La Parole aux Assos – ANCDGP (3/3) : la transférabilité des contrats, victime du lobbying

Actualités - Dans « La Parole aux Assos' », l'ANCDGP revient sur la question de la transférabilité des contrats. Assurance vie, loi PACTE, réforme du 3e usage du courtage... Quels sont les réseaux captifs qui gèlent le stock d'épargne constitué ? Comment orchestrer le suivi des contrats ? Philippe Loizelet, Président de l'ANCDGP, répond à nos questions.

L’année 2019 a vu plusieurs sujets réapparaitre concernant la vie des contrats dans le temps :

  • une avancée notoire de la réforme du troisième usage du courtage par les professionnels, pour contrer la pression des fournisseurs ;
  • une occasion ratée de la transférabilité des contrats.

La refonte du troisième usage de courtage : un contrat d’assurance vie génère trois types de commissions :

  • une de chargement, prélevée sur les versements du client ;
  • une sur les encours du contrat ;
  • une sur les arbitrages.

Ces commissions sont partagées entre la compagnie et l’intermédiaire. En fait, la compagnie indique ses frais, sa quotepart lui revenant et laisse l’intermédiaire fixer librement avec son client ses taux de commissions. En pratique, ensuite, la compagnie prélève le tout et reverse la quotepart à l’intermédiaire.

L’évolution des contrats, leur pérennité, l’intérêt de préserver un contrat ancien éligible à une fiscalité ancienne, ou une antériorité finit par rendre le client « captif » de son conseiller d’origine. Celui-ci pourrait ne plus répondre aux souhaits de son client et ce dernier pourrait changer de conseil, mais les commissions resteraient acquises à l’intermédiaire initiateur du contrat.

Une réforme nécessaire

Dès lors que l’on considère que les commissions, notamment sur encours, rémunèrent un service délivré dans le temps, le client doit pouvoir changer de conseil pour son contrat. Reste que la profession était un peu figée à aborder le débat, et les compagnies semblaient démultiplier les initiatives contractuelles pour déroger à cet usage.

Plus grave, certaines n’ont pas hésité à « forcer » la main des intermédiaires en arguant que cet usage ne serait pas DDA compatible. C’est faux et déloyal. Au surplus, les compagnies sont bien aimables de se mêler de nos rémunérations librement fixées avec nos clients ! Il fallait donc orchestrer et réformer cet usage.

Si un portefeuille se cède, de gré à gré, actuellement, aux alentours de trois fois les rémunérations sur encours, la solution préconisée par ANCIA — regroupant l’ANACOFI ASSURANCES (dont l’ANCDGP est membre), la CSCA et PLANETE COURTIER — est de prévoir qu’en cas de transfert d’un contrat existant, le courtier sortant reçoive du courtier entrant 18 mois de commissions sur encours.

La contrepartie étant, dès lors, la transférabilité rapide du contrat, de sa gestion, de son suivi au confrère. Nous avons bon espoir que cet usage se développe et nous préconisons à nos confrères de refuser les aménagements contractuels proposés par les compagnies qui dérogeraient à cet usage. Encore une fois, ce n’est pas aux compagnies de gérer nos rémunérations, nous ne sommes pas leurs agents !

Occasion ratée de permettre la transférabilité

Si les compagnies étaient pressantes pour que les intermédiaires fassent évoluer la transférabilité de leur encours par la refonte du 3 ème usage du courtage, force est de constater que les compagnies se sont trouvées beaucoup plus rétives à ce que les contrats soient transférables.

Un client ne peut demander le transfert à une autre compagnie de son contrat d’assurance vie en sauvegardant son antériorité. Cela ne serait pas possible et fragiliserait les compagnies qui ainsi perdraient leur stock d’épargne. C’est un faux argument. Non seulement, elles n’ont pas la même retenue quant elles décident de se séparer d’un portefeuille de contrats, et ce, sans permettre au client de s’étonner de changer de compagnie et donc de cocontractant.

Mais, les contrats en unité de comptes sont transférables comme un PEA. Les fonds en euros seraient déstabilisés ? pas si on les traite comme des unités de compte. En fait, si ce n’est pas possible, c’est uniquement à cause du lobbying des compagnies et des banques, qui veulent garder leur stock constitué d’épargne, gelé par l’antériorité fiscale des contrats.

D’ailleurs, le fisc ne s’y trompe pas ! Ne vient-il pas d’autoriser le maintien des antériorités fiscales pour promotionner le transfert vers les nouveaux contrats PER ouverts par la Loi PACTE ? Mais au sein des mêmes établissements.

Quand nous vous disions que nous avions perdu une bataille de lobbying. Enfin, ce n’est que partie remise car, après tout, il y a encore plusieurs combats :

  • une distorsion de concurrence entre courtiers : les agences bancaires qui sont statutairement des courtiers de compagnie d’assurance « maison », refusent toujours de reconnaitre un ordre de changement de courtier par le client. La réforme du troisième usage du courtage n’est, bien entendu, pas pour elle ;
  • le client rendu captif, par l’avantage fiscal historique de son contrat, de la compagnie d’assurance. Or, les frais prélevés par la Compagnie dans le temps sont bien, aussi, une contrepartie d’un service délivré dans le temps. Le client pourrait donc bien souhaiter de changer de gestionnaire de ses actifs s’il n’est plus satisfait de la prestation, ou si on lui propose, ailleurs, de moindre frais.

L’argument se tient non ? En cette période de baisse des performances, l’importance de la qualité et du coût de la gestion d’un contrat, il semble évident que le client va vouloir reprendre la main.

Philippe Loizelet - ANCDGP

Président

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