TRUMP vs CLINTON : enjeux et stratégies d’investissement

Asset Management - Quelle que soit l’issue pour la Maison Blanche, l’impact économique dépendra grandement de la couleur du Congrès ! Les élections américaines du 8 novembre opposeront Hillary Rodham Clinton (démocrate de New York) contre Donald Trump (républicain, New York), Gary Earl Johnson (libertarien, Nouveau-Mexique), et Jill Stein (Parti Vert, Massachusetts). Le prochain président prendra ses fonctions le 20 janvier 2017.

Depuis quelques semaines, H. Clinton a pris un net ascendant dans les sondages. Il serait prématuré de conclure à une élection toute tracée (car des fuites embarrassantes, un incident de santé, ou le précédent du référendum britannique rappellent qu’une élection n’est jamais acquise), mais nombreux sont ceux qui considèrent déjà que D. Trump n’a pratiquement aucune chance d’être élu, parce qu’il sera incapable de recueillir les 270 délégués nécessaires pour entrer dans la Maison Blanche.

Il y a cinq raisons essentielles :

• La carte électorale favorise fortement Clinton ;

• Aucune minorité (hispanique ou afro-américaine) n’a été épargnée pendant la campagne électorale de Trump, et nous savons à quel point les votes minoritaires sont importants ;

• Ses propos sur les femmes vont laisser des traces…;

• Sur le plan géographique, sa base électorale n’est pas assez diversifiée ;

• Ses positions ont été jugées tellement excessives que de plus en plus de représentants républicains se désolidarisent de sa campagne.

À l’heure actuelle, les républicains contrôlent la Chambre des représentants (246 sièges sur 435), et le Sénat (54 sièges sur 100). Le 8 novembre, auront également lieu les élections pour tous les sièges à la Chambre des représentants et 34 sièges au Sénat, et il est possible que les démocrates reprennent le contrôle du Sénat. En effet, parmi les 34 sièges à pourvoir, 24 sont actuellement détenus par les républicains.

En termes de programmes, celui de Donald Trump est celui qui aura probablement fait couler le plus d’encre (programme mouvant et prenant à contre-pied son propre camp). Du côté d’Hillary Clinton, les propositions sont plus consensuelles et prêtent moins à polémique: on y retrouve les grandes orientations démocrates, avec quelques concessions à l’aile gauche de son parti (taxation sur les successions notamment).

En Europe et dans le monde, c’est très clairement le risque protectionniste et la politique migratoire qui retiennent le plus l’attention dans le programme de Donald Trump. Sur le plan domestique, c’est le déficit budgétaire (nature et ampleur de la baisse d’impôts pour les ménages et les entreprises) et son financement qui sont les éléments les plus déterminants. Il est néanmoins très difficile d’en évaluer l’impact, du fait des imprécisions du candidat, mais aussi parce que les mesures proposées ne seront jamais acceptées telles quelles par le Congrès, même s’il est entièrement dominé par les républicains.

Les propositions des candidats sont sans surprise très différentes dans leur idéologie.

D’abord, sur l’immigration et les accords commerciaux, l’opposition entre les deux camps est frontale. Même s’il est difficile d’imaginer qu’il mette en pratique ses propos, D. Trump a fait des déclarations agressives envers l’Europe, la Chine, le Mexique et l’Islam (i.e. proposition d’expulsion d’immigrés et construction d’un mur à la frontière mexicaine, sévères critiques d’accords commerciaux, hausse des droits de douane…). Ces mesures se traduiraient par une économie américaine plus isolée. Le commerce transfrontalier et l’immigration seraient considérablement diminués, et avec moins de commerce et d’immigration, les investissements directs étrangers seraient également réduits.

À l’opposé, H. Clinton a des positions beaucoup plus consensuelles sur ces thématiques et sa politique extérieure et commerciale s’effectuerait probablement dans le prolongement de celles menées par Barack Obama ces dernières années. Ensuite, même si les deux programmes proposent une relance budgétaire, ils diffèrent sensiblement sur les bénéficiaires des mesures en question. Les baisses d’impôts proposées par Trump sont concentrées sur les ménages les plus riches (les ménages aisés bénéficieraient sensiblement de taux d’imposition marginaux plus faibles sur le revenu, et des mesures sur les dividendes et les gains en capital). Au contraire, les mesures proposées par Clinton seraient financées par une augmentation de la pression fiscale sur les plus nantis, de manière à préserver la « middle class ». Du côté des entreprises, Hillary Clinton veut réduire les impôts sur les petites entreprises et taxer les grandes entreprises qui délocalisent. Enfin, seulement sur certaines dépenses, les propositions de Donald Trump rejoignent celles d’Hillary Clinton (dépenses en infrastructures, salaire minimum).

Les mesures d’Hillary Clinton sont globalement financées, pas celles proposées par Donald Trump.

Même si de nombreuses zones d’ombre persistent encore2, la baisse de la fiscalité est plus marquée dans le programme Trump, s’inscrivant dans la doxa républicaine (simplification du code des impôts, fiscalité allégée avec, en particulier, une suppression de l’impôt sur les successions). Le programme de Donald Trump s’en éloigne néanmoins en ce qui concerne les modalités de financement : loin de songer à couper drastiquement dans les dépenses pour financer les allégements de fiscalité (ce qui nécessiterait une baisse de 20 % des dépenses), il propose d’augmenter parallèlement certaines d’entre elles et de relever le salaire minimum si bien que son programme conduit à accroître très substantiellement le déficit public (ex-ante). Plus précisément, les recettes fiscales baisseraient de 5,3 trillions $ sur la décennie tandis que les dépenses diminueraient de seulement 1,2 trillion $ en net  (la baisse des dépenses de 3,2 trillions $, en grande partie en raison de l’annulation programmée des dépenses liées à « l’Obamacare », serait amoindrie par les hausses de dépenses de 2 trillions $ prévues notamment pour la défense, les infrastructures, les vétérans, et Medicare). Une telle dérive budgétaire serait inadmissible dans le camp républicain (tout comme dans le camp démocrate d’ailleurs). En revanche, le programme de Clinton augmenterait à la fois les dépenses (1,65 trillion $) et les recettes fiscales (1,5 trillion $) dans les 10 prochaines années, assurant peu ou prou l’équilibre budgétaire.

En définitive, sur la décennie à venir, la dette augmenterait (en tenant compte du surcroit de charges d’intérêt) de 200 Mds $ dans le programme Clinton et de 5,3 trillions $ dans le programme Trump.

Ceci dit, il est important de noter qu’aucun des candidats n’est susceptible de faire passer son programme en l’état. Le pouvoir du Président est très limité en matière budgétaire aux États-Unis où le Congrès a le dernier mot. Dans tous les cas de figure, le Congrès sera donc amené à jouer un rôle central. Par conséquent, les résultats des élections à la Chambre des représentants (qui sera entièrement renouvelée le 8 novembre) et au Sénat (renouvelé au tiers) seront tout aussi importants que ceux de l’élection présidentielle. En effet, selon les derniers sondages Donald Trump et Hillary Clinton ont à peu près une chance sur deux de devoir composer avec un sénat qui leur est hostile3. La couleur du Sénat affectera la nature des compromis budgétaire possibles. L’impact sur l’économie de chacun des programmes dépendra donc de la constellation politique qui s’établira dans les deux Chambres.

Philippe Ithurbide

Directeur recherche stratégie et analyse

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