emplois ont donné l’impression de ralentir, relativement à la période précédente, et que l’Américain moyen ne bénéficiera pas du « gros » de l’allégement fiscal. Restons attentifs au comportement des ménages au cours des prochains mois. Il nous en dira beaucoup sur la croissance économique, les anticipations des marchés et aussi l’attitude du Président Trump dans la perspective des mid-term elections de novembre prochain.

Passons à l’Italie et au feuilleton à rebondissement de l’éventuelle formation d’un gouvernement 5 Etoiles – Ligue.

Rappelons les épisodes précédents.

1) Berlusconi « libère la Ligue de son engagement vis-à-vis de Forza Italia ; ce qui ouvre les portes aux discussions entre les deux formations populistes en vue de former un gouvernement.

2) Chacun sur le marché de se mettre alors « à compter sur ses doigts » ; il n’est pas difficile en relisant les programmes des intéressés d’arriver à la conclusion qu’il y aurait de quoi avoir un effet relance, ex ante bien sûr, de 5 points de PIB.

3) le chiffrage est trop énorme pour être réaliste et chacun de considérer que les mesures seront, soit revues à la baisse, soit mises en œuvre de façon très progressive.

4) Une « âme charitable » fait fuiter dans la presse un document de travail du processus de discussion en cours entre les deux partis ; il est « explosif » : à côté des points connus, comme la flat tax, le revenu universel et le rapprochement avec Moscou, on trouve plusieurs demandes assez baroques envoyées aux institutions de l’UE, dont  une révision des traités européens (avant tout le pacte de stabilité et de croissance), une moindre participation de l’Italie au budget européen, une mise en place au niveau européen d’une procédure permettant de quitter la Zone Euro et l’annulation de 250 milliards d’euros de dette souveraine italienne logée dans les comptes de l’eurosystem (BCE et banques centrales nationales).

5) sans surprise, les deux protagonistes présentent le document comme obsolète, accusent les marchés de leur être hostiles, tout en, et c’est sans doute le plus intéressant, exprimant le souhait d’une Europe revenant à un état pré-maastrichtien (avant l’ambition de créer l’union économique et monétaire).

On en est là. Quelles leçons tirer ? D’abord que 5 Etoiles et la Ligue sont plus radicaux que l’impression qu’on pouvait avoir durant la campagne électorale. Ensuite que l’Europe serait probablement empêchée d’accélérer la marche vers davantage d’intégration en cas de formation d’un gouvernement italien portant les couleurs de ces deux partis. Enfin que les marchés remettraient sur le métier des anticipations l’ouvrage de leur diagnostic sur l’Europe. Evidemment, on peut pointer les exemples grec et portugais pour relativiser la situation italienne du moment. Mais en se rappelant que l’Italie est un beaucoup plus gros poisson.

Finissons par écouter l’au-revoir de Vitor Constâncio au moment de quitter la vice-présidence de la BCE

Il envoie deux messages : trop d’austérité pendant la crise souveraine, avec comme conséquence une polarisation politique et la nécessité pour la BCE d’être audacieuse au moment du prochain retournement cyclique. Notons la liberté de ton !

Remarquons aussi que le départ de Constâncio s’inscrit dans un vaste mouvement de changements de leaders au plus haut niveau des institutions européennes. Disons deux mots de ceux-ci. Le processus de choix est compliqué. Il mêle équilibre entre pays, entre parties de l’Europe (Nord – Sud et Est – Ouest), entre appartenances ou orientations politiques et entre hommes et femmes. Selon un pointage du Peterson Institute, au cours des douze derniers mois, quatre allemands (dont trois renouvellements), un espagnol, un hollandais et un portugais ont été adoubés. Le choix ne s’est porté que sur une seule femme. Selon la façon dont on appréhende les renouvellements de fonctions, le Nord est ou non favorisé par rapport au Sud. Dernier point, la France brille par son absence. Pour se rattraper il va y avoir d’ici à la fin 2019 trois postes à pourvoir au Conseil exécutif de la BCE, dont le remplacement de Mario Draghi, la présidence du Conseil, celle de la Commission et celle du Parlement européen.

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