À quand la taxation des dépôts des particuliers ?

Patrimoine - Le mois d’août a eu son lot de nouvelles surprenantes dans le milieu bancaire. Après la décision de la banque coopérative allemande - la Raiffensenbank Gmumd am Tegernsee – de taxer les dépôts des particuliers au-delà de 100 000 euros, la Royal Bank of Scotland a également fait savoir la semaine dernière qu’elle ferait payer les clients institutionnels sur les dépôts effectués dans le cadre des contrats à terme.

Ceci étant, la décision de la Royal Bank of Scotland est moins inédite que celle de la Raiffensenbank Gmumd am tegernsee, étant donné que la taxation ne concerne que les dépôts de la clientèle professionnelle. À ce titre, elle ne fait qu’emboiter le pas à de nombreuses banques européennes y compris les banques françaises qui font également payer les « grands comptes ». Ces décisions s’inscrivent dans un contexte prolongé de taux d’intérêt négatif qui met sous pression la profitabilité de l’activité bancaire. En France où depuis janvier 2016, les frais de tenue de compte ont été généralisés, les clients pourraient s’inquiéter d’un effet de contagion.

La taxation des dépôts : le juste retour de bâton des taux négatifs sur les réserves excédentaires des banques ?

Les banques peuvent-elles justifier la taxation des dépôts par le taux négatif imposé par la banque centrale sur leurs réserves excédentaires ? Pas vraiment étant donné que le taux sur la facilité de dépôt offerte par la banque centrale est un instrument de politique monétaire alors que le taux de rémunération des dépôts n’est que la juste compensation en échange de leur utilisation dans l’activité de crédit. Dans n’importe quel autre secteur d’activité, il serait en effet inconcevable qu’une entreprise ne paie pas ses intrants. Il est vrai que la problématique est plus compliquée dans le cas des banques commerciales. Les dépôts sont certes une ressource mais pas seulement puisque les banques offrent également à leurs clients des services associés aux comptes courants comme la gestion des moyens de paiement. Ceci expliquerait que les banques n’ont pas toujours choisi de rémunérer les comptes courants étant donné que par ailleurs, elles devaient faire payer ces services.

En France, la politique du « ni, ni » – ni rémunération des comptes courants, ni paiement de la gestion des comptes courants, traitement des chèques inclus – a longtemps prévalu sans doute parce que la monnaie ainsi que la gestion des moyens de paiement était considérée comme un bien public.

Néanmoins, le mérite de rémunérer les comptes d’un côté et de facturer les services bancaires d’un autre est la transparence accrue de la tarification. Le consommateur peut comprendre et comparer plus facilement les tarifs pratiqués par les établissements bancaires. Les nouvelles règles sur la tarification bancaire introduites en France en janvier 2016 qui a conduit notamment à la généralisation des frais de tenue compte vont dans ce sens. Il est plus facile de perdre le consommateur avec une rémunération implicite des dépôts.

Le choix de taxer les comptes au-delà de 100 000 euros n’est pas le fruit du hasard

Si l’on comprend bien qu’il n’y a pas de lien logique entre le taux négatif appliquée à la facilité de dépôts offerte par la banque centrale et la taxation des comptes courants, il apparaît clairement que cette décision s’inscrit dans un objectif de profitabilité. Compte tenu de la forte concurrence qui prévaut dans le secteur, les banques commerciales sont soucieuses de demeurer compétitives sur les taux d’intérêt offerts aux clients. Elles se retrouvent à avoir un choix limité d’option pour maintenir leur marge : réduire leurs coûts ou augmenter leur revenu hors taux d’intérêt. La politique de réduction de coûts a toujours ses limites pour maintenir la qualité du service client. Taxer les comptes des particuliers au-delà de 100 000 euros s’inscrit dans la même logique que taxer les dépôts des clients institutionnels comme les contreparties bancaires, les hedge funds ou les grandes entreprises. C’est une clientèle captive dans la mesure où les sommes déposées sur les comptes courants sont à la hauteur de leur revenu. Les comptes au-delà de 100 000 euros n’ont rien de compte d’épargne, les alternatives sont peu nombreuses. Ils peuvent toujours passer à la concurrence, certes. Réduire leurs encours mais pour les mettre où ? Les investir sur le marché monétaire ? Les taux sont également négatifs.

Les comptes des particuliers doivent-ils redouter le pire ?

Même si l’inertie bancaire des français est élevée, il serait malvenu dans le contexte post-crise et après l’introduction des frais de tenue de compte en janvier dernier, que les banques françaises prennent une telle décision. Sans doute pourront-elles imiter leur consœur allemande en taxant les comptes supérieurs à 100 000 euros étant que ces comptes ressemblent davantage à des comptes professionnels que ceux de particuliers. Ils sont d’ailleurs en général exclus des garanties de dépôts et font partie des créanciers exposés en cas de bail in. En outre, les banques françaises ont généralisé les packs services associés aux comptes courants. Il ne sera pas très difficile d’avancer masquer à la reconquête de revenu !

Nathalie Janson

Économiste & enseignant-chercheur du Département Economie, Culture et Affaires Internationales de NEOMA Business School et spécialiste de la politique monétaire et du système bancaire européen.

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