Les cycles ne meurent pas de vieillesse, mais suite à des chocs

Asset Management - Dans la version originale de Robert Southey de l’histoire de Boucles d’or, l’intruse dans la maison des ours saute d’une fenêtre vers un destin incertain : « Si elle s’est cassé le cou dans sa chute, a couru dans les bois et s’y est perdue, ou a retrouvé son chemin pour sortir de la forêt... je ne saurais le dire. »

L’économie mondiale se trouvant dans ce qu’on appelle un scénario « Boucles d’or » (Goldilocks) – ni trop optimiste pour faire craindre une inflation galopante, ni trop pessimiste pour susciter des inquiétudes quant à une éventuelle stagnation de la croissance – les investisseurs feraient bien de se rappeler que les fins heureuses ne sont jamais garanties. Bien que les probabilités d’un changement immédiat dans le statu quo soient faibles, il existe plusieurs menaces qui pourraient faire sortir les actifs à risque de leur situation privilégiée et il est important de continuer d’évaluer les vulnérabilités.

« Goldilocks » ou « goldishocks » ?

Cela ne veut pas dire que le ciel s’assombrit. L’économie mondiale entame sa neuvième année d’expansion et les prévisions du consensus sur la croissance sont optimistes. Parallèlement, l’inflation devrait rester modérée. Par ailleurs, le fait que ce cycle haussier dure exceptionnellement longtemps ne signifie pas qu’il doive bientôt se terminer. Comme Janet Yellen, présidente sortante de la Réserve fédérale, l’a déjà fait remarquer, « c’est un mythe que les expansions meurent de vieillesse » – il faut généralement un choc pour les tuer.

Alors, qu’est-ce qui pourrait déséquilibrer ce cycle vertueux ? Une escalade de la tension entre les Etats-Unis et la Corée du Nord pourrait certainement le faire. Les possibilités d’une guerre totale semblent faibles, mais les principaux protagonistes de ce drame sont difficilement prévisibles.

Une autre menace est la tendance protectionniste de certains pays. Le président Trump a envoyé des signaux positifs à la Chine lors de son récent voyage en Asie, mais les relations commerciales entre les deux plus grandes nations commerciales du monde demeurent difficiles et pourraient encore se détériorer. L’absence de progrès réalisé dans les renégociations de l’ALENA soulève également quelques préoccupations.

Enfin, si la victoire de Macron aux élections présidentielles françaises a confirmé la stabilité politique en Europe, les récentes élections en Allemagne montrent que le mouvement populiste est encore vivant – comme le vote italien de l’année prochaine le confirmera probablement, bien que les changements apportés à la loi électorale apportent un certain réconfort.

Deci, delà …. vers où ?

Au-delà de ces risques liés à l’actualité, les investisseurs doivent garder à l’esprit que les conditions économiques varient à travers le monde – ce qui entraîne des influences divergentes pour déterminer si la rupture de l’équilibre actuel s’inclinera vers le ralentissement de la croissance ou la remontée de l’inflation. La comparaison entre les Etats-Unis, l’Europe et le Royaume-Uni illustre bien ce point.

Malgré la durée de leur cycle expansionniste, les Etats-Unis pourraient poursuivre leur croissance, notamment parce qu’ils devraient bénéficier du programme républicain de réduction des impôts. Cependant, la baisse continue du taux de chômage aux Etats-Unis alimente une timide pression à la hausse sur les salaires.

Nous prévoyons également une hausse de l’emploi en Europe, où la croissance est solide et généralisée. Mais, contrairement aux Etats-Unis, les surcapacités sur le marché du travail devraient limiter la croissance des salaires et empêcher les pressions inflationnistes de se développer, ce qui maintient la BCE dans une position monétaire très accommodante.

Les perspectives sont beaucoup plus floues pour le Royaume-Uni. Nous sommes d’avis que le Brexit continuera de plomber la confiance, de réduire les investissements des entreprises et commencera à pénaliser la croissance. Pendant ce temps, la Banque d’Angleterre a adopté une attitude plus ferme pour lutter contre l’inflation. Ses récentes déclarations suggèrent que nous pourrions voir deux autres hausses des taux avant que la réalité économique ne l’oblige à faire marche arrière, même si la dernière hausse a été bien digérée par le marché.

Favorable au risque, avec un œil sur les difficultés en perspective

Quelle est la meilleure façon de positionner un portefeuille ? Les investisseurs devraient porter une attention particulière à leurs positions obligataires, car les taux bas poseront un problème si le scénario « Boucles d’or » devait finalement s’incliner vers un ralentissement économique. Lorsque les marchés se détériorent, on s’attend généralement à ce que le recul des marchés boursiers soit en partie compensé par les plus-values réalisées sur les obligations – étant donné que les rendements devraient normalement baisser, provoquant une hausse correspondante du prix des obligations. Cependant, les rendements sont déjà si faibles qu’ils ne peuvent pas baisser suffisamment pour compenser les pertes.

Une autre préoccupation est que, du fait notamment de la tendance à l’investissement passif, les portefeuilles obligataires des investisseurs sont de plus en plus similaires. La liquidité sur les marchés obligataires est beaucoup plus fragmentée qu’elle ne l’était auparavant, de sorte que la tendance croissante à utiliser des indices de référence pondérés selon la capitalisation boursière pourrait amplifier un choc éventuel.

C’est pourquoi nous privilégions les portefeuilles obligataires présentant deux caractéristiques principales : un accent sur la qualité, qui devrait mieux résister à la volatilité ; et une approche à faible taux de rotation – pour la raison évidente que si vous n’avez pas besoin d’effectuer des opérations fréquentes, la fragmentation de la liquidité est moins problématique. Un tel portefeuille devrait offrir une meilleure protection si les mouvements à la baisse venaient à déséquilibrer l’univers de Boucles d’or et inciter les investisseurs à se précipiter vers la sortie.