Un message des marchés ? Décryptage de la récente baisse des cours

Asset Management - Les fortes variations des marchés ont forcément une raison. La plupart du temps, cette supposition est juste : il suffit d’une annonce de bénéfices, d’une décision de politique ou de la publication d’une statistique et les marchés semblent (parfois) réagir comme l’on s’y attend.

Parfois les marchés bougent sans cause évidente et l’on s’évertue à savoir pourquoi en fouillant les sites d’actualité, en interrogeant les courtiers ou même en consultant les blogs pour tenter d’en trouver la raison. Malheureusement, ces sources bien souvent ont elles-mêmes fait la même chose : ayant dans un premier temps observé la variation du marché, elles cherchent ensuite la cause susceptible de l’expliquer. Il existe de nombreux exemples de situations où les observateurs ont invoqué la même donnée pour expliquer la baisse des marchés le matin et leur hausse l’après-midi. En l’occurrence toutefois, il est futile aujourd’hui de vouloir faire coïncider la variation des cours avec un événement. Ce à quoi nous assistons en réalité est un mouvement de panique, des ventes massives systématiques dans lesquelles des actifs apparemment sans lien avec les problèmes fondamentaux, mais néanmoins jugés constituer une source immédiate de liquidités sont touchés aussi durement – sinon plus – que les actifs perçus comme étant « dans l’œil du cyclone ». L’une des caractéristiques marquantes de la phase récente est que les événements invoqués pour expliquer la baisse des cours changent quasiment chaque jour. A vrai dire, ce phénomène conforte notre sentiment, car il indique que les marchés sont déroutés par la chute des bourses et tentent d’adapter leur analyse pour l’expliquer au lieu de commencer par examiner les faits.

 

La situation économique a-t-elle évolué de façon significative ?
La principale évolution est intervenue au niveau des prix, qui eux-mêmes peuvent influencer les fondamentaux. Les cours du pétrole sont plus bas qu’au début de l’année – mais pas aussi bas qu’en janvier – et pour bon nombre d’entreprises, le coût du capital a augmenté. Or, les mêmes risques qui existaient fin décembre sont présents encore aujourd’hui, tout comme le sont les mêmes tendances positives. Ce sont les prix qui ont changé, et notre propension apparente à nous focaliser sur les risques au détriment des facteurs positifs. Notre approche de placement ne consistant pas à établir des prévisions, nous ne tenterons pas de valider la thèse d’une reprise prochaine de l’économie mondiale. Cependant, nous avons largement fait part de nos observations concernant les nombreux signaux positifs que nous décelons, plus particulièrement aux Etats-Unis (accélération de l’emploi, des salaires et de la consommation), et les effets stimulants de la baisse des cours du pétrole sur l’économie.  Ajoutons à cela les signes de redressement en Europe (graphique 1) et dans d’autres pays (graphique 2).

Capture d'écran 2016-02-16 17.40.29

(Source : Bloomberg et M&G – 10 février 2016)

 

Capture d'écran 2016-02-16 17.40.39

(Source : Bloomberg et M&G – 10 février 2016)

 

Exposition des banques aux secteurs de l’énergie et des matières premières
Pour nous, la phase en cours s’apparente davantage à la crainte généralisée d’une crise financière, en grande partie liée aux réminiscences de 2008. Les actions du secteur bancaire ont chuté partout, des Etats-Unis au Japon en passant par l’Europe, si bien qu’il semble difficile d’expliquer cette déroute autrement que par un mouvement de panique générale. Les observateurs à l’origine ont attribué le plongeon des banques à leur exposition aux secteurs de l’énergie et des matières premières, puis à l’impact des taux négatifs, et invoquent désormais des questions spécifiquement européennes entourant Deutsche Bank. Ces hypothèses sont chacune valides dans une certaine mesure, mais compte tenu de la nature globalement corrélée de la dégringolade des banques, de sa rapidité et de l’absence d’explication cohérente à ce phénomène, elle paraît difficile à justifier autrement que par la peur.

Certes, le système financier est hautement interconnecté et soumis au risque de mouvements de panique qui s’auto-alimentent lorsque des retraits massifs se répandent. Cependant, comme nous l’avons déjà souligné, il est peu probable au regard des enseignements de 2008 et au-delà que le marché fasse preuve de complaisance à cet égard. Les investisseurs et les régulateurs se sont focalisés sur ce point et les banques sont indéniablement en meilleure posture qu’elles ne l’étaient. Ce qui ne signifie pas pour autant que les risques n’existent pas. De fait, quelle serait l’utilité des graphiques ci-dessus en cas de paralysie du système financier ?  Cependant, nous ne sommes pas convaincus que la baisse des places boursières constitue à elle seule un signe que les risques ont augmenté.

 

Arsenal réduit des banques centrales pour affronter cette nouvelle étape de la crise financière
Selon nous, le lien entre les taux d’intérêt (et la politique des banques centrales en général) et la croissance mondiale a été surestimé dans le contexte de cette récente phase. La fonction première d’une grande partie de l’action des banques centrales ces dernières années a consisté à fournir des liquidités. Toutefois, comme bon nombre d’observateurs l’admettent désormais, la relation entre ces interventions et l’évolution de la croissance est à tout le moins limitée. Les banques centrales sont clairement parvenues à influencer la courbe des rendements et les prix des obligations, mais l’économie réelle à travers le monde est restée dictée par les mêmes facteurs qu’auparavant, à savoir « les esprits animaux », la productivité et les structures d’incitation. Nous estimons que le meilleur moyen pour les gouvernements de stimuler la croissance est par le biais de la politique budgétaire, c’est-à-dire via des dépenses publiques et/ou des baisses d’impôts. Bon nombre de pays n’ont pas encore entrepris d’efforts concertés sur ce plan.

Cependant, si l’inquiétude aujourd’hui concerne globalement l’apport de liquidités au secteur financier (ce qui comme évoqué plus haut pourrait bien être une crainte exagérée), alors les banques centrales peuvent continuer d’agir comme elles l’ont fait jusqu’ici pour éviter la paralysie du système financier. Des taux d’intérêt bas voire négatifs ne limitent en rien cette fonction. Nombreux sont ceux qui prétendent être des investisseurs à long terme, capables de ne pas céder aux émotions du marché et d’exploiter les opportunités lorsqu’elles se présentent. Or, pour que cette attitude porte ses fruits pour certains, il faudra dans ce cas que la majorité la trouve trop difficile à adopter en pratique. Les approches de placement sont réellement mises à l’épreuve dans des circonstances comme celles que nous connaissons actuellement. Par définition dès lors, comment pourraient-ils ne pas être inquiets ?

Stuart Canning - M&G Investments

Voir tous les articles de Stuart